Zoom sur le droit de réponse de Mbuyu Kabango

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Comme son nom l’indique, le droit de réponse, dont le fondement trouve sa source dans la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, est une faculté offerte à toute personne physique ou morale nommée ou désignée dans un média de faire publier sa version des faits dans ce même média. Le journal en ligne Congo Indépendant a publié, le 21 décembre 2020, un article intitulé « ‘Grand Katanga’: ces politicards qui considèrent le Congo-Kin comme un bien personnel de ‘Kabila’ et de son clan« . Parmi ces politicards, l’auteur cite le député et ancien ministre Célestin Mbuyu Kabongo. Que son droit de réponse soit publié un jour plus tard, cela démontre, si besoin était, la nature civilisée ou responsable de l’organe de presse ci-dessus. Ce qui nous intéresse en revanche, c’est la manière dont monsieur Mbuyu use de ce droit.

Il commence par se présenter comme un « intellectuel de haute facture ». Il égrène ensuite ses nombreux titres. Pourquoi? Pour démontrer que du haut d’un tel profil, il ne lui serait pas possible de se « réveiller un matin et commencer à prendre des positions sur l’accord CACH-FCC pour lequel il n’a jamais été associé à aucune des réunions, ni à sa conception, ni à sa réalisation et même pas au partage des postes ». Pourtant, depuis que cet accord est mis à mal par le président Félix Tshisekedi avec un large soutien national, les cadres du PPRD ou du FCC défilent sur les plateaux des chaines de télévision pour le défendre. Parmi eux figurent de nombreux « intellectuels de haute facture » qu’il serait fastidieux de citer nommément. Mbuyu feint donc d’ignorer qu’ils sont légion à travers le monde les « intellectuels de haute facture » au service des dictatures. Essayiste, chroniqueur et intellectuel engagé dans la construction de la démocratie, le franco-ivoirien Alexis Dieth note à juste titre qu’en Afrique, « par affinité ethnique et pour des raisons pécuniaires, nombre d’intellectuels se sont fait conseillers des tyrans et ont été les intellectuels organiques des régimes despotiques du continent ». Il poursuit: « Historiens, avocats, philosophes et hommes de lettres cédèrent à l’ivresse du pouvoir et à la séduction de l’argent qui les transforme en prédateurs et en oppresseurs des peuples ». Au Congo, sous la dictature de Mobutu Sese Seko, de Laurent-Désiré Kabila ou encore de celle, hautement prédatrice et championne en violations des droits de l’homme, de Joseph Kabila, le Congo reste un cas d’école dans la prostitution de ses intellectuels. Pour démentir les propos ci-dessus, l’ « intellectuel de haute facture » Mbuyu devrait dessiner sa posture à travers ses écrits et paroles publiques condamnant de manière constante un régime comme celui de Joseph Kabila. On le sait, il aura toute la peine du monde à se soumettre à un tel exercice.

Mbuyu lance une flèche en direction du rédacteur en chef de Congo Indépendant du fait qu’il est basé en Belgique: « Vous bénéficiez de la sueur des Belges au lieu de venir aider l’équipe dirigeante à développer notre pays que de continuer à admirer les routes, la lumière, les bâtiments et autres réalisations des personnes qui ont un cerveau, des bras et des jambes comme vous ». Pour un « intellectuel de haute facture », la déception est grande. Car, il ne comprend pas que quand un Congolais ou tout autre citoyen vit en dehors de son pays, cela ne signifie pas, comme il l’insinue, qu’il bénéficie forcément « de la sueur » des autres. En effet, on peut bien faire partie de cette sueur dont une partie contribue à alléger la pauvreté généralisée dans le pays d’origine. D’ailleurs, seuls les dirigeants des pays comme le Congo sont capables d’inviter les membres de la diaspora à regagner leurs mères patries. Dans tout pays responsable, on les encourage plutôt à continuer de bien gagner leur vie à l’extérieur et on met en place, au pays de départ, des politiques susceptibles de capter leur manne financière afin que celle-ci contribue au développement de la nation. Il n’arriverait jamais aux élites marocaines, par exemple, de tenir les discours éminemment aberrants des hommes politiques et intellectuels congolais à l’endroit de leur diaspora.

Quand Baudouin Amba Wetshi estime que Joseph Kabila considère le Congo comme un butin de guerre ou un bien personnel ou de son clan, Mbuyu croit avoir identifié un contre-argument de taille: « Mon cher Baudouin, pouvez-vous me dire autour de la RDC un Président qui a fait ce que Kabila a fait? Laisser le pouvoir à 47 ans, un militaire injurié par même ceux qui ne lui doivent tout pas sans réaction aucune. Quelle est la force que vous avez utilisée vous personnellement pour le faire partir? S’il considérait ce pays comme son bien, il aurait agi autrement ». Oui, Mbuyu a raison dans la mesure ou les Congolais n’ont pas fait grand-chose dans le départ de Joseph Kabila. Mais il va vite en besogne quand il rend ainsi hommage à ce dernier. Au Congo comme ailleurs en Afrique, les systèmes politiques dits démocratiques disposent, sur papier, des contre-pouvoirs qui ne fonctionnent pas dans la réalité. Cela explique pourquoi les présidents des républiques bananières s’octroient aisément des mandats illimités. Cependant, il arrive qu’on ait, face à la toute-puissance de ces présidents, des contre-pouvoirs venus d’ailleurs. Après s’être octroyé sans la moindre raison un glissement ou troisième mandat de deux ans interdit par la constitution, Kabila ne pouvait que céder au diktat yankee lui imposant d’organiser les élections au cours de l’année 2018. Qu’on se souvienne que l’ultimatum lui fut lancé par l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Nikky Haley, lors d’un tête-à-tête de deux heures à Kinshasa le 27 octobre 2017. Même en courbant l’échine face à plus fort que lui, Kabila a fait semblant de partir mais en prenant soin de garder l’essentiel de l’imperium à travers un homme de paille, le président Félix Tshisekedi, qui vient de réussir à le dribler. Kabila n’a donc aucun mérite dans son départ du pouvoir. Le mérite revient aux Etats-Unis d’Amérique qui ont également bien encadré Tshisekedi dans son drible magistral.

En s’autoproclamant « intellectuel de haute facture », Mbuyu devrait au moins faire preuve d’honnêteté intellectuelle, cette capacité à se remettre en question, à faire preuve de bonne foi et d’objectivité dans ses propres raisonnements et pensées au regard d’arguments extérieurs. Mais, comme l’a écrit je ne sais plus quel éminent penseur, « l’honnêteté intellectuelle est comme toute vertu: la plupart des gens la saluent, mais peu la pratiquent. Et ce, parce que peu de gens en sont capables. En effet, être intellectuellement honnête est difficile car cela requiert d’aller à l’encontre de tendances psychologiques instinctives, et donc un effort mental ». Cela est surtout vrai dans le chef des « intellectuels organiques des régimes despotiques ». Mbuyu l’illustre suffisamment quand il affirme tout bonnement que « le Katanga est une terre d’accueil et les Katangais ont toujours été en paix avec les autres. La preuve est que c’est la seule province où depuis les Belges à ce jour les non originaires sont élus à tous les échelons ». Quid alors de la chasse à l’homme déclenchée lors de la déclaration de la sécession katangaise par Moïse Tshombe en 1961, chasse qui donna lieu à un camp de 50.000 à 100.000 déplacés à Lubumbashi (ex-Elisabethville) protégé par les Nations Unies? Quid des pogroms anti-Kasaïens de 1992-93, lancés par le gouverneur de province, le Katangais Gabriel Kyungu, après que le Kasaïen Tshisekedi wa Mulumba succéda au Katangais Nguz a Karl-I-Bond à la primature lors de la démocratisation à la Mobutu? L’ONG internationale Médecins sans Frontières n’avait-elle pas rapporté 50.000 à 100.000 morts et de 600.000 à 800.000 expulsés? Quant au Katanga que Mbuyu présente comme « la seule province où les non originaires sont élus à tous les échelons », cela témoigne d’une et une seule réalité, la dynamique du tissu social de la province telle qu’amorcée par la transplantation d’autres populations à l’époque coloniale. Telle est la rançon des richesses fabuleuses du Katanga. Aujourd’hui encore, l’histoire bégaie, avant tout au Katanga, parce que la fiction politique que le « Katangais » Joseph Kabila et le Kasaïen Félix Tshisekedi ont vendue à la nation entière, à savoir la victoire du premier aux législatives et celle du second à la présidentielle, ne tient plus la route. Tout « intellectuel de haute facture » devrait donc aisément comprendre que l’élection des non originaires au Katanga est semblable à celle, par exemple, des hommes politiques d’origine congolaise en Belgique. Leur électorat est constitué essentiellement de Belges de même origine. Seul un naïf verrait dans leur succès un quelconque sentiment des Belges de souche vis-à-vis des Belges d’origine étrangère.

Mbuyu se présente comme un « intellectuel de haute facture » doublé d’un sage. Quand un homme réunit à lui seul ces deux qualités, il ne peut s’adresser à son interlocuteur, Baudouin Amba Wetshi en l’occurrence, en ces termes: « Si je n’étais pas réellement sage, j’aurais parlé de vous et de votre passé car je sais même pourquoi vous agissez de la sorte contre ceux du Katanga et de Maniema votre province d’origine ». Un grand intellectuel ou un sage prendrait plutôt soin de vérifier à qui il a affaire. Car, le rédacteur en chef de Congo Indépendant n’est pas originaire du Maniema, mais de l’ex-province de l’Equateur. Dans la Kabilie, les corrompus ou médiocres le confondent avec Cyprien Wetshi, journaliste-caméraman et administrateur de l’Asbl bruxelloise « Les Amis de Wetchi » qui, lui, serait du Maniema.

Enfin, en s’imaginant que Baudouin Amba Wetshi insufflerait au président Félix Tshisekedi la haine des Katangais, Mbuyu le prévient: « Il ne vous suivra jamais car la constitution c’est sa Bible pour nous écouter, nous orienter et améliorer nos conditions de vie ». La métamorphose des Kabilistes en légalistes ou défenseurs de la constitution est intéressante. Ils applaudissaient quand le despote Joseph Kabila piétinait systématiquement cette même constitution, allant jusqu’à massacrer les Congolais dans les églises et à s’octroyer un troisième mandat que les Américains ont raccourci à deux ans. Maintenant que Félix Tshisekedi dénoue habilement la toile d’araignée tissée autour de lui par le despote, ils crient aux violations de la constitution et trouvent en celle-ci des valeurs bibliques.

Tout « intellectuel de haute facture » soit-il, les arguments de Mbuyu ne volent pas haut. Aussi devrait-il revoir sa copie. Mais un tel exercice de l’esprit est impossible aux « intellectuels organiques des régimes despotiques du continent » parce que leur nature les pousse à écouter plus leurs ventres que leurs cerveaux.

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

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