Depuis qu’il a pris l’initiative de « consulter » les représentants des forces politiques et sociales en vue de la tenue du sacro-saint « dialogue politique national inclusif », le président sortant « Joseph Kabila » répète sans cesse que ce forum vise à « préserver la paix chèrement acquise ». Il omet chaque fois de nommer l’individu ou le groupe d’individus qui menacerait cette « paix ».
Dans son discours du 28 novembre dernier annonçant la convocation de cette réunion, « Kabila » a rappelé les points devant, selon lui, faire l’objet des discussions. Ils sont connus: le fichier électoral, le calendrier électoral, la sécurisation du processus électoral et le financement du même processus. « C’est aussi à travers cette voie que nous garantirons la stabilité et la paix chèrement acquises, avant pendant et après ce processus, par-delà nos divergences d’opinion », déclarait-il.
Les représentants des forces politiques et sociales proches de l’opposition crient leur stupeur de voir le chef de l’Etat sortant convoquer le plus sérieusement du monde une assemblée regroupant plusieurs centaines de personnes (leaders politiques, activistes de la société civile, chefs coutumiers et autres religieux…) pour débattre des questions techniques (calendrier électoral et fichier électoral) relevant des prérogatives constitutionnelles attribuées à la CENI (Commission électorale nationale indépendante).
Lors de l’entrevue qu’il a eu, lundi 11 janvier, avec le président de la CENI, le nouveau patron de la Monusco, le Nigérien Maman Sidiku, n’a pas usé de la « langue de bois diplomatique » en rappelant à Corneille Nangaa que le nettoyage du fichier électoral, une tâche technique, ne peut être subordonné à un prétendu « consensus politique ». Il en est de même du calendrier électoral.
En prenant cette position, le numéro un de la Mission onusienne au Congo-Kinshasa a, sans le vouloir, privé le dialogue cher à « Joseph Kabila » de ses « béquilles ». Ce dialogue devient sans objet ni intérêt. Etant entendu que le financement et la sécurisation du processus électoral relèvent des missions régaliennes de tout Etat digne de ce nom. Point n’est, dès lors, besoin de convoquer tous les chefs coutumiers du Congo et les pasteurs des églises dites de réveil pour en parler.
Au risque de se disqualifier devant l’opinion tant nationale qu’internationale, « Joseph Kabila » doit, sans délai, libérer le processus électoral.
« Préserver la paix chèrement acquise ». Parlons-en! Peut-on décemment soutenir que la paix règne aux quatre coins du Congo-Kinshasa? Peut-on parler de « paix chèrement acquise » alors que les pouvoirs publics sont incapables de garantir à leurs administrés le bien le plus cher à l’homme à savoir le droit à la vie? Peut-on parler de « paix chèrement acquise » dans une société où règne la misère économique, l’oppression politique, l’exclusion et les discriminations? La sécurité des personnes et des biens ne constitue-t-elle pas l’échec le plus patent des quinze années d’exercice du pouvoir par « Joseph Kabila »?
Est-il besoin de souligner que la paix dont parle « Joseph Kabila » est purement imaginaire quand on sait que depuis le mois d’octobre 2014 à ce jour, près de 700 habitants du Territoire de Beni, au Nord Kivu, ont été impunément massacrés? Les présumés assassins courent-ils pas toujours et encore? D’autres faits?
En séjour à Bunia, en Ituri, dimanche 9 janvier, le rapporteur de l’Assemblée nationale, Berocan Keraure (CCU), n’a-t-il pas invité les miliciens de FRPI (Forces de résistance de l’Ituri) à « déposer les armes » et « à participer au dialogue national convoqué par le Président de la République pour présenter leurs revendications »? Des pistoleros continuent donc à disputer à l’Etat congolais l’exercice du monopole de la contrainte organisée sur son territoire? Y a-t-il meilleur aveu d’insécurité et d’impuissance?
Au Nord comme au Sud Kivu, des bandes armées continuent à répandre impunément la peur et la mort. Les pouvoirs publics ne sont d’aucun secours. Et pourtant, ce sont généralement des autorités civiles et militaires proches parmi les proches de « Joseph Kabila » qui sont affectées dans cette partie du pays. Complicité?
Samedi 9 janvier, des médecins et des infirmiers ont organisé une « marche de solidarité » pour protester contre l’enlèvement de leur collègue Dr Kambale Pendeza Edgard, médecin chef du Centre de santé de référence de Mambingi, situé à une cinquante de kilomètres de Butembo dans le Territoire de Beni. Le médecin a été enlevé depuis le 5 janvier. « L’enquête est en cours », diront les responsables sécuritaires.
Les assassinats et les enlèvements ne se comptent plus dans la partie orientale du Congo. Une région où les rebelles ougandais ou prétendus tels continuent à imposer leur loi. Où est passé l’Etat? Vous avez dit « préserver la paix chèrement acquise »? Peut-on franchement parler de paix sans redonner confiance aux populations par la pacification effective des cœurs et des esprits?
Baudouin Amba Wetshi