Tshisekedi et les gouverneurs de province: Un séminaire très « présidentialiste »

A défaut de la tenue de la toute première conférence des gouverneurs sous sa présidence (article 200-1 de la Constitution), le président Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a organisé lundi 13 mai un séminaire « en faveur » des gouverneurs et vice-gouverneurs. Le chef de l’Etat a prononcé un speech au ton « présidentialiste ».

Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba

Le président Felix Tshisekedi a atteint le cap symbolique des 100 premiers jours le dimanche 5 mai. Porte-parole à la Présidence de la République, Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba devrait animer dans les prochains jours un « face à la presse » afin de faire le point des réalisations accomplies.

Reste que plus de 100 jours après la passation « civilisée » de pouvoir entre l’ancien président « Joseph Kabila » et son successeur, l’opinion nationale attend désespérément la nomination d’un Premier ministre devant former le gouvernement. Dans son édition n°3044 datée du 12 au 18 mai 2019, le magazine Jeune Afrique a opté pour la provocation en titrant: « RD Congo, c’est qui le patron? »

« PRÉSIDENTIALISME »

A Kinshasa, le chef de l’Etat en exercice, lui, fait comme si de rien n’était. Il a rencontré, lundi 13 mai, les nouveaux gouverneurs de province et leurs adjoints dans le cadre d’un « séminaire ». La Constitution congolaise a prévu la tenue, deux fois par an, de la « conférence des gouverneurs de province » sous la présidence du Président de la République. Et ce sur convocation de celui-ci.

Il importe d’ouvrir la parenthèse ici pour relever que de 2007 à 2016, « Kabila », en parfait roi fainéant, n’a présidé que quatre sessions de cette conférence des gouverneurs au lieu de dix-huit. Cette réunion a fini par prendre l’allure d’un « mur de lamentations » où les responsables des provinces défavorisées en infrastructures venaient exposer leurs doléances. Au total, les participants s’évertuaient à diagnostiquer les problèmes sans les résoudre. Fermons la parenthèse.

Dans un bref speech à la tonalité très « présidentialiste », Felix Tshisekedi a « dévoilé » les grandes lignes de sa « vision ». Celle-ci s’articule, selon lui, sur « l’amélioration des conditions de vie » de la population. Il a souligné que l’homme doit être « au centre » des actions de nouveaux chefs des exécutifs provinciaux. Quelles sont ces grandes lignes?

LE CHOC DES VALEURS

Outre la lutte contre la corruption, la pauvreté et les crimes économiques, on retiendra notamment, la sécurité des personnes et des biens, l’éducation, la mise en place de la couverture santé universelle, la promotion de l’emploi et la formation professionnelle. Sans omettre la lutte contre le changement climatique.

On espère que certaines de ces valeurs sont partagées par l’allié FCC (Front commun pour le Congo). Va-t-on assister au « choc des valeurs » suivi de l’implosion de l’improbable coalition CACH-FCC? 

Le Président et les Gouverneurs

Conscient du triptyque « mission, moyens, résultats », l’orateur a préciser qu’il veillera à ce que « les moyens conséquents soient alloués » aux pouvoirs locaux « dans le cadre de la rétrocession ». Pour lui, l’objectif est de relever le « défi du développement ». Un développement qui devrait être impulsé par les autorités de base.

L’orateur n’a pas manqué de surprendre lorsqu’il a « rappelé » aux chefs des exécutifs provinciaux qu’ils étaient « les dignes représentants du Président de la République » dans leurs entités respectives. D’aucuns se seraient crus  revenus plusieurs années en arrière dans un régime présidentiel où le chef de l’Etat nommait et révoquait les gouverneurs de province. Or depuis 2007, ces derniers et leurs adjoints sont élus au suffrage universel indirect et rendent compte devant les Assemblées provinciales. Les provinces sont dotées de la personnalité juridique et jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion. 

SERVIR LE PEUPLE D’ABORD

L’orateur n’a pas manqué non plus d’étonner lorsqu’il a clamé qu’il ne ménagerait « aucun effort » pour « inculquer » les valeurs républicaines « à toutes les institutions de la République ». Le Président de la République est certes « l’arbitre suprême » voire le « juge de l’intérêt général ». Il reste néanmoins politiquement irresponsable. Comment pourra-t-il agir sans être couvert par un membre du gouvernement censé assumer la responsabilité politique?

L’orateur n’a pas manqué enfin d’étonner lorsqu’il a dit sa volonté « d’évaluer les performances » de chaque gouverneur en vue de « sanctionner » la gouvernance de chacun « après chaque évaluation trimestrielle ». Au nom de quel principe? A quoi serviront les Assemblées provinciales desquelles ces élus tiennent leur légitimité?

En rappelant aux gouverneurs et leurs adjoints d’avoir « été élus pour servir le peuple d’abord et le reste immédiatement après », le président Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a vu juste. Il aurait dû s’arrêter là!

Il est vrai qu’un homme politique parvenu à la fonction de gouverneur de province, de ministre ou de chef de l’Etat n’est plus l’homme d’une prétendue « autorité morale », d’un clan ou d’un parti politique. Il est au service de la nation toute entière…

 

Baudouin Amba Wetshi

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