« La République démocratique du Congo est-elle condamnée à vivre dans l’instabilité politique?« . Cette question est le titre d’un article publié par CIC le 12 mai dernier. Il est signé Mwamba Tshibangu. Face à une telle question, on s’attend à ce que l’auteur brosse un tableau de l’instabilité politique du pays concerné et recommande des pistes de solution. Intéressons-nous un instant à la manière dont Mwamba s’y prend?
Sur l’instabilité politique du pays, Mwamba ne remonte pas jusqu’à Mathusalem. Comme point de repère, il choisit « les élections contestées [de décembre 2018] qui étaient assujetties aux manigances et aux diverses manipulations », comme il l’écrit si bien. On pourrait bien lui reprocher d’aller vite en besogne. Mais on ne devrait pas lui en tenir rigueur dans la mesure où le lecteur averti sait à quand remonte l’instabilité politique du pays. Mais là où il fait preuve de légèreté évidente, c’est quand il estime qu’après de telles élections, « la préoccupation des gens est résolument tournée vers la gouvernance dans l’optique d’effacer les années sombres du kabilisme ». Quels sont ces gens? Mwamba aurait-il sondé l’opinion congolaise à ce sujet? Si oui, de quelle manière?
Mwamba cite « quatre facteurs majeurs » de l’instabilité politique actuelle: « le président de la République semble n’avoir pas totalement les mains libres pour agir; l’ascendance des ‘vainqueurs’ qui multiplient des crocs-en-jambe et font traîner les choses; la persistance des revendications de Martin Fayulu dans le contentieux électoral; et enfin, le mécontentement de non-participants aux élections qui voudraient tout chambouler pour recommencer le processus à zéro ».
Ces facteurs appellent trois commentaires. Primo, Fayulu a beau s’agiter, cela n’empêche nullement Tshilombo de gouverner le pays. Ensuite, jusqu’à preuve du contraire, rien n’indique que ceux qui ont été empêchés de participer aux scrutins de décembre contribuent à l’instabilité politique. Tertio, pour les deux autres facteurs qui restent, la responsabilité est clairement établie. Le dictateur Joseph Kabila tend un piège à cons pour continuer d’exercer une grande influence dans le jeu politique national, préserver le patrimoine économique qu’il s’est constitué sur le dos du peuple et revenir bientôt aux affaires. Dans un élan égoïste et contraire à la volonté populaire exprimée dans les urnes, Tshilombo se laisse tomber dans le piège. Faut-il s’en prendre au dictateur dont la stratégie fonctionne à merveille ou à l’apprenti sorcier qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez et qui découvre désormais les conséquences néfastes de sa traîtrise?
Mwamba souligne une évidence, à savoir « qu’une bonne portion de la population soutient le nouveau président en dépit de l’alliance contre nature que sa coalition a nouée avec le FCC ». Quel est l’intérêt de ce passage quand on sait que malgré leur gestion catastrophique de la chose publique, Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila Kabange ont bénéficié du soutien d’une bonne partie de notre peuple? Cela a-t-il empêché qu’ils soient honnis par bien d’autres franges de la population?
Ailleurs, Mwamba s’interroge sur « la preuve convaincante de la victoire de Fayulu sur les autres candidats », preuve qui, selon lui, « n’a pas été établie clairement ». La loi électorale oblige la CENI à publier les résultats des élections par bureau de vote; ce qui n’a pas été le cas. Toute parole est retentissante. Le silence l’est aussi. Pourquoi Mwamba juge-t-il deux choses analogues avec autant de partialité? Pourquoi ne s’interroge-t-il pas sur la « preuve convaincante » de la victoire de Tshilombo? Au fait, quand Mwamba reconnait lui-même que les dernières élections étaient marquées par des « manigances » et « diverses manipulations », qui devrait alors administrer la « preuve convaincante » de la victoire de l’un ou l’autre?
Mwamba étonne également quand face au pouvoir paralysé de Tshilombo, il lance cet avertissement: « Souhaiter le changement de régime, surtout s’il ne répond pas aux expectatives de la population, est légitime. Cependant, il faudrait bien réfléchir avant d’envisager de renverser la situation politique en dehors des élections. En théorie, l’idée pourrait paraître facile à réaliser puisque d’autres pays ont montré l’exemple. Toutefois, la situation post-électorale est bien différente au Congo. Elle est, en présentant deux tableaux en même temps, d’une complexité extrême ». Ainsi, un pouvoir issu des élections marquées par des « manigances » et « diverses manipulations », selon les propres termes de Mwamba, doit être renversé par les urnes. Mais quelle garantie a-t-on que celles-ci soient transparentes demain? Où est l’extrême complexité de la crise post-électorale congolaise au nom de laquelle il faudrait laisser tranquille l’actuel détenteur officiel de l’imperium?
Autre surprise de taille, les propos suivants de Mwamba: « Proférer les menaces ou jouer au jeu de la déstabilisation risque de donner l’impression de vouloir empêcher le nouveau pouvoir, en gestation, de jeter les bases pour amorcer le développement durable et intégral du pays ». Pourtant, le nouveau président de la république n’a pas de profil moral ou managérial permettant d’espérer qu’il soit capable d’une telle prouesse. Sur le plan moral, Tshilombo est un faussaire doublé d’un tricheur et triplé d’un traître à la nation, défauts qui lui compliquent justement la tâche aujourd’hui. C’est donc un homme d’une moralité plus que douteuse. Sur le plan managérial, c’est avant tout un adepte de l’école buissonnière ou de la loi du moindre effort. Contrairement à d’autres fils des riches à l’instar de Jean-Pierre Bemba et d’Olivier Kamitatu, pour ne citer que ces deux-là, il n’a pas mis à profit la fortune de son père pour aller très loin dans ses études afin d’acquérir un bon niveau d’instruction. Pire, il ne pouvait se prévaloir d’aucune expérience professionnelle digne de ce nom avant que Joseph Kabila ne le désigne comme président de la république.
S’il est vierge sur le plan politique, le passé de Tshilombo milite néanmoins en sa défaveur comme réformateur, pour les raisons soulignées ci-dessus. Son allocution à l’occasion du séminaire des gouverneurs et vice-gouverneurs du 13 mai dernier en est une parfaite illustration. Depuis Mobutu Sese Seko avec son septennat du social, tous les présidents congolais ont toujours clamé vouloir œuvrer pour « l’amélioration des conditions de vie » du peuple ou de placer l’homme « au centre » de leurs actions. Une gymnastique commune à tous les dirigeants africains. En dépit de cette bonne intention, on a vu le Congo et bien d’autres Etats africains s’enfoncer davantage dans la voie du sous-développement pendant que les dirigeants se hissaient au niveau des hommes les plus riches de la planète. Mais cela n’a pas empêché Tshilombo de clamer à son tour que telle était sa vision politique. Autant dire qu’il n’en a pas du tout. Le contraire aurait d’ailleurs surpris. Alors qu’il dit vouloir instaurer l’Etat de droit, il croit pouvoir s’arroger le droit de sanctionner les gouverneurs et vice-gouverneurs en lieu et place des Assemblées provinciales. Le monde à l’envers!
Mwamba semble avoir été à la bonne école de la « Kabilie ». Qu’on se souvienne qu’alors que le dictateur Kabila détruisait le pays à son avantage et au bénéfice de sa fratrie ainsi que de sa clientèle politique interne et externe, la propagande du régime le présentait comme un nationaliste en guerre contre les méchants impérialistes cherchant à appauvrir ou balkaniser le pays. A son tour, Mwamba invite les Congolais à taire leurs divergences et critiques à l’encontre de Tshilombo parce que pour lui, « il y a d’autres enjeux à ne pas prendre à la légère. Loin d’être un mirage, ceux qui travaillent depuis des années pour morceler le pays sont tapis dans l’ombre. Ils n’attendent qu’une occasion propice pour interférer dans les conflits internes et imposer finalement leur vision. Ainsi, la balkanisation tant répugnée par beaucoup de Congolais pourrait être facilitée par certains actes ou erreurs politiques ». D’où le dernier conseil de Mwamba a sa nation: « Tout doit être fait pour préserver la cohésion nationale et viser l’intérêt suprême de la nation ».
Où était l’intérêt suprême de la nation quand Tshilombo se laissait tomber dans le piège à cons tendu par le dictateur Joseph Kabila ? Depuis quand la cohésion nationale se construit-elle autour d’un tricheur ou des élections marquées par des « manigances » et « diverses manipulations »? En fait, l’article de Mwamba aurait pu être rédigé en un paragraphe de quatre lignes suivantes. Je m’appelle Mwamba Tshibangu. Comme mon nom l’indique, je suis Muluba et frère ethnique de Tshisekedi Tshilombo, comme l’indique également son nom à lui. Laissez mon frère s’enrichir à son tour même si je sais que l’écrasante majorité du peuple luba sera aussi misérable que les Congolais des autres ethnies.
Par Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo