Suspectée de « blanchiment »: Afriland First Bank RDC en « redressement »

Dans un « Avis au public » daté du 20 juin 2022, la gouverneure de la Banque Centrale du Congo (BCC), Malangu Kabedi Mbuyi, annonce – tardivement? – la mise, d’Afriland First Banque RDC, sous gestion d’un Comité d’administration provisoire. Cette mission dispose d’un délai de cent quatre-vingt jours pour résoudre la situation de crise qui prévaut dans cette banque commerciale à capitaux camerounais. Et ce par la mise en route d’un plan de redressement. Des observateurs s’étonnent de la réaction pour le moins tardive de la BCC dont la mission consiste notamment à réguler et contrôler les établissements de crédit. D’aucuns assurent que l’Institut d’émission a laissé pourrir une situation connue de tous bien avant l’entrée en fonction, début juillet 2021, de madame Malangu.

« Aujourd’hui, je ne conseillerai personne à déposer ses avoirs à Afriland First Bank RDC! » L’homme qui parle s’appelle Navy Malela. C’était dans une interview accordée à Congo Indépendant le 12 janvier 2022. Il y a cinq mois. Anciens Auditeurs à cette banque avec son collègue Gradi Koko, ils avaient « alerté » la direction de la banque mais aussi l’opinion sur les transactions suspectes accomplies par l’homme d’affaires Dan Gertler, en vue de contourner les sanctions prises à son encontre par le Département du Trésor américain.

Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, ministre des Finances

On apprendra qu’entre 2017 et 2018, les avoirs contenus dans les coffres d’Afriland First Bank avaient doublé de volume. La banque compterait dans sa clientèle des personnalités à la mine patibulaire appartenant tant au monde politique à tendance kabiliste que les milieux affairistes libanais et indopakistanais.

Lors de la réunion du Conseil des ministres du 3 juin 2022 présidée par le chef de l’Etat, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a, dans son intervention, évoqué la situation des banques en difficultés. Après évaluation menée par le Comité de stabilité monétaire, il est apparu que le Congo-Kinshasa compte 15 banques commerciales.

C’est le cas de: Equity Banque commerciale du Congo; FBNBank DRC SA; Citi Group Congo SA; StandardBank Congo; Rwanbank; Ecobank; Trust Merchant Bank (TMB); Afriland First Bank CD SA; Access Bank RDC; Solidaire Banque SA; Sofibanque SA; Advans Banque Congo; Banque of Africa RDC SA (BOA); United Bank For Africa DRC SA (UBA); BGFIBank.

A en croire Nicolas Kazadi, le monde bancaire se porte plutôt bien. A l’exception de la filiale camerounaise de la Banque « Afriland First Bank ». La crise a commencé, début juillet 2021, à la suite de la « sécession » menée par directeur général adjoint par rapport à sa maison. Bien que limogé par la direction générale de la dite banque, Patrick Kafindo Zongwe a continué impunément à administrer cette institution bancaire.

Mme Malangu Kabedi Mbuyi, gouverneur de la Banque centrale du Congo

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Dans un communiqué de presse, sans date, Jean Paulin Fonkoua (président du Conseil d’administration Afriland First Bank SA) et Jean-Paul Kamdem (Vice-Président Exécutif Afriland First Group SA) assurent que l’ex-directeur Kafindo aurait été « assisté » par la « Mission Rapprochée de la Banque centrale du Congo ». Ce « poto poto » remonterait au 1er juillet 2021 au moment de l’entrée en fonction de Mme Malangu Kabedi Mbuyi.

Des voix s’élèvent aujourd’hui pour reprocher au successeur de Déogracis Mutombo d’avoir laissé « pourrir » la situation. En tous cas, la BCC n’a pas accompli ses missions notamment de « régulateur » et de « contrôler » des établissements de crédit. « D’ailleurs la dernière mise en place à la BCC en mars/avril 2022 a conduit à l’envoi au garage de tous les directeurs de la section de surveillance des intermédiaires financiers », confie un expert. Pour lui, cette « mauvaise gestion des ressources humaines » pourrait expliquer la « mauvaise gestion » du dossier Afriland First Bank. Certaines sources n’excluent pas que des fonctionnaires de la BCC aient été « soudoyés » – c’est un euphémisme – pour « fermer les yeux » face à ce scandale qui ne dit pas son nom. plus ni moins qu’un immense scandale.

Il semble bien que la BCC avait outrepassé ses prérogatives en intervenant directement dans l’administration interne de la banque litigieuse en lieu et place du conseil d’administration. Un acte arbitraire.

Tout en respectant l’indépendance de la BCC, on espère que le ministre des Finances aura à cœur de soumettre à la prochaine réunion du Conseil des ministres l’idée de l’envoi d’une mission indépendante d’audit pour cerner les causes de l’inaction de la BCC. Ce cas n’est pas unique en son genre.

Comme indiqué précédemment, un Comité d’administration provisoire composé de sept membres va gérer ce qui reste d’Afriland First Bank. C’est lui le nouvel interlocuteur « des actionnaires, administrateurs, déposants et toute personne disposant à un titre quelconque d’un droit sur les fonds ou avoirs conservés » par la banque.

De gauche à droite Gradi Koko et Navy Malela

Afriland First Bank RDC se trouve désormais aux « soins intensifs ». Va-t-elle allonger la liste des « banques disparues » à l’image de la Banque congolaise (BC) dirigée jadis par le très sulfureux franco-libanais Alfred Roger Yaghi et la BIAC d’Erwin Blatner?

L’histoire donne à posteriori raison aux « lanceurs d’alerte » Navy Malela et Gradi Koko. Ils vivent aujourd’hui en exil en Europe. Ces deux auditeurs consciencieux ont perdu leurs emplois pour avoir dénoncé les opérations illicites et les détournements de deniers publics menés dans Afriland First Bank.

Pire, ces révélations ont valu aux deux « lanceurs d’alerte » une « condamnation à mort ». Vous avez bien entendu! Un procès stalinien. Les deux « lanceurs d’alerte » viennent d’ailleurs d’obtenir la condamnation de l’avocat français d’Afriland, Me Eric Moutet, qui les avait traités de « faussaires ». Le jugement a été rendu le 3 juin 2022 par un tribunal parisien.

Navy Malela et Gradi Koko espèrent que le magistrat suprême aura à cœur de se pencher sur cette affaire pour réformer un jugement inqualifiable. Des « lanceurs d’alerte » condamnés à mort pour avoir dénoncé des actes criminels.


Baudouin Amba Wetshi

Article complété le 23.06.2022

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