Soyons sérieux!

Gilbert Kiakwama kia Kiziki

J’ai marché les 31 décembre 2017 et 21 Janvier 2018 et à chaque fois j’ai été écœuré par la tuerie d’Etat. Pourtant, je l’ai dit dans ma tribune du 15 Octobre 2017; « ça ne se passera peut-être pas quand tout le monde l’attend (j’aurais dû ajouter ni même comme tout le monde l’attend), mais mettons-nous en tête dès à présent que ça se passera ». Le processus est entamé!

Avant de développer ma pensée, un devoir pénible mais, si important, s’impose à moi. Je présente mes condoléances les plus attristées et respectueuses aux familles trop nombreuses de compatriotes qui ont perdu des parents simplement parce qu’ils étaient patriotes et qu’ils ont cru en l’idéal démocratique. Nous nous déshonorerions si leur mort devait être vaine. Ils ont participé à l’histoire. Ils ont écrit l’histoire de notre pays de leur sang. Nous les célébrerons à jamais le 31 décembre de chaque année. Par ailleurs je m’associe à la douleur des familles de celles et ceux, trop nombreux une fois encore, qui n’ont pas perdu la vie, mais sont blessés ou emprisonnés. Il nous revient de ne pas les laisser dans ces états.

Je rends également un hommage déférent et respectueux à tous les hauts dignitaires ecclésiastiques (Son Eminence Monseigneur le Cardinal, Leurs Excellences Nosseigneurs les Evêques, les Révérends Pasteurs, Imans et Témoins de Jéhovah) qui ont affirmé publiquement que l’abaissement ne pouvait être une fatalité congolaise. La détermination affichée par les Congolais indique que votre courage pastoral n’est pas vain. A présent, le régime encore en place doit plus humblement écouter les objurgations des différents dignitaires ecclésiastiques. La marche arrogante vers le chaos doit cesser!

Alain Juppé disait qu’une Nation sans élite est une Nation sans repères. Grande est ma joie qu’enfin les vrais universitaires congolais s’engagent dans le combat pacifique de l’avènement de l’Etat de droit, de la promotion de la Justice, de la primauté des libertés constitutionnelles, du développement et de la démocratie. Les membres du Comité laïcs et de coordination (CLC) font parti de l’élite congolaise et il faut dire qu’ils défendent les autres et la nation avec intelligence, humilité, pondération et hauteur de vue. Bravo Mesdames, Bravo Messieurs!

Ces compatriotes, hommes et femmes, qui répondent comme moi aux appels du CLC et qui sont déterminés à continuer à y répondre ne veulent rien d’autre que le progrès démocratique, le progrès économique, le progrès social, le progrès politique et le développement. Nous voulons un espoir en demain après 20 ans d’inertie.

A mes compatriotes « gouvernants » le pays, vous pensiez avoir tout compris. Vous croyez toujours avoir tout compris. Mais avouez lentement que le champagne du 31 décembre 2017 n’avait pas le même goût que celui du 31 décembre 2016. Une chose est certaine, cette fois-ci, personne n’avait le cœur à célébrer quoi que ce soit, et d’ailleurs personne ne pouvait communier dans la joie ou la tristesse avec qui que ce soit… vous avez été obligés de couper Internet

Les recommandations du CLC pour les marches pacifiques étaient clairement énoncées, aussi bien le 31 décembre 2017 que le 21 janvier 2018. Il est bon d’y revenir pour que ces points, quelques fois noyés dans le brouhaha volontairement instauré depuis pour noyer le poisson, ne soient jamais oubliés:

  • interdiction de la moindre provocation (pas même une insulte envers les policiers n’était tolérée)
  • interdiction du moindre pneu brulé
  • interdiction de la moindre pierre, ni comme arme (même défensive), ni comme barricade
  • interdiction de résister aux arrestations (au contraire se constituer prisonnier).

Cette discipline non-violente d’airain a été strictement observée partout. Les participants modéraient eux-mêmes quiconque se laissait échauffer par les provocations policières (il y en eut). Nous étions loin d’imaginer que la troupe n’avait pas pour ordre de maintenir l’ordre, mais de tirer; le nombre relativement réduit d’arrestations en atteste d’ailleurs.

Je ne suis pas juriste mais il me semble qu’en principe l’armée n’est pas censée sortir dans les rues pour maintenir l’ordre. En cas de recours rarissime à l’armée, ses interventions doivent être faites dans le respect des droits fondamentaux. Et même alors… On ne déploie pas les soldats contre des civils pire, contre ses propres compatriotes.

Aux Officiers généraux congolais, aux Officiers supérieurs congolais, aux Officiers subalternes congolais, aux hommes en uniforme congolais des FARDC et de la PNC, ayez ceci à l’esprit que ce ne sont pas des rebelles que vous tuez. Ce sont vos fils, ce sont vos filles, ce sont vos femmes, ce sont vos frères, ce sont vos pères. La mort tragique de la postulante Mwanza Kapangala Dechade est là pour le prouver: Nous sommes un même peuple! Tous ces congolais qui à la fin de leur prière du dimanche sortent, bible, chapelet, croix, rameau à la main pour demander des élections cette année ne sont pas des gens plein de haine. Ce sont vos membres de famille qui ne supportent plus de souffrir et de vous voir souffrir. Les tuer c’est vous tuer vous-mêmes. Si vraiment vous considérez que demander à M. Joseph Kabila Kabange d’organiser les élections est un crime (ça ne l’est pas), soit. Arrêtez-nous! Mais ne nous tuez pas.

Rappelez-vous que le Général De Gaulle disait que l’armée est la colonne vertébrale d’une Nation et garante des Institutions. Ce général français est célébré par sa Nation. Quels Officiers supérieurs allons-nous célébrer dans notre Nation? Il y a une chose que vous devez savoir: les ordres de déploiements de vos bataillons et compagnies officiels sont répertoriés par l’état-major. Quand il y a mort dans tel secteur, aujourd’hui votre hiérarchie complice vous couvre, pensez-vous, mais êtes-vous sûrs que ce sera toujours le cas? Déjà, remarquez que tous disent: « nous n’avons jamais donné l’ordre à la troupe de tirer ». Eux, dégagent leur responsabilité. Ils vous lâchent. Ils ne sont responsables de rien. Etrange! Ils ont déjà oublié qu’en 20 ans ils ont omis de bâtir une armée et une police républicaines. Je note en passant que vos alliés d’hier ont bâti en 20 ans leur armée, leur police bref leur pays… avec nos richesses! Mais, l’histoire est têtue. Demain, un rapide travail d’enquête permettra de savoir quelle unité était où. A défaut de savoir qui individuellement a tiré, on sait au moins qui sont les commandants de troupe. Ni vous ni moi ne sommes juristes, mais demandez à mon fils Jean-Pierre Bemba sous quel prétexte il s’est retrouvé emprisonné à La Haye. Tout est filmé aujourd’hui. Même si on coupe Internet 1 mois, la connexion finira toujours par être rétablie, et pour certains des crimes, il n’y a pas prescription. Protégez la suite de vos carrières, protégez nos vies.

Arrêtez-nous! Mais ne nous tuez pas. Si votre supérieur vous ordonne de tirer, tirez en l’air, tirez au-dessus de nos têtes pour vider vos chargeurs, mais ne nous tuez pas.

Le signe le plus fort des marches des 31 et 21 est que l’action active de revendication de l’alternance et des élections libres, démocratiques et transparentes en République Démocratique du Congo est en train de gagner les secteurs de plus en plus larges, divers et neutres de la société congolaise. Je « marche » depuis un moment déjà, au Congo Démocratique. Jamais je n’avais vu autant de mamans, de jeunes filles et de papas « ordinaires ». Ces jours-là, je n’étais pas « Honorable Kiakwama », comme ailleurs, juste un des membres de la paroisse, au milieu des autres… avec les siens…

Vous ne pouvez imaginer à quel point j’ai été heureux de voir les leaders des 3 principaux cultes religieux solidaires aux malheurs des Congolais et leur non-objection au mode de revendication choisis par les laïcs catholiques. Ces gestes ont beaucoup compté pour nous tous, j’en suis sûr. Puisque l’heure est au recueillement et à l’enterrement des victimes et aux soins des blessés, je suis sûr que les bergers de ces différents communautés (prêtres, pasteurs et imans) seraient heureux de se joindre à un office religieux œcuménique en mémoire des victimes.

Ni vous ni moi, Chers « Gouvernants » ne savons quand aura lieu la prochaine action du CLC ni même forcément quelle en sera la forme.

Seulement moi, je reconnais que je poursuis ma conversation, avec mes frères congolais et j’accueille avec confiance les prochaines résolutions que les assemblées de laïcs décideront. Comme le 31 décembre, comme le 21 janvier j’irai à ma paroisse, avec ceux de mes fils qui sont ici, et nous participeront pour réclamer le changement. Vous, Messieurs les « Gouvernants » ces prochaines actions doivent vous inquiéter. Car les Congolais sont déterminés, et il n’y a, ni assez de balles, ni assez de prisons pour les arrêter tous.

Quoiqu’il arrive, le peuple congolais aura ses élections, et comme il les veut; libres, démocratiques, transparentes, ouvertes à tous. Il se sera assez battu pour ça. Il les aura méritées…A vous de prendre très urgemment conscience qu’il faut dire: « halte au feu! »

SOYONS SÉRIEUX!

Enfin, que les amis de la RDC, communément appelés la Communauté Internationale, continuent de nous aider à organiser nos élections en 2018 par leurs pressions politiques et financières, par une utilisation encore plus efficiente de la Monusco au besoin via le chapitre 7 de la Charte des Nations unies, par des pressions individuelles et régionales, par l’activation opportune de la Justice Internationale et aussi par l’acceptation de cette idée que leurs intérêts politiques, financiers et humains ne dépendent en rien du sort de quelques gouvernants mais, bien de l’enracinement de l’Etat de droit et de l’autorité de l’Etat dans notre pays.

 

Par Gilbert Kiakwama kia Kiziki
© Congoindépendant 2003-2018

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