Un objectif à inscrire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations Unies
L’expérience électorale que le peuple congolais vient de vivre, montre que les élections ne sont pas une fin en soi. Elles ne nous seront utiles que si nous sommes conscients de ce qui doit être changé pour l’avènement d’un Congo plus beau qu’avant. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est le rétablissement et le maintien de la paix dans notre pays, c’est l’unité et la cohésion nationale de notre pays, l’intégrité de notre territoire national, l’amélioration des conditions de vie des congolais, la justice, la paix et le travail.
Ma résolution est, et demeure jusqu’à la fin des temps de la vie de sortir la République Démocratique du Congo de l’impasse politique et de conduire sans atermoiements funestes, mais sans précipitation irresponsable, les populations congolaises à la démocratie dans la paix et la prospérité.
MAIS COMMENT SORTIR LA RDC DU CHAOS ÉLECTORAL ET LA PROTÉGER DES ÉVENTUELLES PROCHAINES CRISES?
Il faut sur la base de l’article 39 de la Charte de l’Organisation des Nations Unies, relancer l’action du Conseil de sécurité en proposant une solution et en lui demandant de prendre une recommandation pour mettre fin à la crise électorale congolaise et éviter qu’elle ne déborde de son cadre. En effet, il ressort de l’article 39 que « Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix (…) et fait des recommandations (…) pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». Il s’en suit que devant cette crise électorale qui chemine vers un dangereux enlisement, nous n’avons qu’une solution démocratique à proposer pour départager les deux candidats en lice à l’élection présidentielle et éviter ainsi une conflagration en RDC. Et cette ultime solution c’est l’organisation de manière exceptionnelle d’un deuxième tour électoral (pour départager les deux candidats en lice à l’élection présidentielle) que j’invite, après une réflexion approfondie, les Congolais et le Conseil de sécurité à l’accepter dans l’intérêt profondément existentiel de la République démocratique du Congo et de son peuple. Et pour que cette élection soit libre, transparente, équitable et que les congolais acceptent l’issue pour avancer, nous proposons en l’espèce le remplacement de la CENI dont la légitimité est fort entamée, par une Haute autorité électorale sui generis pour un deuxième tour libre et équitable.
MAIS POURQUOI UN SECOND TOUR?
L’harmonie spirituelle et physique que nous partageons tous avec notre patrie commune explique la profondeur de la douleur que nous portons dans nos cœurs en voyant notre pays se déchirer au cours d’une élection effroyable qui sensée être un scrutin national historique sur la légitimation de la démocratie, se révèle être une élection de la discorde nationale. Cette élection crée un dissentiment violent qui oppose les congolais eux et les dressent les uns contre les autres. Cette élection crée un dissentiment violent qui oppose les Congolais entre eux et les dressent les uns contre les autres.
Je suis convaincu que l’on ne sortira pas de cette crise définitivement sans retour aux urnes. Il faut un deuxième tour électoral libre et équitable pour départager démocratiquement les deux protagonistes en lice. Ça va nous coûter cher mais c’est le prix à payer pour conserver l’unité de notre pays et la cohésion nationale.
Ce deuxième tour électoral doit être le moment pour des femmes et des hommes tous enfants du Congo, de langue tshiluba, kikongo, swahili, lingala, de redire et réaffirmer que nous formons un seul pays, un seul peuple.
La situation politique et sécuritaire en RDC s’est sensiblement dégradée. Il y a lieu d’être inquiet car elle apparaît aujourd’hui et plus que jamais fragile et in fine explosive. Cette dégradation résulte de la grave crise électorale engendrée par la tenue des élections du 30 décembre 2018 et la proclamation provisoire des résultats de scrutin présidentiel par la CENI dans la nuit du mercredi 09 au jeudi 10 janvier dernier. La manière dont ce processus a été conduit par les autorités congolaises, à la marge des standards démocratiques fondamentaux, a été majoritairement critiquée et la remise en cause de la validité des résultats proclamés par la CENI, tant par l’opposition et la CENCO et actée par les chancelleries occidentales, a ouvert une période de profondes divisions entre les Congolais. Les tensions exacerbées, les violences interethniques et les troubles civils qui en résultent gagnent dangereusement et progressivement l’ensemble du pays. Cette crise électorale et ses effets déstabilisateurs doit donc impérativement être prise en considération.
Dans un pays politiquement en crise et où le processus démocratique est bloqué, on attend des élections qu’elles mettent fin aux crises politiques. Pourtant, si toutes les précautions ne sont pas prises, elles peuvent aggraver les conflits existants voire devenir elles-mêmes sources de nouvelles tensions. C’est le cas des élections présidentielles, législatives et provinciales qui se sont tenues le 30 décembre 2018, dans des conditions techniques chaotiques, au terme d’un long processus électoral géré en méconnaissance de tous les standards démocratiques internationaux.
Ainsi ces élections étaient initialement censées résoudre la crise politique provoquée par le report des élections constitutionnellement prévues à la fin du second mandat et dernier mandat du Président de la République. Leur but était de consolider le processus démocratique et électoral et sauvegarder la cohésion nationale. Tel était en tous les cas l’objectif que s’assignaient les signataires de l’Accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain du 31 décembre 2016. Aux termes de ce consensus politique, les parties signataires entendaient apaiser les divergences au sein de la classe politique ainsi que les risques majeurs de division de la Nation face à la crise politique, née consécutivement de l’impasse du processus électoral dont la régularité et la continuité avaient été interrompue. Elles se disaient à cet égard conscientes de la nécessité de la cohésion nationale pour rétablir la concorde intérieure, fondée sur un entendement commun du respect de la Constitution, des lois de la République et des principes démocratiques généralement acceptés.
Or au lendemain de la proclamation par la CENI des résultats provisoires d’une élection présidentielle douteuse, entachée de légitimes suspicions, une lueur de chaos général prend dangereusement forme en RDC. Ces élections ont en effet eu pour conséquence d’aggraver la crise qu’elles étaient censés résoudre. Elles ont fait éclore le germe de la division, les Congolais s’entredéchirant autour de leur candidat respectif dont ils réclament violemment leur victoire. La cohésion nationale a volé en éclat et risquent, compte tenu du caractère ethnique aggravant autour duquel les violences et les contestations se cristallisent, de plonger le pays dans une guerre civile dont les effets menacent, au-delà des frontières, la sécurité internationale dans la région.
Nous sommes bien éloignés des intentions déclarées par le Président de la république sortant dans son Ordonnance n°15/084 du 28 novembre 2015 portant convocation d’un dialogue politique national inclusif en République Démocratique du Congo, lorsqu’il affirmait que « Le Dialogue porte principalement sur l’organisation d’un processus électoral apaisé, complet, inclusif, crédible et conforme aux standards internationaux et sur toutes les questions connexes au processus électoral ».
Or face à cette situation qui inclinent aux plus vives inquiétudes, il serait illusoire de croire, au regard de ses divisions et de leurs effets, qu’à ce stade de la crise électorale, tant la remise en cause de la décision de la CENI consacrant la victoire provisoire de Félix Tshisekedi que la proclamation corrélative de la victoire de Martin Fayulu par la voie légale, devant la Cour constitutionnelle, puisse rétablir l’indispensable concorde civile nécessaire à la sauvegarde du processus démocratique, au maintien de la cohésion nationale et à la préservation de la sécurité internationale en RDC. Peu importe la décision qui sera rendue par la Cour constitutionnelle, le pays restera profondément divisé. Une division qui pourrait conduire notre pays à une crise telle que nous l’avons vécue dans les années soixante après notre accession à l’indépendance. J’invite les Congolais à une réflexion approfondie sur les conséquences d’une telle crise. Il est manifestement nécessaire pour départager les deux candidats et assurer ainsi l’alternance pacifique et consensuelle de la fonction présidentielle dans les meilleures conditions de recourir à d’autre moyen que la saisine de la Cour constitutionnelle.
Il est par conséquent urgent et impératif d’agir autrement, de trouver une solution consensuelle, objective et mesurée, pour résoudre de manière responsable cette crise démocratique et électorale et ainsi tout entreprendre qui, dans la conformité à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux lois de la République, soit de nature à apaiser la vie politique nationale et à rétablir entre tous les Congolais la chaîne d’union nationale rompue par des déchirures et par de regrettables exclusives.
Une seule solution s’impose dans cette perspective : Il s’agit de recourir à un second tour électoral, à l’instar du mode d’élection que prévoyait la Constitution du 18 février 2006, avant sa modification en 2011. Je rappelle que l’institution de deux tours de scrutin à l’élection présidentielle est l’aboutissement d’une longue lutte des forces du changement démocratique contre toute forme d’absolutisme. C’est un des acquis de la Conférence Nationale Souveraine et du Dialogue Inter Congolais de Sun City. Je rappelle que la République Démocratique du Congo, pays aux dimensions d’un sous-continent, est constituée d’une mosaïque des communautés avec une pluralité d’opinions. Pour rendre l’Etat gouvernable sur la base d’une légitimité incontestable, chacune des composantes de cette mosaïque est appelée à se reconnaître dans le Président de la République élu et doit pouvoir s’exprimer au Parlement. C’est pourquoi, tant la Constitution que la loi électorale de mars 2006, prenant en compte cette réalité sociopolitique, avaient prévu un mode de scrutin à deux tours pour l’élection présidentielle afin de garantir le respect de cette diversité.
Pour mettre en œuvre ce second tour, il est impératif de comprendre que ce qui importe dans un scrutin n’est pas le vainqueur, ni le vaincu, mais la règle du jeu qui doit servir à les départager. Il s’impose par conséquent, à la lumière des leçons tirées de l’analyse du processus électoral, de définir les nouvelles règles du jeu électoral qui permettront d’organiser un second tour de scrutin en tout point conforme aux standards internationaux et insusceptible de contestation.
La mise en place d’une haute autorité électorale sui generis pour un deuxième tour et l’abandon des machines électroniques au profit du bulletin de vote en papier pour une élection libre et équitable.
Je suis convaincu qu’avec la mise en place de cette institution sui generis, personne ne contestera la légitimité de ce deuxième tour électoral ni le fait qu’il soit parfaitement libre et équitable. Il est constaté que les élections n’ont pas été régulièrement organisées. Le rôle de la CENI est d’assurer la régularité des élections conformément aux dispositions constitutionnelles. Cette irrégularité organisée et voulue a conduit à des élections chaotiques qui nous donnent comme résultat un président de la République qui n’aura aucun pouvoir. Cela ne donne pas lieu à une alternance crédible.
Il s’en suit que, nous recommandons d’une part d’écarter la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) dans la mesure où, bien que strictement chargé de l’organisation technique des élections, cette dernière a régulièrement débordé de ses prérogatives réglementaires et affiché un parti-pris patent en faveur du pouvoir en place. Le rôle de la CENI devrait être confié à une nouvelle autorité électorale indépendante. Et d’autre part, compte tenu des doutes liés directement à l’utilisation non consensuelle de la machine à voter et la polémique suscitée autour de la transmission électronique des résultats, il s’impose d’en écarter définitivement l’usage et de lui préférer les bulletins de vote en papier.
Cette proposition que nous préconisons est la seule, selon nous, qui puisse faire triompher la vérité des urnes et mettre ainsi un terme définitif à la crise démocratique, électorale et sociale que traverse le pays et qui menace gravement la sécurité internationale dont le Conseil de sécurité des Nations Unies est le garant de la préservation. Nous invitons par conséquent le Conseil de sécurité des Nations unies à inscrire à l’ordre du jour de son agenda, le règlement de la crise électorale actuelle, et de prendre à cet effet l’initiative et de formuler sur base de l’article 39 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies une recommandation invitant les autorités congolaises à mettre en application les mesures lui suggérées afin de rétablir la paix et la sécurité internationale.
Pour aboutir, une telle mesure nécessite le soutien des partenaires historiques.
Par Frédéric Boyenga Bofala