Dans un communiqué publié samedi 23 février, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a rejeté les accusations avancées par le Département d’Etat américain à l’encontre de son Président, Corneille Nangaa ainsi que de certains hauts cadres de la très controversée centrale électorale. Celle-ci préparerait sa riposte sous la forme d’un « rapport général » couvrant la période comprise entre 2013 et 2019, a indiqué Jean-Pierre Kalamba Mulumba, le rapporteur de cette institution dont la mission initiale consistait à apporter un « appui à la démocratie ». Les très kabilistes Benoît Lwamba Bindu et Aubin Minaku respectivement Président de la Cour constitutionnelle et ancien président de l’Assemblée nationale sont également épinglés.
« Un événement chasse l’autre », dit un principe cher au monde médiatique. Quarante-huit heures après la « rentrée politique » très médiatisée de la mouvance kabiliste dit « Front commun pour le Congo » (FCC), un fait diplomatique majeur est venu reléguer ce qui devait être une « démonstration de force » en un pseudo-événement.
De quoi s’agit-il?
Il s’agit des « sanctions » infligées par le département d’Etat américain à plusieurs hauts cadres de la CENI. A savoir: Corneille Nangaa (Président), Norbert Basengezi Katintima (vice-président) et Marcellin Basengezi Mukolo (conseiller du Président). Ce n’est pas tout.
Les observateurs ne cachaient pas, vendredi, une certaine surprise de trouver dans le même communiqué deux « illustres » personnages: Benoît Lwamba Bindu, l’actuel président de la Cour constitutionnelle et Aubin Minaku, l’ancien président de l’Assemblée nationale qui portait également la casquette de secrétaire exécutif de l’ex-majorité présidentielle.
ACCUSATIONS INFAMANTES
Que leur reproche-t-on?
Les autorités américaines articulent à l’encontre de ce beau monde des accusations pour le moins génériques autant qu’infamantes. Il est question de l’implication de ces messieurs non seulement dans des cas de « corruption importante », de « violations des droits humains » mais aussi « des abus ou une atteinte à la démocratie ». Sanction: « Ces personnes et les membres de leur famille ne peuvent entrer aux Etats-Unis, tonne le communiqué. Ces personnes se sont enrichies par la corruption ou ont supervisé des actes de violence à l’encontre des personnes au dépens du peuple congolais et faisaient preuve d’un mépris flagrant pour les principes démocratiques et les droits de l’homme ».
Coïncidence ou pas, cette annonce retentissante est faite le jour même où le président congolais, Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, recevait l’Envoyé spécial des Etats-Unis d’Amérique pour la Région des Grands Lacs, Dr J. Peter Pham. Il s’avère que ce dernier était porteur dudit communiqué.
La réaction de la CENI est tombée le lendemain samedi 23. La Centrale électorale « rejette » en bloc « les allégations de corruption et/ou des violations de droits de l’homme, d’abus ou d’atteinte à la démocratie dans l’exercice de sa mission telles que formulée dans le communiqué ».
Friands d’analyse, des observateurs congolais voient dans ce coup d’éclat un « soutien conditionnel » que la puissance Amérique apporte à un « Felix » qui semble éprouver de la peine à assumer la plénitude de la fonction présidentielle. Et ce face à « Joseph Kabila » qui continue à étendre ses tentacules sur la force publique (armée, police, les services de renseignements) et les services générateurs des recettes.
PRIVILÉGIER LA PAIX CIVILE
D’autres observateurs estiment que l’Administration Trump – qui est représenté à Kinshasa par un « diplomate expérimenté » en la personne en la personne de l’ambassadeur Mike Hammer – est loin d’être dupe. « Les Américains savent que Felix Tshisekedi a été ‘mal élu’. Entre deux maux, ces derniers ont choisi le moindre en éludant la recherche de la vérité des urnes pour privilégier la paix civile », résume un juriste. Celui-ci d’ajouter: « Les Américains viennent d’envoyer un message très clair à l’ancien président Kabila Kabange. A savoir qu’ils n’entendent pas revoir aux affaires ceux qui ont participé au razzia de la RDC ». Spéculations?
Cette opinion semble être confirmée par un message twitt posté le même vendredi sur son compte Twitter par l’ambassadeur Hammer. « Cette décision reflète l’engagement du Département d’Etat à travailler avec le nouveau gouvernement de la RDC afin de concrétiser son engagement déclaré à mettre fin à la corruption et à renforcer la démocratie et la responsabilité », écrit-il. C’est ici que se situe le soutien américain. L’ancien président de l’UDPS doit traduire en acte la « lutte contre les antivaleurs » que sont la corruption et l’impunité.
Depuis la proclamation, par la CENI, des « résultats provisoires » des trois scrutins – lesquels ont été confirmés par la Cour constitutionnelle -, force est de constater que la Centrale électorale ne s’est jamais conformé à l’obligation légale de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote. Cette lacune criante n’a pas empêché la Cour constitutionnelle d’entériner ces « résultats provisoires ».
C’est le lieu de révéler un « détail » sur la personnalité de Benoît Lwamba Bindu. Luba du Katanga, président de la Cour suprême de Justice au moment de l’investiture de « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat un certain 26 janvier 2001, ce magistrat et son ancien acolyte Luhonge Kabinda Ngoy, alors procureur général de la République (PGR), un autre Luba du Katanga, ont « parrainé » les premiers pas du successeur de leur « frère », Mzee Laurent-Désiré Kabila.
Pour conserver le pouvoir dans le giron « Nord katangais », les deux hauts magistrats n’ont pas lésiné sur les moyens au point de commettre de faux et usage de faux en embellissant le « curriculum vitae » de « Joseph ». Celui-ci serait né à Hewa Bora II, une localité qui n’a jamais existé dans l’ex-Zaïre. L’intéressé n’a jamais fourni de certificat de naissance ou un jugement supplétif qui en tient lieu.
Pire, le nouveau chef de l’Etat a effectué son service militaire dans l’armée tanzanienne. Ce dernier fait n’a pas empêché le PGR Luhonge de déclarer « qu’il suit de ce qui précède qu’aucune cause d’empêchement à accéder et à exercer les hautes charges et fonctions de chef de l’Etat n’a été décelé dans son chef ».
CHIENS DE FAÏENCE
Luhonge assumait récemment encore les fonctions de 1er vice-président de l’ancienne Assemblée nationale. A bientôt 75 ans, Lwamba, lui, continue à diriger la Cour constitutionnelle. A quoi doit-il cette pérennité? Compétence? Allons donc!
Deux mois après la publication des « résultats provisoires » des élections générales, une question continue à tarauder les esprits: Par quel miracle, le même corps électoral, qui infligea un cuisant échec au candidat du FCC à la présidentielle, ait pu changer d’avis en ce qui concerne les législatives et les provinciales? On le sait, « Kabila » et son « clan » revendique la majorité absolue des sièges.
Après ce communiqué – tardif? – du Département d’Etat, d’aucuns estiment que l’Administration Trump devrait « aller plus loin » en ciblant le « commanditaire » des méfaits dénombrés dans le texte. En tous cas, dans les milieux congolais, on n’excluait pas, samedi, que « Felix » et « Kabila » se regardent désormais en chiens de faïence…
Baudouin Amba Wetshi