Après ses longs et suspects atermoiements et de fortes pressions qu’elle a subies, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a, enfin, publié le calendrier électoral le 4 novembre dernier. Ce que tout le monde attendait impatiemment, l’opposition politique particulièrement. Lorsque le président de la Céni et son équipe l’annoncent en direct par la télévision « nationale », la Rtnc, il est clairement apparu que le programme présenté a été élaboré à la va-vite et a confirmé la philosophie, la volonté de Corneille Naanga de renvoyer les scrutins le plus tard possible. Souhait connu de la majorité présidentielle dont on a vu les visages de quelques caciques dans la salle « Apollinaire Malu-Malu », à la première rangée de chaises et bien en face du président de la centrale électorale dont ils avaient tout l’air de surveiller les propos et les regards. Le malaise de ce dernier était visible que ses habituels et furtifs sourires narquois n’ont pu cacher. Et sortant de son rôle et au grand étonnement de tous, Corneille Naanga, a fini par dévoiler au grand jour- a-t-il ainsi cru rassurer les « pprdiens » qui ont inondé la salle et dont la pesante présence l’aurait tétanisé? – sa proximité avec la kabilie en embouchant le coutumier et ridicule discours souverainiste, « nationaliste », de cette dernière. Tout en appelant, au même moment -le ridicule ne tuant pas en RDC – la communauté…internationale à la rescousse financière et technique, à l’amical concours des « partenaires » dont la Monusco! Trouvez la cohérence…
Le rejet du calendrier ne s’est pas fait attendre. Quelques partis politiques et certains acteurs de la société civile ont aussitôt lancé des appels à la désobéissance civile et indiqué les actions concrètes à mener. Les réseaux sociaux se sont davantage animés et où les « combattants » blogueurs et You tubeurs promettent malédictions et enfer aux « ennemis du peuple » pour le 31 décembre. La politique est un monde de passion. Sans doute. Mais elle est aussi, et doit surtout être, celui de la réflexion sereine, de la rationalité. Qu’on l’accepte ou qu’on refuse de l’admettre, la politique est avant tout une activité éminemment intellectuelle. Car il y est question d’observer la société, d’en déceler les divers problèmes et difficultés, de « réfléchir » aux solutions à leur donner, de légiférer, de changer positivement l’environnement, de rendre meilleure la vie quotidienne des gens. On y parle politique, économie, droit, fiscalité, budget, éducation, meilleur climat des affaires, écologie, emplois, sécurité, etc. Enjeux et matières qui exigent des acteurs…politiques compétence, expérience, sens de l’organisation, temps, capacité d’analyse sereine et de proposition, de réflexion prospective, d’expression claire des idées, d’argumentation.
Aux réactions passionnelles, épidermiques provoquées par l’annonce du calendrier de la Céni, lequel calendrier contient sans conteste beaucoup d’incohérences et d’aberrations, doit venir, de la part de ceux qui le rejettent, une proposition de calendrier alternatif. Celle-ci devrait être le fruit d’une analyse sereine partant du chronogramme proposé par Corneille Naanga. Puissent urgemment chaque parti politique et divers cercles de réflexion de la société civile le photocopier en nombreux exemplaires et le distribuer à leurs cadres et spécialistes (qui peuvent aussi eux-mêmes le télécharger), chacun devant se pencher sur l’un ou l’autre aspect du contenu du document, en ressortir les faiblesses, incohérences et « pièges ». Et faire des suggestions bien documentées, solidement chiffrées, réalistes et politiquement possibles. Les directions de partis politiques feraient œuvre utile en élargissant la réflexion à leurs diverses structures de base – la bonne idée ou suggestion pouvant en venir -, de leurs fédérations nationales et extérieures.
Après des réflexions à l’interne, les divers partis de l’opposition pourront se concerter afin d’harmoniser leurs propositions et soumettre à l’opinion nationale et internationale un calendrier appelé à être le plus « crédible », le plus réaliste possible. Avant d’en appeler à la rue, au combat au corps à corps, il me semble urgemment souhaitable de mener d’abord le combat idées contre idées, propositions contre propositions. Sans proposer autre chose que le fantaisiste et potentiellement prolongeable calendrier de Corneille Naanga, l’opposition pourra beau aboyer, elle ne sera pas entendue, pas crédible ni auprès d’une partie des Congolais ni auprès de la communauté internationale (ni de « tantine Nikki » en particulier). Seul un contre-calendrier, collectivement et rationnellement bien élaboré par les adversaires du président Joseph Kabila et à faire accepter à tous après concertation, amènerait ce dernier à quitter les nuages, à revenir sur terre, à cesser de rêver d’un référendum (plus qu’improbable aujourd’hui), de sa « mugabisation » au pouvoir. Opposants, mettons-nous au travail, faisons diligence.
Par Wina Lokondo