RDC: une économie résiliente malgré la crise dans l’Est

Les opérateurs économiques s’attendent à ce que la situation économique de la RD Congo se détériore après la prise de Goma et de Bukavu en janvier et février ainsi que des territoires environnants par la rébellion de l’AFC/M23. Ce qui n’est pas encore le cas pour le moment. La rébellion s’est effectivement emparée des territoires riches et fertiles, dont elle tire maintenant profit pour financer sa guerre. Si la guerre perdure, l’effort de guerre risque de détériorer la situation économique, raviver la dépréciation monétaire et l’inflation.

Gaston Mutamba Lukusa

La rébellion accapare des richesses

Dans une dépêche datée du 12 mars, l’AFP indique que  » dans les zones passées sous son contrôle, le groupe armé a installé sa propre administration et collecte des taxes…Le joyau de la couronne est la mine de Rubaya, dans le Nord-Kivu, la plus grande mine de coltan de RDC, sous contrôle du M23 depuis avril 2024…Les experts de l’ONU estiment que les gisements de Rubaya rapportent environ 800 000 dollars par mois au M23, grâce à une taxe de sept dollars par kilo, prélevée sur la production et le commerce du coltan. Ces sommes ne représentent qu’une fraction des revenus issus de la taxation du commerce par le mouvement… ». Et d’ajouter : « Avec la prise récente de Goma et Bukavu, le groupe armé contrôle tous les axes commerciaux menant à la frontière rwandaise. Selon des opérateurs économiques et des sources sécuritaires, le M23 perçoit des taxes de plusieurs milliers de dollars par camion aux postes-frontières de Goma… ». Ce sont autant de ressources financières qui échappent maintenant à Kinshasa. Dans une intervention, samedi 8 mars, sur la chaîne de Télévision Télé 50, Jules Alingete Key, Inspecteur général des Finances et Chef a déclaré que « dans les villes occupées par l’armée rwandaise, en termes des recettes douanières, l’occupation de Goma et de Bukavu nous fait perdre 9% des recettes douanières. La douane congolaise mobilise chaque mois entre  200 millions à  250 millions.  L’Etat perd environ 20 millions de dollars de recettes douanières par mois du fait de la rébellion. Quant aux recettes provenant de la Direction générale des Impôts (DGI), c’est environ 3% qui sont perdus mensuellement, soit environ 15 millions de dollars par mois. Sur toute l’année, l’Etat risque de perdre pas moins de 420 millions de dollars de recettes budgétaires. Il existe une détérioration des conditions économiques  dans les zones occupées par la rébellion. Des commerces et des industries ont été pillés à l’arrivée des rebelles. Ce qui occasionne la pénurie de certains biens. Les succursales de la Banque centrale du Congo et des banques commerciales sont fermées. La population a ainsi du mal à accéder aux comptes bancaires et à exécuter des opérations financières. Mais certains distributeurs automatiques de billets (DAB) restent opérationnels pour les retraits. Ceux qui disposent des cartes bancaires internationales (Visa, Master Card) font des opérations financières à partir de Gisenyi au Rwanda. Il existe encore des possibilités de faire des transactions financières via des portefeuilles électroniques comme Airtel Money, M-Pesa  ou Orange Money. La fermeture des aéroports de Goma et de Bukavu occasionne d’autres difficultés. Les produits agricoles qui provenaient de Goma n’arrivent plus dans les localités contrôlées par le gouvernement. Les opérateurs économiques de la Tshopo déplorent l’interruption du trafic entre Kisangani et Goma depuis janvier. Plusieurs compagnies aériennes et agences de voyage se trouvent dès lors en mauvaise situation financière.  Il en est de même de celles qui opèrent à partir de Kinshasa

Le cadre macroéconomique reste relativement stable, Mais…

Suivant la Note de conjoncture du 07 mars de la Banque centrale du Congo, au cours du mois de février 2025, le Trésor a réalisé un déficit mensuel de 381,3 milliards de CDF contre un déficit mensuel programmé de 76,3 milliards. Ce gap de trésorerie a été financé principalement grâce aux ressources des titres publics. Au 7 mars, le cours de change de la monnaie nationale par rapport au dollar américain s’est établi à 2.862,18 francs sur le marché interbancaire et à 2.879,38 francs au parallèle. Comparativement à la situation du 28 février 2025, il s’est observé une dépréciation de 0,21 % à l’indicatif et une appréciation de 0,24 % au parallèle. En cumul annuel, le franc congolais s’est déprécié de 0,58 % à l’indicatif et de 0,43 % au parallèle. Dans d’autres économies, on se serait attendu à une dépréciation accélérée du taux de change du fait de la guerre. Mais ce n’est pas le cas ici. La question à poser est celle de savoir si le taux de change reflète la situation réelle de l’économie congolaise ou les fondamentaux économiques sont solides. En ce qui concerne les réserves internationales, elles n’ont pas beaucoup bougé puisqu’elles se situent à 6.002,12 millions de USD au 5 mars, soit une couverture de 2,29 mois d’importations des biens et services. Au cours de la première semaine de ce mois de mars, l’inflation a ralenti par rapport à la semaine précédente, se situant à 0,17 % contre 0,18 %. En cumul annuel, l’inflation globale est ressortie à 1,90 %, alors qu’elle avait atteint 2,87 % à la période correspondante de 2024, attestant la poursuite de la désinflation en 2025. Sur douze mois, l’indice des prix à la consommation a progressé de 10,61 %, face à une prévision de 7,8 % à fin décembre 2025. En définitive, la situation ne s’est pas beaucoup détériorée. Bien mieux, les prix du cobalt et de l’or exportés par le pays se sont envolés.  Mais si la guerre perdure, l’effort de guerre risque de détériorer la situation économique, raviver la dépréciation monétaire et l’inflation.

Gaston Mutamba Lukusa

Be the first to comment

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*