RDC-Rwanda : Que veut (finalement) Paul Kagame ?

Après trois semaines de négociations ardues à la limite de la mesquinerie, les quinze membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies ont voté à l’unanimité le projet de résolution initié par la France. Au terme de la Résolution 2273, le Conseil de sécurité ordonne au Rwanda de Kagame le « retrait immédiat et sans conditions des forces armées rwandaises des zones occupées  en RDC». Imbu de sa personne, le maître de Kigali va-t-il obtempérer à cette décision?

A Kigali, le président Paul Kagame fait mine d’être droit dans ses bottes. Porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo estime, dans un communiqué, que « les sanctions sont injustifiées et infondées ». Ajoutant que « la communauté internationale devrait soutenir et non saper les efforts en cours dans la région pour trouver une solution politique ».

Au M23/AFC, la Résolution 2273 a provoqué dans un premier temps le désarroi. Dans un communiqué daté du 21 février, Lawrence Kanyuka, le porte-parole, annonce la « suspension du partenariat M23/AFC« . Dans un second communiqué daté du 22 février, l’alliance M23/AFC est ressuscité comme par enchantement.

Le 14 février, le dirigeant rwandais s’est entretenu avec le secrétaire général l’ONU. On l’a appris sur les réseaux sociaux proches des milieux de Kigali. Les relations tendues entre la RDC et le Rwanda étaient notamment au centre. Selon Kagame, « une solution politique durable nécessite la prise en compte des préoccupations sécuritaires de tous ».

Depuis fin janvier 2025, le M23 s’est emparé de la ville de Goma avant de mettre la main sur Bukavu le 16 février. Pour les dirigeants congolais, le M23 n’existe pas. C’est Kagame et son armée qui opèrent sous ce couvert. Les autorités rwandaises, elles, ne cessent de nier cette réalité en dépit des preuves sur le terrain. Maniant à merveille le déni, Kagame et son entourage accuse la RDC de continuer à abriter les réfugiés Hutus qualifiés collectivement de « génocidaires ». Des Hutus qui sont non grata dans le pays qui les a vu naître.

Dans une interview exclusive accordée, début février à Africa Flashes, Faustin Kayumba Nyamwasa n’a pas utilisé des périphrases : « 95% des FDLR se trouvent au Rwanda. Certains servent dans les rangs de la Rwandese defence force. D’autres, sont des réservistes ». Ancien chef d’état-major général de l’armée patriotique rwandaise (RDF), Kayumba qui vit en exil en Afrique du Sud, sait de quoi il parle. Pour la petite histoire, des FDLR rapatriés au Rwanda ont été signalés dans les rangs de M23.

Que veut (finalement) le président rwandais Paul Kagame ?

En parcourant un vieux numéro du journal kinois Le Soft n°760, on trouve une adresse de Kagame…à 500 « cadres congolais » venus à Kigali s’initier à l’art de la guerre. « Pourquoi les gens pensent que le Rwanda cherche à récupérer (sic !) le Kivu Pour l’amener où ?», lance-t-il. Passé maître dans l’antiphrase, il ajoute : « Le Kivu c’est le Rwanda du Congo. Le Kivu est pour les Congolais. Le Rwanda c’est le Rwanda. » Kagame n’a pas dit la vérité. « Nous voulons installer un régime ami à Kinshasa« , déclarait Patrick Mazimpaka, ancien vice-président du FPR. Un « ami » qui le Rwanda piller les ressources de la RDC?

Flashback. Le 17 juillet 1994, le Front patriotique Rwandais prend le pouvoir à Kigali. En octobre 1996, la terre entière est stupéfaite d’entendre le chef de l’Etat rwandais d’alors demander la tenue d’un deuxième Congrès de Berlin. But : retracer les frontières. Au motif, selon lui, que le royaume du Rwanda précolonial englobait les provinces du Kivu. Pasteur Bizimungu n’a pas été capable d’indiquer si ce Rwanda précolonial fut un Etat aux frontières reconnues au niveau international.

l’exécution des obligations contenues dans le fameux accord du 23 mars 2009 signé avec le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple). Créé en 2004 par Laurent Nkundabatware Mihigo – un des généraux Tutsi nommés par Joseph Kabila -, l’initiateur s’était assigné pour but « la défense des Tutsi ».

Un personnel politique rapace

On le voit, le M23 est une émanation du CNDP. Lors de son apparition en 2012, ce mouvement exigeait non seulement la gestion des provinces de la partie orientale du Congo mais aussi la démission de « Joseph Kabila ». Sans omettre la dissolution du Parlement et du gouvernement. Sans rire, le M23 d’exiger la tenue d’une nouvelle élection présidentielle arguant que « Kabila » n’a pas été élu le 28 novembre 2011. Un clin d’œil à Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le vainqueur présumé. Le M23 sera défait fin 2012 par une brigade internationale de la Monusco commandée notamment par le colonel Mamadou Moustapha Ndala. Celui-ci sera assassiné en janvier 2014 dans des circonstances non-élucidées à ce jour.

 L’alliance tissée entre Corneille Nangaa et le M23 est un nouveau clin d’œil au personnel politique congolais. Un personnel politique incivique et dénué de tout sens de l’intérêt général. Un personnel politique rapace et avide de privilèges et d’argent.

Une question taraude les esprits : le très orgueilleux Paul Kagame s’inclinerait-il  à la Résolution 2273 du Conseil de Sécurité en rappelant ses troupes déployées au Nord et au Sud Kivu ?

Revenons à la dernière session extraordinaire du Conseil de Sécurité. Il n’est pas sans intérêt de rappeler l’intervention de Madame Elise Stefanik, Ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies. Après avoir épinglé les sanctions infligées tant au général James Kabarebe qu’à Lawrence Kanyuka, porte-parole de M23/AFC, la diplomate de préciser que la communauté internationale va suivre l’évolution des processus de Luanda et de Nairobi. Et de conclure : « Ces processus ne doivent pas empêcher une riposte robuste et rapide du Conseil de Sécurité ». A bon entendeur salut!

B.A.W.

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