L’armée rwandaise a posé, mardi 24 janvier 2023, un « acte de guerre » en ciblant un avion de chasse Sukhoï 25 de l’armée congolaise en mission de reconnaissance dans l’espace aérien congolais. Dans un communiqué, Les autorités rwandaises « assument ».
Goma. Mardi 24 janvier 2023. Il est 17h00 lorsque le Sukhoï 25 de l’armée congolaise (FARDC) amorce l’atterrissage à l’aéroport du chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Contre toute attente, l’aéronef essuie des tirs de missiles sol-air de l’armée rwandaise.
Aveuglé par la ruse, l’orgueil et la convoitise, le gouvernement de l’autocrate Paul Kagame n’a pas tardé à exercer le ministère de la parole. Dans un communiqué, il est fait état de « violation de l’espace aérien du Rwanda pour la troisième fois ». « Des mesures de défense ont été prises », ajoute le texte avant de conclure que « le Rwanda demande à la RDC d’arrêter cette agression ». Vous avez bien entendu. Le communiqué émane du porte-parole du gouvernement de Kigali.
Question: entre le Congo-Kinshasa et le Rwanda, qui agresse qui? Dans un communiqué publié le même mardi 24 janvier, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya, note que Kinshasa « condamne et dénonce fermement l’attaque dirigée contre l’avion de chasse par l’armée rwandaise dans l’espace aérien congolais ».
Après avoir confirmé que l’aéronef ciblé a pu revenir à sa base « sans dégâts matériels », le gouvernement congolais n’a pas manqué d’accuser, dans la foulé, les autorités de Kigali « de renforcer les positions » de la milice rwandaise du M23 à Kibumba et Bwito.
UN ACTE DE GUERRE
Elu du Nord-Kivu, le député Juvénal Munubo qui est par ailleurs membre de la Commission Sécurité et Défense considère l’acte posé par le Rwanda comme un « véritable Casus belli ». Un acte de guerre. Le parlementaire reste réservé en attendant de connaitre la déclaration officielle du gouvernement.
Quelle est la situation sur le terrain au Nord-Kivu? On apprenait mardi que les affrontements faisaient rage entre les FARDC et la milice rwandaise du M23. Des informations parcellaires laissent entendre que les forces régulières feraient preuve d’une « combativité inattendue ». Les localités de Kishishe et de Kitchanga seraient revenues dans le giron de l’Etat. Selon le colonel Guillaume Ndjike, « les combats étaient toujours en cours ». Il a estimé qu’il serait prématuré d’établir un bilan.
Lundi 23 janvier 2023, la rencontre prévue à Doha, au Qatar, entre les chefs d’Etat congolais et rwandais n’a pas eu lieu. Echaudé par la mauvaise habitude du président Paul Kagame à ne pas honorer sa parole, le président Felix Tshisekedi n’a pas jugé utile de faire le voyage. La nouvelle était officielle dès le vendredi 20 janvier.
Dans les milieux congolais tant à l’intérieur qu’à l’étranger, des voix s’élèvent pour exiger la rupture des relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda de Kagame. Ces milieux peinent à comprendre que des « barbouzes » du régime de Kigali continuent à se mouvoir à Kinshasa. Et ce comme si de rien n’était.
VIVEMENT UNE ARMÉE DISSUASIVE
Depuis l’arrivée des Inkontanyi au pouvoir au Rwanda en juillet 1994, les relations entre Kinshasa et Kigali n’ont pas cessé de se détériorer. La volonté hégémonique et la convoitise en sont les causes. Plus personne ne croit à l’argument sécuritaire invoqué par le maître de Kigali.
Dans un entretien au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 13 février 2001, Aldo Ajello avait compris que « l’exigence de sécurité » claironnée par les nouvelles autorités de Kigali n’était que du « bluff ». (…) « ce qui intéresse réellement Kigali, c’est d’exploiter les ressources du Congo et de s’étendre territorialement », déclarait l’ancien Monsieur Grands Lacs de l’Union européenne.
Ancien représentant permanent de la France aux Nations Unies, Jean-Marc Rochereau de la Sablière ne dit pas autre chose. Dans son ouvrage « Dans les Coulisses du Monde – Du Rwanda à la guerre d’Irak un grand négociateur révèle le dessous des cartes », publié en 2013 chez Robert Laffont, ce diplomate chevronné écrit ce qui suit aux pages 109 et 110: « Une dizaine d’années plus tard, alors que je présidais les missions du Conseil de sécurité dans la région, je rencontrais Paul Kagame à chacune de nos tournées ». Il poursuit: « Les membres du Conseil n’étaient pas dupes des pillages rwandais et de ses manœuvres dans l’Est de la RDC pour contrôler une partie du Kivu par supplétifs interposés ». Selon l’auteur, Kagame « acceptait mal également qu’on lui dise que les Forces démocratiques de libération du Rwanda, les FDLR, (…) étaient devenues davantage un problème pour les populations congolaises que pour le Rwanda qui n’avait militairement rien à redouter ».
Depuis son accession à la tête de l’Etat rwandais, Paul Kagame se montre pathologiquement agressif et belliqueux. L’homme ne changera d’avis que lorsque la RDC sera en mesure d’opposer au Rwanda – et pourquoi pas à l’Ouganda? – un équilibre de force.
Vivement, une armée dissuasive. Utopie? L’avenir très proche le dira…
–
Baudouin Amba Wetshi