Quarante-quatre millions de Citoyens congolais vont élire ce mercredi 20 décembre 2023 non seulement le nouveau Président de la République mais aussi les députés nationaux et provinciaux ainsi que les conseillers municipaux. En 2018, il y avait 35.000 candidats. Cette fois, ils sont près de 100.000. Le trop plein. Le service à rendre à la collectivité n’est pas toujours la raison principale de cet engouement.
Qui va présider aux destinées du Congo-Kinshasa au cours des cinq prochaines années? Le président sortant Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo? L’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe? Le président de l’ECIDé (Engagement pour la Citoyenneté et le Développement) Martin Fayulu Madidi? Et pourquoi pas le Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege dont la campagne s’est déroulée sans éclats particuliers par rapport à sa réputation de « réparateur »?
Au départ, ils étaient vingt-six prétendants à la magistrature suprême dont deux dames. A l’arrivée, ce mercredi 20 décembre, ils n’étaient plus que dix-huit. Et ce après quelques désistements au profit tant du candidat Felix Tshisekedi que Moïse Katumbi. Au total, seuls quatre postulants, cités ci-haut, ont battu campagne à travers le pays. Les « autres » ont brillé par un manque de visibilité sauf au niveau des médias. C’est notamment le cas de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito. Etonnant.
« CHAOS »
Va-t-on assister au « chaos » annoncé par l’évêque Donatien Nshole suivi, selon lui, de l’apparition « d’un courageux pour s’emparer du pouvoir »? Mardi 19, « Mgr Donatien » a rejoué sa partition. Au cours d’un point de presse co-animé avec Pasteur Eric Senga, représentant de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), il a déclaré sans ciller que les deux confessions religieuses sont résolues à publier des résultats indépendamment de la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Selon eux, ils se baseront sur les constats faits par 25.000 observateurs déployés sur le terrain.
Que dit la loi? Dans ses alinéas 2 et 3, l’article 211 de la Constitution stipule: « La CENI est chargée de l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, du dépouillement (…). Elle assure la régularité du processus électoral et référendaire ». On le sait, la CENI est l’institution habilitée à publier les « résultats provisoires » des élections.
Mardi soir, Denis Kadima, président de la CENI, a présidé une conférence de presse inattendue dans le bien nommé « Centre Bosolo » (centre vérité). Il a, à cette occasion, déplorer les violences constatées ici et là. Bilan: trois morts et plusieurs blessés. La main sur le cœur, le numéro un de la Centrale électorale a martelé que « les résultats qui seront proclamés seront ceux qui ont été exprimés par les électeurs dans les urnes ». Sera-t-il entendu? C’est à voir.
Dans une vidéo réalisée dans son fief de Kindu, l’ancien Premier ministre Augustin Matata – qui s’est rallié à Katumbi – a déclaré urbi et orbi que « Moïse » sera vainqueur de la présidentielle. Il se fonde sur l’affluence constatée lors des meetings de ce dernier.
LE SERVEUR DE LA CENI ATTAQUÉ
De son côté, Kadima a remercié le Congo-Brazzaville et l’Egypte pour nous avoir prêté respectivement 2 hélicoptères et 2 gros transporteurs C-130. Sur le plan sécuritaire, il a confirmé, dans une certaine mesure, les faits rapportés sur Top Congo par le ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba Gombo.
Selon lui, le système informatique de la CENI a subi, à ce jour, 3.245 attaques. « Nous faisons quotidiennement face à des attaques. Il y a des criminels qui tentent de pénétrer dans le système de la CENI ». On apprenait, mardi, que plusieurs « hackers » de nationalité russe ont été appréhendés à Kinshasa.
Sur le plan pratique, Kadima a indiqué que les bureaux de vote seront ouverts mercredi dès 6 heures. La fermeture est prévue à 17 Heures. Il n’a pas exclu que les opérations de vote soient poursuivies jusqu’à jeudi 21 décembre.
Quelques enseignements peuvent être tirés de cette campagne électorale. D’abord, le candidat est et reste le premier facteur qui fait gagner une élection. Certains observateurs s’interrogeaient mardi si le candidat Katumbi a été bien inspiré en chargeant un de ses proches, en l’occurrence Christian Mwando de présenter son programme. Il a ainsi raté l’occasion de démontrer ses capacités oratoires devant un public qui le connait plutôt mal. Il a soigneusement évité de passer sur Top Congo comme la quasi-totalité des candidats.
Autre enseignement: l’argent. Nerf de la guerre, l’argent est incontournable. Il vaut mieux en avoir qu’en manquer. Ici, Katumbi était dans son élément au point que certains « communicateurs » de l’UDPS l’ont surnommé: « Kaba Kaba ». Les candidats les moins visibles ont manifestement fait face à des soucis « d’intendance ».
Marié à une Burundaise, « Moïse » pourrait perdre des plumes au nom de l’humeur du moment. On voit difficilement des Congolais tolérer la présence au sommet de l’Etat d’une Première dame originaire d’un des pays de la Sous-Région des Grands Lacs.
Dernier enseignement: le cas Mukwege. On peut être un lauréat du Prix Nobel et être mal connu dans son propre pays. « Quelle mouche a pu piquer mon ami Denis Mukwege pour se présenter à la présidentielle? », s’interrogeait Justin Bitakwira.
Le Président sortant a fait un parcours plutôt sans faute. Rendez-vous est pris pour ce mercredi. Une certitude: les élections générales de ce 20 décembre 2023 ressembleront à tout sauf à un fleuve tranquille…
Baudouin Amba Wetshi
