Pour les experts du FMI, la croissance reste résiliente malgré un environnement difficile et incertain. La situation budgétaire s’est détériorée et l’inflation a accéléré. Ils encouragent de mettre en place des politiques économiques prudentes et une limitation des dépenses non essentielles. Des progrès décisifs sont nécessaires pour rendre efficace la loi sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT). L’objectif est de mettre en œuvre le plan d’action visant à sortir de la liste grise du Groupe d’action financière.
Des experts du FMI (Fonds monétaire international) ont mené, du 18 octobre au 31 octobre, des discussions à Kinshasa avec les autorités politiques et monétaires. Ces rencontres ont porté sur l’évaluation des réformes et des politiques menées dans le cadre de l’accord triennal au titre de la facilité élargie de crédit (FAC). Celle-ci a été approuvée, le 15 juillet 2021, par le conseil d’administration du FMI. Elle porte sur un montant total de 1,066 milliards de DTS (Droits de tirage spéciaux), soit environ 1,52 milliard de dollars. Suivant le communiqué de presse du FMI du 31 octobre, « Sur la base d’une évaluation préliminaire de la performance du programme et d’un accord sur les politiques économiques à mettre en œuvre, les autorités de la République démocratique du Congo et l’équipe du FMI sont parvenues à un accord au niveau des services sur les politiques économiques en vue de la conclusion de la cinquième revue de l’accord au titre de la FEC. Sous réserve de l’approbation de la direction du FMI et de son examen par le Conseil d’administration du FMI attendu d’ici la mi-décembre 2023, l’achèvement de la revue permettra le décaissement de 152,3 millions de DTS (environ 200 millions de dollars) pour constituer des réserves internationales… »
Les résultats économiques restent mitigés
Pour les experts du FMI, la croissance reste résiliente malgré un environnement difficile et incertain. La situation budgétaire s’est détériorée et l’inflation a accéléré. En conséquence, ils encouragent de mettre en place « des politiques économiques prudentes, y compris une limitation des dépenses non essentielles, ainsi que des efforts pour améliorer la gestion des finances publiques, la mise en œuvre de la politique monétaire, la gouvernance et la transparence. Durant la période sous-revue, il y a eu résurgence de l’inflation. Les prix ont accéléré à 23,3% sur un an en juillet 2023, avant de revenir légèrement en dessous de 22% en octobre 2023 ».
La hausse des prix résulte de la dépréciation accélérée du taux de change. Elle s’est atténuée avec l’intervention de la Banque centrale du Congo (BCC) sur les marchés de change avec la vente de 150 millions de dollars. Dans le même temps, la BCC a relevé en août son taux directeur à 25%. Le FMI estime que la BCC doit encore renforcer sa politique monétaire afin de contenir les pressions inflationnistes. Par ailleurs, la flexibilité du taux de change doit servir à absorber les chocs extérieurs et préserver ainsi les réserves en devises. Celles-ci s’élèvent à 5 milliards de dollars. Mais elles demeurent encore insuffisantes. Pour être confortables, ces réserves devraient atteindre 9 milliards de dollars correspondant à 6 mois d’importation de biens et services. Ainsi, les interventions sur le marché des changes doivent se limiter à atténuer de fortes dépréciations du taux de change de la monnaie nationale.
Les recettes budgétaires ont été inférieures aux prévisions par suite notamment de la baisse des cours du cobalt. Suivant le FMI, les dépenses ont en conséquence été ajustées pour donner la priorité aux dépenses liées à la sécurité et aux élections, ainsi qu’à d’autres dépenses courantes plutôt qu’au remboursement des arriérés. Le taux de croissance du PIB attendu en 2023 sera supérieur à 6% malgré l’insécurité qui règne dans l’Est du pays et la chute des prix du cobalt. En définitive, les experts du FMI recommandent aux autorités d’intensifier leurs efforts « pour améliorer la transparence et la gouvernance, y compris via l’engagement continu à publier en temps opportun les contrats miniers et des institutions de contrôle fortes, telles que la Cour des Comptes ou l’Inspection générale des finances. Des progrès décisifs sont nécessaires pour rendre efficace la loi sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT) et pour mettre en œuvre le plan d’action visant à sortir de la liste grise du Groupe d’action financière ».
Les politiques du FMI ont aussi des limites
Les politiques du FMI destinées à corriger les déséquilibres de la balance des paiements et à lutter contre la pauvreté n’ont pas su créer la prospérité dans la plupart des pays africains. Le concours du FMI doit en principe être limité dans le court terme. Il n’est pas rare de voir des pays recourir à une utilisation prolongée de ses ressources. Certains pays africains sont en programme avec le FMI depuis plus d’une quinzaine d’années et de façon continue sans que cela ne se traduise par une croissance inclusive de leurs économies. On assiste plutôt à une croissance économique sans développement, une croissance économique non inclusive qui ne crée pas d’emplois. La pauvreté continue à s’accroître. A y regarder de près, la pauvreté est plus un fait politique qu’économique. Il sera difficile d’amorcer le développement économique tant qu’il y aura des ingérences étrangères sous le principe de stabilisation des pouvoirs existants même corrompus, tant qu’on fermera les yeux sur le trucage des élections, tant qu’on trouvera normal que des dirigeants se complaisent à changer des articles de la constitution pour s’éterniser inutilement au pouvoir et tant que les statistiques seront faussées.
L’échec des facilités de crédit interpelle aussi sur la conception et l’exécution de ces programmes. Les objectifs des programmes du FMI visent non seulement à conserver un équilibre souhaitable entre l’offre et la demande totale, mais aussi à permettre que la demande progresse en fonction des ressources nationales. L’austérité qu’impliquent ces politiques se traduit souvent par le renforcement de la misère sociale et dans certains cas, par des conflits civils. Quant au libéralisme qui est le corollaire de ces programmes, d’aucuns signalent que les pays d’Asie ont amorcé leur développement en appliquant des politiques contraires à celles prônées par le FMI. On a d’ailleurs vu la Malaisie sortir de la crise asiatique de 1997 grâce à un programme économique conçu par les nationaux, qui était à l’opposé de celui du FMI. Il arrive souvent que les experts des institutions de Bretton Woods s’illustrent par le mépris et par la méconnaissance des réalités locales. Les programmes sont ainsi imposés avec une indubitable brutalité. Ils portent donc en eux-mêmes les germes de leur échec.
Comme les dirigeants, les élites et la population des pays ne sentent pas consultés dans la formulation des programmes, ils ne s’engagent pas et ne se mobilisent pas en leur faveur. Il y a aussi le ressentiment qu’implique la perte de la souveraineté nationale, face aux oukases des experts du FMI. Les détracteurs ne voient d’ailleurs dans ces politiques qu’un moyen de vouloir imposer le libéralisme et de forcer les pays pauvres à s’ouvrir davantage aux intérêts étrangers. Il y a là un déficit d’information qu’il faut résoudre. Cela signifie que les programmes devraient être conçus et réfléchis principalement par ceux-là même qui en sont les premiers concernés, les bénéficiaires ultimes. Agir de la sorte rendra aisée leur application sur le terrain. Il arrive aussi que pour des considérations purement politiques, le FMI ferme les yeux sur le non-respect des critères de performance. L’échec des programmes provient ainsi du fait que les autorités n’appliquent pas suffisamment les réformes préconisées. Par ces agissements, on ne fait que reporter à demain les réformes qui devaient être entreprises aujourd’hui. Cependant, la grande question qu’on doit se poser est celle de savoir que deviendraient ces pays sans l’aide, l’assistance, les financements et les conseils du FMI.
Gaston Mutamba Lukusa