Cette année, deux procès contre des banques ont défrayé la chronique judiciaire. Des immeubles abritant les sièges des banques ECOBANK et EQUITYBCDC ont été saisis par la justice congolaise. Les installations de la banque ECOBANK SA ainsi que divers biens matériels furent saisis le 11 novembre à Kinshasa conformément à l’ordonnance MU 1917 du 22 Octobre 2022 prise par le tribunal de commerce de Kinshasa/Gombe. La banque a été reconnue débitrice d’une somme de 5.152.059,54 dollars envers les sociétés Octavia Limited SARL et NB Mining Africa appartenant à Pascal Beveraggi et sommée de rembourser avant de récupérer les biens saisis.
Dans un communiqué du 15 novembre, ECOBANK SA déclare « qu’elle fait l’objet d’actions en justice depuis près de deux (2) ans, à la suite de l’exécution, fin 2020, en faveur de la Société ASTALIA LTD, d’une saisie opérée par cette dernière sur les avoirs de la société NB MINING AFRICA S.A. La banque ayant agi en tant que ‘tiers-saisi’ sur base d’une décision de justice exécutoire sur minute rendue par le Tribunal de Commerce de Kinshasa Gombe, elle ne peut être tenue pour débitrice des sommes ayant fait l’objet de ladite exécution ». La société ASTALIA LTD est détenue majoritairement par Carine Katumbi, l’épouse de Moïse Katumbi. D’après le journal Jeune Afrique du 25 janvier 2022, cette affaire remonte à 2015 quand Moïse Katumbi a vendu à Necotrans Mining ses parts de Mining Company of Katanga (MCK) pour 140 millions de dollars. Mais en 2017, Necotrans Mining est placée en faillite, alors qu’elle n’a versé que 20 millions de dollars. La société Octavia, gérée par Pascal Beveraggi, rachète alors cette créance auprès de la banque et rebaptise la branche, NB Mining.
Une affaire similaire de saisie d’immeuble abritant une banque a concerné Equity BCDC. Depuis novembre 2019, la BCDC, soit avant sa fusion avec Equity Bank, était opposée à Madame Caroline Bemba, Monsieur Jean-Pierre Bemba et crts, dans une affaire de saisie attribution des avoirs de Western Union Company, pour un montant de 9 millions de dollars. Après avoir rendu le jugement, le Tribunal de commerce de Kinshasa/Gombe, a dans un communiqué, signalé que: « Il sera procédé à la vente publique en matière d’exécution, plus précisément en matière d’adjudication et aux enchères le 24 juin 2022 à 9 heures, à son siège sis avenue de la science n°482 dans la commune de la Gombe à Kinshasa, de l’immeuble ex BCDC situé à l’intersection du boulevard du 30 juin et des avenues Equateur, Plateau et Bas-Congo, dans la commune de la Gombe ». Suivant des informations, l’immeuble a effectivement été vendu aux enchères le 5 août. Mais le 18 novembre, la Cour constitutionnelle déclare que la décision du Tribunal de commerce de Kinshasa/Gombe du 5 août, ayant ordonné la vente de l’immeuble abritant le siège social d’Equity Banque commerciale du Congo est contraire à la constitution et partant nulle et de nul effet.
L’insécurité juridique et judiciaire n’est pas propice aux investissements
Créée en 1920, l’Union Zaïroise de banques se fait reprocher, en 1995, de la perte d’un certificat d’enregistrement d’un client, à savoir SOCOPRO (Société congolaise des produits agricoles) qui appartient à M. Gabriel Mokia. La banque l’avait pourtant déposé auprès de la Conservation des Titres Immobiliers de Kinshasa/Gombe pour inscription hypothécaire en garantie d’une ligne de crédit octroyée à M. Gabriel Mokia, pour le financement, en 1990, de la campagne café de US$120.000. Comme le service de l’Etat avait égaré le titre, le Conservateur des Titres immobiliers délivra gratuitement un duplicata. En dépit de cela, le client assigne la banque en justice et celle-ci se voit condamnée à payer environ $151.158 de dommages et intérêts. Mais le ministre de la Justice ordonne la suspension de l’exécution de cette décision judiciaire inique. Un jugement en appel rendu le 14 février 1995 condamne cependant solidairement la banque et la République à 11 millions de dollars.
Le 4 novembre 1995, le Président du Tribunal de Grande Instance de la Gombe ordonne alors la saisie et la vente publique et aux enchères de tous les immeubles de la banque, y compris l’immeuble abritant le siège social. Bien pire, la Cour suprême de justice, dans son arrêt rendu le 28 décembre 1998, condamne solidairement l’Union des banques congolaises (UBC) et la RDC à payer à SOCOPRO (Société congolaise des produits agricoles) la somme de 7 millions de dollars au titre de dommages intérêts pour suspension de l’exécution d’un jugement. Toutes les voies judiciaires furent épuisées et l’UBC était condamnée au total à payer 21 millions de dollars.
Après plusieurs démarches infructueuses auprès des autorités, les actionnaires étrangers représentés par la banque ING se retirent du capital en 1999. Ils vendent leur participation à l’Etat congolais contre un franc symbolique. La banque qui est devenue en 1997 Union des banques congolaises, tombera en faillite peu après. Les décisions judiciaires deviennent une source d’enrichissement sans cause quand la hauteur du dommage est fantaisiste et ne repose sur aucun critère objectif. Des fortunes se créent ainsi reposant sur du vent et non sur le travail. Ce genre de pratique contient un risque de faire disparaître l’ensemble des entreprises et d’appauvrir les personnes physiques.
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Gaston Mutamba Lukusa