RDC: Le gouvernement veut sauvegarder le pouvoir d’achat des ménages

Les mesures annoncées par le ministre de l’Economie – baisse des taxes fiscales et parafiscales sur des produits de première nécessité, régulation du marché intérieur avec un contrôle des prix et la suppression des barrières illicites sur les routes – n’apportent rien de nouveau. Des mesures identiques ont déjà été expérimentées à l’époque du maréchal Mobutu. Sans succès. Le gouvernement devrait réduire le train de vie des institutions. Le gros des dépenses publiques est consacré à la consommation de biens et de services ainsi qu’à des investissements sans rentabilité économique.

Gaston Mutamba Lukusa

Au cours du Conseil des ministres du vendredi 9 août, le gouvernement a pris une série de mesures censées lutter contre la vie chère. Ces mesures présentées par le ministre de l’Économie portent notamment sur la baisse des taxes fiscales et parafiscales sur des produits de première nécessité, la régulation du marché intérieur avec un contrôle des prix et la suppression des barrières illicites sur les routes. Autant de mesures qui ont déjà été prises par les différents gouvernements depuis l’époque du maréchal Mobutu mais qui n’ont pas démontré leur efficacité. Est-ce encore un effet d’annonce ? Il est paradoxal de constater que le ministère des Finances et la Banque centrale du Congo affirment qu’il y a stabilisation du taux de change et décélération de l’inflation. D’aucuns affirment qu’il existe de vives tensions sociales dues à la hausse des prix. L’inflation prend l’ascenseur alors que le pouvoir d’achat prend péniblement l’escalier. Tout est cher. La population se débat tous les jours pour trouver du travail et de quoi survivre. Se déplacer d’une contrée à une autre est un autre grand supplice. La vie n’est plus qu’une longue bataille très épuisante. Ces tensions sont exacerbées par les préparatifs de la rentrée scolaire 2024-2025 en septembre.

Taux de change et maîtrise des prix

Contrairement au gouvernement, la Banque centrale du Congo estime que la situation économique est sous contrôle. Suivant le communiqué de presse du 8 août du Comité de politique monétaire, « l’activité économique est restée soutenue et les pressions sur le taux de change et les prix intérieurs ont diminué au cours des sept premiers mois de l’année 2024. La dépréciation du franc congolais s’est située à 6,4% pendant cette période, contre 17% à fin juillet 2023, reflétant l’impact de la mise en œuvre continue des mesures de stabilisation prises dans les domaines monétaire et budgétaire. L’inflation a connu un ralentissement significatif, se situant à 8,5% fin juillet 2024, comparé à 16,5% à la même période de 2023. Ainsi, le taux directeur a été maintenu à 25% ». Selon, la Note de conjoncture de la Banque centrale du Congo du 2 août, les réserves internationales ont atteint 6.000,80 millions de USD au 31 juillet 2024, ce qui correspond à une couverture de 14 semaines d’importations de biens et services.

Concernant les finances publiques, pour le mois d’août 2024, « le plan de trésorerie prévisionnel table sur la réalisation d’un déficit de 653,8 milliards de CDF, résultant d’un faible niveau des recettes publiques de 2.448,9 milliards et des dépenses publiques de l’ordre de 3.102,7 milliards. Cette tendance serait de nature à consommer davantage les marges de trésorerie antérieurement constituées si d’autres moyens de financement alternatifs ne sont pas envisagés ». Cette situation risque de précipiter la dépréciation du franc, la reprise de l’inflation et l’effondrement de l’économie privant l’Etat des moyens de son fonctionnement. L’Etat devrait donc réduire son train de vie. Mais il n’y a aucune volonté politique dans ce sens. Au contraire, les dépenses publiques ont été multipliées dans des proportions incompatibles avec un niveau de recettes en baisse.

Le gros de ces dépenses est souvent consacré à la consommation de biens et de services de quelques privilégiés ainsi qu’à des investissements sans rentabilité économique. En se référant aux expériences passées, cette politique conduit inexorablement à la dépréciation de la monnaie et à la hausse des prix. La dépréciation de la monnaie provoque la hausse des prix des biens, surtout des biens importés, et enlève sa valeur à la monnaie nationale, suscitant à son endroit la méfiance de la population,  au profit des monnaies étrangères. Elle contribue ainsi à la baisse de la consommation, à la fuite les investisseurs, à l’accroissement des activités spéculatives et à la dollarisation de l’économie.

Les limites des politiques envisagées par le gouvernement pour lutter contre la vie chère

A l’heure où l’Etat cherche des revenus pour financer son train de vie et procéder à des investissements, il n’est pas conseillé de faire baisser les taxes. Il faut plutôt trouver des ressources budgétaires pour l’Etat, qui peuvent être utilisées pour accroître le niveau général des revenus. Dans le passé, en baissant les taxes fiscales et parafiscales, les prix à la consommation n’ont pas suivi. Ce fut parfois l’inverse. Les inspecteurs du ministère de l’économie ont trouvé-là un moyen d’arrondir les fins du mois. Ils se sont fait corrompre. Ils ont fermé les yeux. Concernant le contrôle des prix qui est annoncé, il ne faut pas perdre de vue la loi n°18/020 du 09 juillet 2018 relative à la liberté des prix et à la concurrence. Cette loi dispose que la liberté de prix donne le droit à toute personne exerçant une activité économique ou commerciale de fixer le prix de son bien ou service dans les conditions prévues par la présente loi. « Les prix des biens et services sont librement fixés par ceux qui en font l’offre. Ils ne sont pas soumis à homologation préalable mais doivent, après qu’ils ont été fixés et communiqués, avec le dossier y afférent, au Ministre ayant l’Économie nationale dans ses attributions, pour un contrôle a posteriori ».

La hausse des prix ne s’explique pas toujours par des causes monétaires ou des effets de change. Il y a aussi les problèmes structurels. C’est le cas des difficultés de transport de l’intérieur du pays vers les centres urbains à cause de la diminution du nombre d’engins par suite de leur vétusté, du manque de pièces de rechange, des barrages policiers, de la dégradation des voies terrestres, ferroviaires et lacustres. Il y a aussi les phénomènes d’anticipation. Les prix des carburants demeurent un autre élément déterminant du niveau des prix du fait de son implication sur les coûts de transport. Il y a enfin la capacité de l’industrie locale à fournir des biens à des prix compétitifs. Outre la mauvaise qualité des produits, les surfacturations systématiques des intrants et des équipements importés constituent une cause importante des prix élevés des produits fabriqués localement.

Le manque de renouvellement et de modernisation des équipements, par manque de confiance dans le pays, concourt aussi à la hausse des prix de revient et à la mauvaise qualité des produits. Il n’est pas normal que le ciment local coûte trois fois plus cher que sur le marché mondial. Il n’est pas compréhensible non plus que les bananes en provenance du Kongo Central coûtent à Kinshasa, située à moins de 200 km de là, autant que des bananes à Bruxelles qui viennent de Costa Rica, à près de 9.000 kilomètres, après avoir été bien conditionnées et avoir traversé les mers ainsi que la douane! Au lieu d’interdire les importations de bières, boissons gazeuses, ciment, carreaux et faïences, il faut mettre en place une politique qui amène les industries à minimiser les coûts de production. Les taux d’intérêt des crédits et les frais bancaires sont excessifs. Le coût horaire du travail est très élevé à cause des nombreux vols des travailleurs et de leur faible productivité. A ceci il faut ajouter les tracasseries administratives ainsi que les coupures intempestives d’eau et d’électricité. L’Etat doit encourager les industries locales à faire face à la concurrence étrangère. Elles pourront dès lors offrir les produits à moindres coûts et les exporter.

Gaston Mutamba Lukusa

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Readers Comments (11)

  1. Des séries de mesures il y en a déjà eu des centaines de milliers de fois, il faut plutôt se demander s’il y a une réelle volonté de la part des acteurs politiques.

  2. Le constat est fort accablant. A quand la sortie de la noyade ?

  3. Le gouvernement veut sauvegarder le pouvoir d’achats des ménages ? Est-ce un lapsus ?
    Na tuni kaka.
    MIYIBI !
    TOLEMBI PASI !!
    FREE MIKE MUKEBAYI !!!

  4. Le constat est toujours le même : mesures conjoncturelles pour résoudre une crise structurelle. D’ailleurs, même si l’Etat congolais réduisait de moitié son train vie, il n y aura toujours pas suffisamment des ressources pour trouver une solution aux questions de pouvoir d’achat. L’inadequation entre la demande des biens et l’insuffisance de ce biens sur le marché créera toujours une distortion. Parlant de l’emploi, il convient de préciser que l’augmentation des emplois publics signifie augmentation d’impôts et taxes pour assurer le paiement
    des rémunérations. Je suis d’accord, la suppression des certaines taxes qui privent l’Etat des marges de manœuvre, mais le paradoxe est que ce sont les mêmes qui déplorent la prolifération des taxes qui asphixie les entreprises. De toute façon en attendant de relancer la production intérieure, il n y a pas des solutions efficaces. Je termine par énoncer une évidence:
    ce n’est pas l’Etat qui crée les emplois susceptibles d’accroître
    les richesses mais plutôt les secteurs privés.

  5. Pierre Jacquenry 12 août 2024 @ 7 h 00 min

    Cher GML,
    Vous avez pleinement raison en indexant le train de vie des institutions – la plupart inutiles et budgetivores – comme racine du mal qui ronge la rdc (la « republique des detourneurs du congo ») sous le regime Tshilejelu. Demandez-vous ce vaut le pseudo-Senat, au perchoir duquel se bousculent de faineants (Sama), voleurs et violeurs (ex Gouv. du Maniema) bien connus. Devrions-nous parler du train de vie scandaleux de Felix (et sa famille) et de sa bande de (faux) 1200 conseillers a la presidence inc ses copains ex-frappeurs venus de Matonge? La rdc regorge des « economistes de salon » comme les Mukoko et les Kamerhe, mais pour quel resultat aussi longtemps que le sommet du pays baigne en insouciance, incompetence et jouissance, depuis Mobutu, via Kabila, et (pire) sous Felix !

  6. GML,
    Le gouvernement prétend vouloir préserver le pouvoir d’achat des Congolais. Vraiment ? Peut-on encore parler de « gouvernement » au Congo ?
    J’ai assisté dernièrement à une scène digne d’un théâtre de l’absurde. Le pantin qui occupe le poste de ministre des Sports a décidé de visiter des chantiers prétendument illégaux autour du Stade des Martyrs. Sur place, c’était le chaos total : personne ne savait à qui appartenaient les constructions. Ni l’ingénieur ni le gestionnaire du stade n’étaient en mesure de répondre. Il semble que l’ancien ministre ait vendu ces terrains sous la table… Et là, le ministre actuel, visiblement dépassé, commence à interroger l’ingénieur sur le chantier. Ce dernier, totalement perdu, ignorait même qui était le maître d’œuvre ou le propriétaire des lieux. Comble du ridicule, le ministre a fini par faire arrêter l’ingénieur.
    Comment un tel désordre est-il possible dans un pays qui se dit gouverné ? Pourquoi ces questions n’ont-elles pas été abordées lors de la passation de pouvoirs avec le ministre sortant ? Qui a autorisé ces travaux sans que le ministère des Sports soit au courant ? Peut-on imaginer que tout cela s’est déroulé sans la moindre information lors des conseils des ministres ?
    Dans ce pays, le gouvernement n’a plus de siège : il est dans la rue. Le Congo est géré comme un club politique de quartier. Comment un tel gouvernement pourrait-il prétendre sauvegarder le pouvoir d’achat de ses citoyens ?

    • Binsonji E Madilu 14 août 2024 @ 16 h 06 min

      Honorable JO BONGOS.
      A mon humble avis il y a trois manieres de reagir face aux derapages manifestes de gouvernance chez nous. La premiere consiste a constater que tel ou tel secteur est mal gere et de decrire en quoi et pourquoi il est mal gere. La deuxieme consiste a denoncer la mauvaise gouvernance et d’en denicher les auteurs. La troisieme consiste a denoncer la mauvaise gouvernance et de PROPOSER la bonne gouvernance. La premiere est la plus facile puisque tout le monde peut le faire. Malheureusement, elle ne change rien a la situation! La deuxieme ne nous avance pas a grand chose plus! Tout au plus, elle permet de cibler les responsables. La troisieme me semble etre la plus efficace! J’insiste sur le verbe proposer parce que finalement ce pays que l’on detruit c’est quand meme un patrimoine commun! Lorsque le Seigneur nous demandera ce qu’on fait de ce don beni, on ne pourra pas lui repondre en disant Seigneur moi je n’etais pas ministre ou mandataire public, j’etais un simple lanceur d’alerte! Les propositions de bonne gouvernance vous permettent de dormir la conscience tranquille. Elles vous permettent de dormir la conscience tranquille parce qu’elles sont des contributions a l’amelioration de l’oeuvre! Peu importe que ces propositions soient prises en compte ou pas! Mais vous les auraient faites! C’est l’essentiel!
      Tenez! La reduction de train de vie des institutions. J’ai personnellemt propose la suppression du senat, la reduction de la taille du gouvernement a trente cinq membres, la fusion de plusieurs ministeres, la suppression des assemblees provinciales…On m’a dit que certaines de mes propositions sont impossibles a appliquer sans changement de republique.
      La plupart des questions que vous posez ici, nous nous le posons tous. Mais si nous ne faisons que nous les poser, le pays n’avancera pas d’un pouce!
      La corruption regne en maitre chez nous! Chaque membre du senat a corrompu pour se retrouver la ou il est. Kabulo Mwana Kabulo etait tres critique vis-a-avis des ministres de sports qui l’avaient precede. Fatshi l’a nomme pour qu’il vienne redresser la situation. Vous savez comment il gere le ministere! Quand a la spoliation du terrain du Stade des Martyrs, c’est Khonde qui a vendu le terrain, mais il est clair qu’il n’a pas bouffe seul, sinon Kabulo aurait denonce le deal bien avant Budimbu! Souvenez-vous de l’expression ‘sing’a matembele’. Souvenez-vous de largument massue des kazadistes: TOUS les ministres surfacturent l’Etat. TOUS les ministres cherchent des retro-commissions. TOUS les minstres font du trafic d’influence! Vous voyez le tableau? Dans ces conditions, comment pouvons nous nous contenter seulement de denoncer la mauvaise gouvernance?

      • Honorable BINSONJI,
        Je comprends vos préoccupations. En théorie, vous avez raison. Mais au fond de vous-même, vous savez très bien que ce régime, issu d’un gros deal (2018) et d’une mascarade électorale guignolesque (2023) se fiche royalement non seulement de la vie mais aussi des avis des citoyens. En somme, ce qui reste à un citoyen comme moi dans un contexte d’incompétence gouvernementale est d’être actif, informé, indigné et ensuite c’est de dénoncer.
        Ces MIYIBI, BIIVI n’ont pas besoin de nos propositions.
        Je compte toujours sur vous pour faire libérer MIKE MUKEBAYI !!!

      • Pierre Jacquenry 16 août 2024 @ 17 h 16 min

        Et la responsabilite du (pretendu-) Garant de la Nation et du Patrimoine vu la kleptocracie (et voyoucratie) sous son regime Tshilejelu? Trouvez-vous son train de vie scandaleux et budgetivore acceptable vu son salaire de PR? A part nommer cousins aux postes fantaisistes tels que ce Departement-bidon d’Intelligence Financiere a l’ANR, que fait-il au juste pour mettre fin au reigne d’Impunite qu’exploitent des voleurs autour de lui inclu membres de sa propre famille? Pourquoi defend-il de voleurs connus tel que Nico Kazadi et jadis Kamerhe? Accelerer l’etat de droit et fin a l’impunite ne semblent pas concerner Felix; car il tire bien profit de sa voyoucratie-kleptocratique!

  7. Une autre incongruité ou un autre signe de folie de ces gens qui nous gouvernent : un guignol qui fait office de gouverneur de la ville de Kinshasa est allé quérir l’aide de l’armée pour assainir sa ville, la plus sale d’Afrique. S’adressant à la presse, devant un autre guignol qui fait office de chef d’état major des FARDC, un certain Tshiwewe, un général d’opérette, le nouveau Gouv a dit ceci :  »…nous savons tous qu’une des missions d’une armée en temps de paix… ». Donc pour ce clown, le Congo est en paix. Alors qu’on m’explique de quoi et pourquoi on accuse Kagame, Nangaa, Kabila, etc…?

    • Pierre Jacquenry 16 août 2024 @ 17 h 34 min

      Cher Jo Bongos,
      Tous ces « guignols » s’inscrivent dans « la Vision de leur chef-guignol » a qui ils jurent leur totale loyaute comme le dit l’autre guignol, le molasson- connu qui vient d’acceder au perchoir du Senat ! Que dire de la « charmante nana » Acacia Bundubola (detourneuse connue) qui limite ses fonctions aux tournees des parcelles…a Kinshasa? Bref, sous ce regime des guignols, aller faire le tour de petits chantiers a Kin, loin des provinces, en chantant « vision du chef », suffit pour retourner voler les deniers de l’Etat.., l’exemple venant du sommet !

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