Le 31 décembre 2017 qui était une date butoir pour la RDC vient de passer en laissant derrière l’horizon ce que nous savions que ça allait se produire: une répression brutale de la marche. La population, bravant le danger, s’est mobilisée favorablement à l’appel du comité laïc de coordination. Cet appel a été également suivi par les membres de la diaspora congolaise, faisant écho à ceux et celles qui marchaient au pays.
Si suivre la consigne de marcher a été une bonne tactique de lutte contre le pouvoir, il y a cependant une donne fondamentale que tout congolais ne devrait pas perdre de vue. Le régime qui dirige le pays depuis 2001 n’est pas d’essence démocratique. C’est un régime dictatorial et sanguinaire. Il repose son autorité sur l’arbitraire et la violation des lois ordinaires et partant, de la loi suprême qui est la constitution.
Kabila, ayant perdu toute légitimité le 19 décembre 2016, n’est resté au pouvoir que grâce à l’Accord dit de la Saint Sylvestre signé le 31 décembre de la même année. Cet Accord, rappelons-le, prônait l’organisation des élections au plus tard au 31 décembre 2017. Il ne fallut pas très longtemps pour se rendre compte qu’il ne sera pas appliqué conformément à son esprit. En fait, il a été dès le début torpillé et vidé de son sens. Tout ce qui avait été mis en place, notamment la nomination du premier ministre et des dirigeants de la CNSA, ne répondait plus à son schéma initial, les gens du pouvoir l’ayant fourvoyé en imposant par la force et la manigance un autre canevas politique. Delors, la marge de décrispation politique s’était amincie. Pire que cela, on ne pouvait raisonnablement parler de l’Accord puisqu’il n’était pas suivi d’effets attendus.
C’est à ce moment-là qu’il fallait agir et revendiquer sa pleine application ou, au contraire, décréter sa nullité pour non-respect des clauses. Par contre, on a continué à réclamer qu’il soit appliqué, non sans ignorer la volonté du camp de l’ex Majorité présidentielle clairement affichée. Les tergiversations concernant la publication du calendrier électoral et l’acharnement à utiliser la machine à voter n’ont fait qu’alimenter la grave crise politique au lieu de la décrisper.
Tout ce tableau sombre du régime qui gouverne le pays par défi n’autorise absolument pas à faire confiance aux kleptocrates qui brillent par leur mauvaise foi en plongeant le pays dans la misère, en multipliant des foyers de tension, en tuant des paisibles citoyens, en noyautant l’opposition pour la contrôler de l’intérieur et, en fin de compte, en continuant à œuvrer pour le maintien de Kabila au pouvoir. Tous ces ingrédients étaient suffisants pour alerter la population et les partis politiques de ne point compter sur l’appareil politico-militaire qui n’opère pas pour le bien et le salut de sa population.
Ce faisant, c’est un véritable sacrilège que de continuer à faire confiance à la CENI qui est entièrement au service du régime. Dans sa configuration actuelle, accepter qu’elle organise les élections, c’est prédire à l’avance les gagnants et les perdants. C’est cautionner ouvertement la fraude à grande échelle. C’est pourquoi, l’opposition ainsi que tous ceux qui se mobilisent pour promouvoir la démocratie au pays doivent savoir au juste ce qu’ils veulent afin d’utiliser les moyens conséquents pour y parvenir. L’épreuve qui est en cours demande d’abord une cohésion de vues au niveau de l’approche avant même d’envisager les actions à mener sur le terrain. Sans une approche de lutte globalisante, dynamique et réaliste, le risque est de se perdre dans des revendications superflues en encaissant de lourdes pertes humaines sans parvenir au résultat escompté.
A ce stade crucial de la lutte politique et en toute connaissance des causes, on ne peut ne pas comprendre que le problème de fond qui bloque toute alternance politique et l’éclosion de la démocratie, c’est la présence de Kabila à la tête du pays. Le fait qu’il ne veuille pas quitter pacifiquement le pouvoir après 17 ans de gestion chaotique et nébuleuse, tout en étant hors mandat, signifie beaucoup de choses. Ça serait illusoire de s’imaginer qu’ils organiseront les élections alors que les faits et les actes sur le terrain démontrent sa volonté de se cramponner au pouvoir.
Le réalisme politique oblige de reconnaitre que l’Accord de la Saint Sylvestre est désormais caduc. Il n’a pas produit d’effets lorsqu’il devait en produire, il n’en produira pas maintenant qu’il est périmé et bon pour l’histoire. L’esprit patriotique devrait animer tout le monde pour aller vers une convergence stratégique. Celle-ci devra viser a priori la solution immédiate de la crise qui est le remplacement illico presto de Kabila. Le pays sortirait de la crise actuelle en mettant en place, au profit du peuple et de toute la classe politique, une Transition Citoyenne avec les Administrateurs qui sont déjà élus. Ces derniers commenceront à exercer l’effectivité de leur pouvoir qui deviendra opérationnelle lorsque le peuple, détenteur du pouvoir, réussira à multiplier sans relâche des actions minutieusement étudiées qui bouteront dehors les actuelles institutions qui n’ont plus aucune légitimité. Pour terminer, paraphrasons le Cardinal Monsengwo, Administrateur élu de la Transition Citoyenne en disant: « il est temps que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RD Congo ».
Par Mwamba Tshibangu