Vendredi 20 avril, la compagnie minière contrôlée par l’État, la Gécamines, a assigné en justice la Kamoto Copper Company, la coentreprise qu’elle détient avec une filiale de Glencore pour l’exploitation du cuivre congolais.
Début février, lors de la conférence Mining Indaba, au Cap, Albert Yuma avait annoncé la couleur: alors que son pays était sur le point de promulguer un nouveau code minier beaucoup plus contraignant que le précédent, le président de la société d’État gérant les carrières et les mines avait clamé son intention de renégocier tous ses contrats de partenariats dans 17 projets miniers au Katanga – dont ceux de Glencore et de China Molybdenum – dès le mois d’avril, suite à un audit réalisé par le cabinet Mazars.
Le mois d’avril est arrivé, et la Gécamines est passée aux actes. Kamoto Copper Company (KCC) est le premier à en faire les frais. Le 20, la société d’État a entamé devant le tribunal de commerce de Komwezi une procédure en vue d’obtenir la dissolution de cette coentreprise qu’elle détient à 25%, avec Katanga Mining (75%), filiale du groupe suisse Glencore.
En cause, la « non-reconstitution des fonds propres » de cette joint-venture dans les délais légaux. Un état de fait que ne nie pas Katanga Mining, qui a rendu publique l’existence de cette procédure via un communiqué le 22 avril – auquel la Gécamines a répondu le surlendemain.
CHUTE DU COURS
Car si les deux entreprises s’accordent sur la situation déficitaire de KCC, que la Gécamines chiffre à 9 milliards de dollars (7,35 milliards d’euros), leurs points de vue divergent quant à l’historique de ce problème.
La Gécamines clame que « la situation justifiant une mise en dissolution judiciaire est caractérisée depuis maintenant plus de dix ans, [soit avant la prise de contrôle de Katanga Mining par Glencore, intervenue début 2009, ndlr]« .
Son partenaire met pour sa part en avant les importantes pertes induites par la période de réhabilitation des installations de KCC, en 2014, pour expliquer son faible capital.
« Selon la loi congolaise, ce déficit aurait dû être corrigé au 31 décembre 2017, et comme cela n’a pas été le cas, toute partie intéressée pouvait entreprendre une action juridique en dissolution devant les autorités judiciaires congolaises », reconnaît ainsi Katanga Mining, société cotée à Toronto, qui a vu le cours de son action chuter de moitié au lendemain de cette annonce. Même s’il est depuis un peu remonté, comme le montre le graphique ci-dessous, illustrant l’évolution de l’action sur le dernier mois.
Autre désaccord entre les deux parties, le comportement de leur partenaire d’affaires. En effet, si Katanga Mining, assure avoir fait « de nombreuses tentatives pour engager des négociations constructives avec la Gécamines pour bâtir un plan de recapitalisation », la société d’État affirme qu’aucune régularisation n’est intervenue « malgré les nombreux rappels à l’ordre ».
KATANGA MINING ESPÈRE UN SURSIS
La Gécamines dénonce en outre l’endettement de KCC à l’égard de sa maison-mère Glencore à des taux bien plus élevés que ceux auxquels celle-ci emprunte. »Ce sont ainsi plusieurs centaines de millions de dollars d’intérêts qui sont chaque année dus par KCC au groupe d’actionnaires majoritaires », indique le communiqué, qui pointe également une « politique de service et de sous-traitance organisée en faveur des sociétés affiliées au groupe Glencore (…) qui a contribué à affecter les résultats de cette société commune, laquelle n’a jamais versé le moindre dividende ».
En conclusion, la Gécamines estime qu’il est « indispensable de mettre fin » à la forme de gestion représentée par KCC. De son côté, Katanga Mining indique sa détermination à discuter avec son partenaire et à faire « tous les efforts nécessaires pour assurer la continuation des opérations de KCC et protéger les droits qui lui sont donnés par la loi et l’accord de joint-venture ».
« Il y a plusieurs options pour remédier au manque de capitaux de KCC et éviter la dissolution », veulent croire les représentants de Katanga Mining, qui espèrent obtenir, lors de l’audience programmée pour le 8 mai prochain, un sursis de six mois.
Par Nelly Fualdes, in Jeune Afrique, 25.04.18