criminel à col blanc
On croit rêver ou plutôt cauchemarder: la Licoco (Ligue congolaise contre la corruption) signe un rapport qui pourrait être intitulé « Défense et illustration de la corruption ».
Un rapport de 57 pages qui serait rédigé par un collectif d’ONG et signé par la Licoco attaque de manière violente l’ONG Global Witness (GW) et d’autres organisations internationales qui depuis une quinzaine d’années dénoncent la gestion opaque et prédatrice des ressources naturelles de la RDC. La plupart des ONG nationales, les églises et de nombreux citoyens font de même. Devant l’opacité organisée de la gestion des ressources naturelles, le FMI (Fonds monétaire international) a suspendu les appuis à la RDC depuis 2012.
Soyons clairs: c’est le droit le plus strict de la Licoco de critiquer GW (Global Witness) ou n’importe quelle autre institution qui serait nuisible pour la population congolaise ou qui se livrerait à des pratiques malhonnêtes ou illicites.
Là où le bât blesse c’est quand la critique nie l’importance de la corruption dans la gestion opaque de nos ressources et minimise la responsabilité des dirigeants. Le rapport affirme que ce ne serait pas la corruption des dirigeants qui provoquerait la pauvreté de la population mais c’est la pauvreté de la population qui provoquerait la corruption des dirigeants. Une autre cause de la pauvreté serait liée aux
« causes structurelles » dont nos dirigeants seraient également les victimes… mais richissimes.
L’argumentation ressemble furieusement à celle développée il y a quelques mois par les dirigeants de la Gécamines et leurs affidés étrangers pour qui les ONG’s seraient des agents de pays étrangers et « le faux nez » des multinationales.
La première phrase du rapport est
« Pour qui travaille réellement Global Witness? ». Au vu de l’analogie de l’argumentation de la Licoco avec celle des dirigeants mis en cause on pourrait se demander
« Pour qui travaille réellement la Licoco? ».
Rappelons que Global Witness a été créé en 1993 et a été parmi les premiers à établir le lien entre les ressources naturelles, les conflits et la corruption. Ils ont mené des nombreuses enquêtes dans le domaine de la mauvaise gestion des ressources naturelles, du blanchiment d’argent et des atteintes aux droits de l’homme dans de nombreux pays. Habitués aux critiques des kleptocrates qu’ils mettent en cause, ils doivent être surpris d’être attaqués par une ONG de lutte contre la corruption affiliée de surcroit à Transparency International…
Global Witness a fait du triptyque opacité-corruption-mauvaise gouvernance une cible prioritaire et dans le cas de la RDC, met donc en cause les responsables de ce triptyque. Aussi, le rapport Licoco tente de minimiser le rôle des dirigeants actuels et de rejeter la responsabilité sur des facteurs « structurels » et historiques.
Une grande partie du rapport tente de démontrer que les critiques de l’opacité de certains contrats et de certaines opérations financières, du bradage d’actifs, de reventes opaques de ces mêmes actifs, du blanchiment d’argent etc. ne seraient que mensonges et tromperies.
Sans entrer dans les détails de cette argumentation revenons à la partie du rapport qui minimise l’importance des malversations et de la corruption qui s’accompagne toujours de l’impunité non seulement des crimes économiques mais aussi les crimes de sang et de la violence à grande échelle comme c’est le cas dans notre pays. Cette partie du rapport conteste ce qu’il qualifie de 5 idées fausses.
1ère idée: Colons et Congolais – Blanc bonnet et bonnet blanc
Le rapport conteste l’idée qui serait défendue par Global Witness et selon laquelle il y a une continuité dans l’exploitation et la prédation des ressources depuis Léopold II jusqu’à présent (idée défendue par de nombreux observateurs). Selon le rapport, cette idée postulerait les mensonges suivants
« que les inégalités dans le monde existent parce que les gouvernants ne savent pas comment faire pour transformer des pays pauvres en pays riches » et
« cette hypothèse qui fait des leaders africains de parfaits incompétents et des idiots complets, passe totalement à côté de la dimension politique d’une politique publique qui peut avoir d’autres priorités ».
Le rapport tente de démontrer que la gestion des dirigeants post indépendance et surtout celle des dirigeants des 15 dernières années a été meilleure que celle de la colonie. Il conteste l’idée que la chute du Zaïre serait causée par la corruption et l’incompétence de ses dirigeants. Il considère comme mensonge l’affirmation de Global Witness selon laquelle
« plus de 25 ans de gestion financière désastreuse et corrompue des ressources minières par le Gouvernement et les sociétés paragouvernementale ont mené à un effondrement de l’économie et à la faillite de l’Etat au milieu des années 80 ». La véritable raison serait « structurelle » et notamment
« le contexte international ». La catastrophe de la Zaïrianisation serait due au fait « que les situations en matière de politiques publiques africaines, et notamment économiques, sont hélas plus complexes qu’il n’y paraît ».
2ème idée – La corruption des élites est la cause de la pauvreté contemporaine du peuple congolais
Le rapport conteste l’idée que
« la pauvreté du peuple congolais est la conséquence de la corruption passée et actuelle… mais surtout actuelle ».
Le lien que fait GW entre la corruption et
« la pauvreté de communautés entières vivant dans le besoin, dont les enfants n’ont accès ni à une éducation de base, ni aux soins de santé » sont qualifiés par le rapport comme suit:
« Toutes ces justifications ne constituent qu’une succession de clichés, sans aucun lien systémique avec la pauvreté de la RDC ». Parmi les clichés stigmatisés par le rapport:
« Le 3ème cliché récurrent de Global Witness est que la corruption et la mauvaise gestion, permet l’exploitation des ressources naturelles au profit de quelques individus ».
3ème idée – La communauté internationale est la solution
Paradoxalement, pour démontrer que la communauté internationale ne serait pas la solution, le rapport cite le Panel des experts de l’ONU, (membres de la communauté internationale )
« qui a estimé à 10 milliards de dollars l’accaparement des richesses de la RDC par les gentils investisseurs internationaux venus au chevet du pays, et au niveau minier, la quasi-totalité des gisements de Gécamines ». En fait, la critique porte sur Global Witness qui
« prend d’inhabituels gants pour ne pas fustiger ces attitudes répréhensibles dénoncées par l’ONU ».
4ème idée – Dénoncer la corruption c’est bien, mais pour être crédible, il faudrait quand même trouver des coupables
Le rapport fustige et considère comme mensongères les déclarations suivantes de GW:
« Depuis des décennies, les décideurs politiques de la RDC aux plus hauts niveaux hiérarchiques du gouvernement, consacrent leurs efforts à leur enrichissement personnel au moyen du commerce lucratif du cuivre et du cobalt au Katanga, au lieu d’utiliser ces ressources pour développer le pays et de la province ».
Selon le rapport, les dirigeants ne se seraient pas enrichis mais auraient utilisé les ressources pour développer le pays. Même Lambert Mende qui pourtant ose tout ne se serait pas ridiculisé à ce point.
Autre mensonge de Global Witness: avoir accusé
« le régime politique de l’époque d’avoir bradé des actifs miniers de Gécamines entraînant pour l’Etat congolais des pertes potentielles de plusieurs milliards de dollars » et de
« n’avoir pas réussi à sortir la population congolaise de la pauvreté abjecte dans laquelle elle est plongée a province ».
Voilà la Licoco à la rescousse des dirigeants de la Kabilie.
5ème idée – Avec une théorie et des coupables, je dois obtenir des résultats
Pour le rapport, les actions de Global Witness, et l’adhésion à l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) n’ont eu aucun résultat. Le seul résultat serait
« … la satisfaction d’avoir enfin réussi à faire sanctionner certaines personnes, qui ne semble être en fait que leur seul objectif probablement pour faire exclure du jeu local les acteurs qui ne conviennent pas aux intérêts de leurs mandant ».
Ainsi les masques tombent et il n’y a plus aucun doute sur les commanditaires du rapport, les dirigeants de la Gécamines et leurs acolytes.
Jean-Marie Lelo Diakese
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