Ramazani Shadary, le « dauphin » qui n’avait rien à dire…

Près de quatre-vingt-dix jours après sa désignation en qualité de « candidat » du FCC (Front commun pour le Congo) à l’élection présidentielle du 23 décembre prochain, Emmanuel Ramazani Shadary reste une énigme pour la grande majorité des citoyens. Et pour cause, ce dernier n’a tenu, à ce jour, pas un seul point de presse pour lever le voile sur sa véritable personnalité. Personne ne connait les valeurs qui servent de balise à cet homme. Personne ne sait non plus le « rêve nouveau » que cet oligarque – réputé pour ses foucades – entend proposer aux Congolais. Des Congolais qui demandent, depuis deux décennies, l’avènement d’un nouvel ordre politique fondé sur la démocratie, le progrès et le respect de la personne humaine. La cérémonie organisée le samedi 27 octobre au Stade Tata Raphaël à Kinshasa n’a pas tenu ses promesses. Au lieu de « présenter » le « dauphin » du Président hors mandat, les « mandarins » du PPRD-FCC se sont limités à « remercier » « Joseph Kabila » et à claironner la « victoire » à venir de leur coalition aux allures de « grand bazar ». Ici, des « nationalistes-souverainistes » autoproclamés côtoient des anciens opposants convertis au « kabilisme » plus par opportunisme que par convergence idéologique ou programmatique.

La cérémonie de « présentation officielle » du candidat Emmanuel Ramazani Shadary à l’élection présidentielle du 23 décembre prochain a connu un succès de foule. Un succès qui reste néanmoins discutable tant sur le plan de la forme que du fond.

Sur le plan de la forme, le constat est là: les Kinois étaient venus nombreux au Stade Tata Raphaël dont la célébrité a franchi les frontières du Congo-Zaïre. Et ce depuis l’organisation du combat de boxe entre Mohamed Ali et George Foreman en 1974.

Combien étaient-ils? Selon le FCC, la foule est estimée à 60.000 personnes. La police kinoise, elle, dit avoir comptabilisé jusqu’à 180.000 individus. Qui dit vrai?

Un petit bémol au sujet de cette affluence. Des informations concordantes diffusées samedi sur les réseaux sociaux indiquent que des bus de la société de transport « Transco » ont été réquisitionnés. Des témoins assurent avoir vu ces véhicules déverser des dizaines de personnes à l’ex-Stade du 20 Mai.

D’autres témoins clament la main sur le cœur que des bus ont effectué plusieurs aller-route entre les camps militaires de la capitale et ledit stade. Mission: embarquer des militaires en tenue civile. Les femmes et les enfants n’ont pas été du reste. Des fonctionnaires de l’administration publique et ceux des entreprises d’Etat ont été contraints de participer à cette manifestation au même titre que les militaires et les policiers.

VIOLATION DE LA CONSTITUTION

Si ces contraintes étaient confirmées, cela reviendrait à dire que la coalition politique « FCC » qui se confond avec l’Etat a violé sciemment le troisième alinéa de l’article 26 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 par… « Joseph Kabila ». Cette disposition stipule: « Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation ». On attendra en vain une sanction.

Jean-Marie Kasamba, patron de « Télé 50 »

Certains confrères proches de la mouvance kabiliste ont parlé de « mobilisation spontanée ». C’est le cas notamment de Jean-Marie Kasamba, le patron du média kabiliste « Télé 50 ». Une opinion balayée du revers de main par des observateurs. Ceux-ci notent que cette « mobilisation spontanée » n’a pas empêché des milliers de Kinois d’arborer des t-shirts tout neuf avec les initiales « JKK » (Joseph Kabila Kabange). « Des Kinois ont été soudoyés pour venir au Stade, assurent ces observateurs. Une somme de 3.000 FC, soit plus ou moins deux dollars, a été remise aux personnes présentes ».

Qu’en est-il du fond? L’opinion nationale – sans doute aussi internationale – espérait entendre Ramazani Shadary articuler quelques mots sur sa « vision » de la société congolaise de demain. C’est la déception. L’homme est resté muet comme une carpe.

MARIONNETTE

Contre toute attente, le directeur de cabinet du Président hors mandat a été le premier à s’adresser au public. Une occasion pour rappeler de manière subliminale à ceux qui l’ignorent que sans le « Kabila »  le « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadari n’est rien. Le « raïs » reste au contrôle. En clair, « Shadary » reste une pitoyable marionnette.

Coordonnateur du « comité stratégique » du FCC, Néhémie Mwilanya Wilondja n’a guère été « sophistiqué ». Il a débité quelques banalités en commençant par clamer sa satisfaction de voir « la présence massive des cadres et militants des partis et regroupements politiques » à cette cérémonie. Pour lui, il s’agit d’une « marque de confiance » à l’égard de « Joseph Kabila ». Pas un mot de « présentation » sur le « dauphin ».

Avec la « modestie légendaire » qui le caractérise, le « dircab » à la Présidence de rappeler à ceux qui l’avaient oublié que « le FCC est une plate-forme politique à visée électoraliste qui a été créée pour remporter les prochaines élections à tous les niveaux ». Vous suivez!

Questions: « Néhémie » est-il au courant que le dernier mandat de son patron a expiré depuis le 19 décembre 2016? Et que depuis bientôt deux ans, celui-ci exerce un pouvoir inconstitutionnel? Quel est le bilan des dix-huit années passées par « Kabila » à la tête de l’Etat?

« CONGLOMÉRAT D’AVENTURIERS »

Arborant son habituel sourire béat, Emmanuel Ramazani est intervenu à son tour en commençant par « remercier » le Président hors mandat de l’avoir désigné comme candidat du FCC à l’élection présidentielle à venir. Pour lui, la présence massive des Kinois à cette manifestation apparaît comme une « victoire avant le vote ».

Quid de son programme? « Shadary » n’avait rien préparé comme adresse. Il s’est limité à inviter le corps électoral « à faire confiance à la machine à voter ». Sous prétexte que la campagne électorale n’a pas encore commencé, il a promis de présenter son « projet de société » au « moment opportun ».

Evariste Boshab

Depuis 2014, les « bonzes » de la mouvance kabiliste clament à cor et à cri leur détermination à « conserver le pouvoir ». Au motif, selon eux, que le « clan kabiliste » aurait le « meilleur projet ». Ces propos surréalistes ont été tenus respectivement, en 2014 à Mbandaka, par Evariste Boshab, alors secrétaire général du PPRD et en 2015 par Aubin Minaku, le secrétaire général de la « majorité présidentielle » et président de l’Assemblée nationale.

« Le rôle subalterne que Shadary a joué samedi au Stade Tata Raphaël confirme que le FCC n’est qu’un masque derrière lequel se cache un Joseph Kabila qui n’entend en aucun cas quitter le pouvoir », commente un confrère kinois. Pour celui-ci, Emmanuel Ramazani « est tenu en laisse » et « n’agit que par procuration ».

Comment peut-on imaginer que des femmes et des hommes « bardés de diplômes » aient pu apposer leurs signatures sur la charte du « FCC » sans avoir pris connaissance des priorités de cette coalition politique?

En 1999, le président Laurent-Désiré Kabila avait créé l’événement en qualifiant l’AFDL ( Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) qui l’avait porté au pouvoir le 17 mai 1997 de « conglomérat d’aventuriers ».  Et si le « Front commun pour le Congo » était une résurgence de ce « conglomérat d’aventuriers »?

 

Baudouin Amba Wetshi

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