Questions directes à Paul-Rigobert Akanga

Paul-Rigobert Akanga est – était? – le secrétaire général adjoint et porte-parole de l’Apareco (Alliance des patriotes pour la refondation du Congo) que dirige Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba, l’ancien conseiller spécial du président Mobutu Sese Seko en matière de sécurité. Depuis quelques jours, diverses sources font état de sa démission de ce mouvement auquel il fait partie depuis une dizaine d’années. Dans un entretien accordé, lundi 23 septembre 2013 à Congo Indépendant, Akanga a confirmé cette information. Il quitte l’Apareco.

Il donnera plus tard les « raisons profondes » de sa décision. Pour le moment, il se contente de parler de l’émergence, au sein de l’Apareco, d’une « pensée unique », de la « personnalisation » du pouvoir et du « culte de la personnalité ». Interview.

Comment pourrait-on vous présenter à ceux qui ne vous connaissent pas?

J’ai 47 ans. Je suis politologue de formation (ULB). Je suis le secrétaire-général adjoint de l’Apareco et surtout co-fondateur de cette plateforme politique.

Quel a été votre parcours avant la naissance de l’Apareco?

J’ai grandi dans un milieu familial très « impliqué » dans les affaires de l’Etat qui s’appelait alors le Zaïre. Ce n’est qu’au lendemain de la prise du pouvoir à Kinshasa par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), en mai 1997, que je me suis lancé dans le militantisme politique. En fait, j’étais présent dans la capitale au moment de l’entrée des éléments de l’AFDL dans la ville. J’ai été révolté par tout ce que j’ai vécu. Je me suis rendu compte que le pays n’était nullement « libéré ». Il était, au contraire, occupé. Voilà pourquoi, je me suis engagé dans le « combat politique » dès ma sortie du territoire national.

Pourquoi avez-vous choisi l’Apareco?

Je n’ai pas choisi l’Apareco. Avant la naissance de cette plateforme, je faisais partie des groupes de pression bien structurés qui existaient en Belgique. Le plus connu et le plus ancien reste bien entendu: « Bana Congo ». J’étais à la tête des « Patriotes congolais de Belgique ». Nous avons mené ensemble plusieurs actions à Bruxelles. C’est le cas notamment d’une manifestation de protestation contre Louis Michel, alors ministre belge des Affaires étrangères. C’était en juin 2004. Nous l’avons chahuté au quartier Matonge. C’était une manière de dénoncer la position « équilibriste » de la diplomatie belge consistant à ne pas dénoncer les menées expansionnistes du Rwanda au Congo sous prétexte qu’il ne fallait en aucun cas stigmatiser l’un des protagonistes. Au cours de la même période, nous avons occupé la chancellerie de l’ambassade congolaise à Bruxelles avec tous les diplomates à l’intérieur. L’action a duré toute une journée. C’était à l’époque de l’ambassadeur Jean-Pierre Mutamba Tshampanga. L’objectif était d’alerter l’opinion tant belge qu’internationale sur la situation au Congo.

Au départ, l’Apareco était présentée, à tort ou à raison, comme un mouvement politico-militaire. Comment expliquez-vous que ce mouvement ait fini par prendre l’allure d’un organe de presse?

En apparence seulement! Il faut dire que le président de l’Apareco gère de manière exclusive le volet militaire.

Les « mauvaises langues » pourraient rétorquer qu’elles attendent toujours le premier coup de feu…

Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Bien au contraire. En réalité, il y a des paramètres extérieurs dont il faut prendre en compte. C’est le cas notamment des rivalités, datant de la 2ème République, entre les anciens caciques du Mouvement populaire de la révolution. Je n’ai pas besoin de les citer

Faites-vous allusion aux généraux Philémon Baramoto, Eluki Monga Aundu ainsi qu’à Honoré Ngbanda lui-même?

Ce beau monde et tant d’autres dignitaires de l’ancien régiment peinent à surmonter leurs querelles du temps passé. Des rancœurs sont encore vivaces. Voilà la raison, à mon avis, fondamentale qui retarde la libération de notre pays.

Etes-vous en train de suggérer que l’opposition congolaise tant politique qu’armée souffre d’un déficit de « rassembleur »?

J’irai plus loin: ces personnalités de l’ancien régime passent le clair de leur temps à se torpiller. C’est bien cette situation qui profite au pouvoir en place à Kinshasa. Un pouvoir dont la pérennité résulte non pas d’une invincibilité mais simplement parce que les opposants passent le temps à se mettre les bâtons dans les roues.

A vous entendre parler, « Joseph Kabila » peut dormir « du sommeil du juste »…

Ce n’est pas ce que je suis en train de dire. Il n’est jamais trop tard pour bien faire…Tôt ou tard, il faudra contourner cet obstacle. Vous le savez autant que moi que le président de l’Apareco n’a jamais été un chef militaire. Pour mener des actions, il doit s’appuyer sur des militaires formés. Le problème est que la plupart de ces éléments sont restés loyaux à leurs chefs d’antan. C’est le cas notamment de Jean-Pierre Bemba ou du général Baramoto. La « délivrance » du Congo reste tributaire de la capacité de toutes ces personnalités à remettre le compteur de leur animosité réciproque à zéro.

Depuis quelques jours, une information circule selon laquelle vous avez démissionné de l’Apareco. Est-ce vrai?

Je la confirme. J’ai décidé de quitter ce mouvement. C’est une décision qui n’a pas été aisée à prendre.

Quelles sont vos motivations?

Il y a d’abord les raisons qui nous ont poussés à créer l’Apareco. Nous avons créé ce mouvement pour promouvoir des valeurs.

Quelles sont ces valeurs?

Il y a d’abord l’indépendance et la souveraineté du pays. Nous avons lancé l’Apareco pour promouvoir les valeurs de liberté et de démocratie en faisant du Congo un pays où il fait bon vivre pour chacun et pour tous. Lors du Congrès constitutif du mouvement, le président national Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba avait déclaré dans son discours que la nouvelle organisation allait fonctionner de la base au sommet. Aujourd’hui, le constat est là: l’Apareco fonctionne du sommet à la base.

Voulez-vous parler d’un pouvoir monolithique?

Absolument! Lentement mais sûrement, le président national est en train de se couper de la base. Conséquence: les structures de base ne sont plus opérationnelles. Et ce pour la simple raison que le cabinet du président s’est arrogé non seulement les tâches administratives mais aussi toutes les compétences relevant de ces structures subordonnées. Le mouvement est au bord de l’asphyxie.

En juin 2011, un de vos anciens camarades, Marcel Makolo Kotambola, avait claqué la porte de l’Apareco en demandant « pardon » à « Joseph Kabila ». Allez-vous lui emboîter le pas?

Marcel Makolo Kotambola a eu à exposer les raisons qui l’ont poussé à partir. Je tiens à le dire ici: « Marcel » n’est pas un ennemi. J’ai appris à faire la part des choses. Je lui reproche cependant le fait d’avoir renié le combat pour lequel nous nous étions engagés. Pour le reste, j’ai vécu au quotidien les souffrances de cet homme. Son départ n’a pas été motivé par les mêmes raisons que moi. Je reste fidèle à mes convictions. Si ceux qui ont lancé l’Apareco commencent à partir un à un, l’heure est venue de se poser les vrais questions

Il semble que vous auriez des « liens familiaux » avec le Président de l’Apareco…

Effectivement! Il s’agit d’une parenté par alliance. Je le considère d’ailleurs comme mon « père ». L’un n’empêche pas l’autre. Sur le plan politique, mon engagement politique n’a rien à voir avec ces considérations. D’ailleurs aucun membre de sa famille biologique n’est membre de l’Apareco. En ce qui me concerne, c’est avant tout une question de convictions en des valeurs. En tant que cadre du mouvement, j’ai le devoir de tirer la sonnette d’alarme quand je constate que le leader fait fausse route. Mon intention est d’inciter celui-ci à descendre de son piédestal pour réaliser que l’organisation est en train de sombrer. Il est, lui, en train de se faire isoler. Il vit une situation qui ressemble à l’ambiance qui a précédé la chute du président Mobutu. Un Président qui était totalement déconnecté des réalités faute de contact avec la base. Il se rendit compte trop tard.

Que répondez-vous à ceux qui pourraient vous suspecter de faire le jeu du pouvoir kabiliste?

Je leur dis qu’en aucun moment, je n’ai pensé faire le jeu du pouvoir en place. A travers cet entretien, mon souci est que le président de l’Apareco redevienne efficace et se rende compte de son isolément. Son entourage l’empêche de regarder la réalité en face. Cette réalité – je l’ai déjà souligné – est que la base est complètement déboussolée. Il y a urgence de raviver les valeurs fondamentales de notre organisation.

Devrait-on parler d’une ambiance de « sauve-qui-peut » au sein de l’Apareco?

Chacun est libre de donner son interprétation. Je peux, par contre, vous assurer que ça fait mal de renoncer à un projet à l’élaboration duquel on a pris une part active; un projet pour lequel vous avez consenti des sacrifices au plan familial en étant éloigné de ses enfants pendant plus de cinq ans ou en étant « empêché » de se rendre au pays pour aller enterrer un être aussi chère qu’une mère.

Dans votre cas, devrait-on parler de « lassitude »?

C’est plus un cri d’alarme que je lance en direction du président national que de la lassitude. Autour de chaque homme important, il y a des cercles d’influence et de pouvoir. Je l’interpelle pour qu’il ne se laisse pas enfermer par ces cercles. Pour un responsable politique, c’est une erreur grave de ne s’entourer que des « béni-oui-oui ».

D’aucuns pourraient vous reprocher d’avoir attendu presqu’une dizaine d’années avant de réagir…

Pendant tout ce temps, je n’ai pas cessé d’alerter le président de l’Apareco. Il faut dire que certaines habitudes ont la peau dure

Que répondez-vous à ceux qui pourraient vous suspecter d’avoir été « acheté » par le pouvoir kabiliste?

Il y a une certaine paranoïa autour de la haute direction de l’Apareco. Je n’ai pas la vocation d’un traître.

Comment voyez-vous votre avenir?

Mon combat va au-delà du cadre de l’Apareco. Ce mouvement est un cadre de combat. Il peut arriver que le Congo-Kinshasa soit libéré sans que cela soit forcément par l’Apareco. J’aurai, dès lors, atteint mon but. Mon combat n’a qu’un seul but: la libération de notre pays par ses propres filles et fils. Je m’empresserai d’aller servir la nation.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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