Liliane Bemba Texeira est l’épouse de l’ancien vice-président de la RD Congo et sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo. Mère de cinq enfants, « Mama » Bemba a tenu mardi 3 juin un petit point de presse dans un hôtel bruxellois. Son message a été le suivant: « L’arrestation de Jean-Pierre Bemba n’est pas une affaire judiciaire mais une cabale montée par ses adversaires politiques ». Congoindependant.com a profité de l’occasion pour s’entretenir avec l’oratrice.
« Le Dieu que moi je prie fera triompher la Justice et la Vérité »
Comment vivez-vous l’arrestation de votre mari?
C’est très dur! C’est une situation très pénible tant pour moi que pour les enfants dans la mesure où c’est la période de préparation des examens de fin d’année scolaire. Je m’interroge franchement si mes enfants auront la force nécessaire pour se concentrer à leurs études…
Quel est l’état de santé morale du sénateur Bemba?
Je l’ai vu encore lundi matin. Son moral est très bon. Il est serein et confiant. Vous savez, lorsqu’on ne se reproche rien, on ne peut qu’être en paix avec soi-même.
Comment se passe une de ses journées en prison?
Il est dans une chambre. Je ne sais pas s’il faut parler de cellule parce que je n’ai jamais mis les pieds à l’intérieur. Le local est équipé d’un poste téléviseur. Il a des magazines et journaux que je lui apporte à chacune de mes visites. La prison dispose d’une bibliothèque où il peut emprunter des ouvrages. Il dispose également d’un appareil téléphonique qui lui permet de communiquer avec l’extérieur. Ceux qui connaissent M. Bemba savent que c’est un homme très casanier. Il sort très peu. Je suis tentée de dire que sa situation actuelle pourra difficilement atteindre son mental.
Jetons un petit coup d’œil rétrospectif. Ce n’est pas la première fois que vous vivez une situation aussi difficile. Quelle est votre version de faits sur ce qui s’est passé le 22 mars 2007 à Kinshasa?
Si vous interrogez des Kinois, ils vous diront qu’au 22 mars 2007, notre résidence était encerclée depuis trois semaines par des éléments de la Garde républicaine {Ndlr, la nouvelle dénomination de l’ex-garde présidentielle}. Un bataillon de cette unité était déployé d’une part dans le cimetière de la Gombe et d’autre part du côté de la Cour suprême de justice. Le 22 mars, c’était un jeudi. Je me trouvais à la maison. Quelques jours plus tôt M. Bemba venait de se fracturer le tibia de sa jambe gauche. Vers 7 heures, nos enfants sont partis comme d’habitude à l’école.
Saviez-vous les raisons de ce déploiement des forces autour de votre habitation?
Je vais y arriver. Comme M. Bemba avait de séance de « Kiné » chaque jour à midi, il ne prenait son petit-déjeuner que vers 10 heures. C’est ainsi qu’à 8 heures, ce jeudi 22 mars, j’ai envoyé un membre de mon personnel faire quelques petites courses dans un supermarché de la place. A 9heures 30, à ma grande surprise, la personne que je croyais partie faire des achats était toujours à la maison. Pourquoi? Réponse: « Je ne suis pas encore parti parce que nous sommes encerclés. » Encerclés par qui? « Nous sommes encerclés par la Garde républicaine ».
Où était Jean-Pierre Bemba en ce moment?
Il était couché. J’ai compris qu’il n’était pas au courant de cette « évolution » de la situation. Dans l’entrefaite, je vois ma nièce qui vient en courant. Elle m’interpelle: « Tantine! Tantine! Il faut dire à Tonton de se réveiller. Les militaires qui encerclent la maison sont prêts à attaquer ». Je lui réponds: « Mais qu’est ce que tu racontes? ». Elle me rétorque: « C’est vrai, ce que je vous dis! » J’ai aussitôt réveillé mon mari en lui demandant de s’informer sur ce qui se passe à l’extérieur. Il était 9h45. A 10 heures, mon mari a joint au téléphone M. Azarias Ruberwa {Ndlr, ancien vice-président de la République, président du RCD-Goma} dont la résidence se trouve à un jet de pierres de la nôtre. Pendant leur conversation, on entend retentir les premières déflagrations. Mon mari dit à M. Ruberwa: « Est-ce que tu entends ces détonations? ». M. Ruberwa de répondre: « Je les entends. Qu’est ce qui se passe? Je te rappelles ». Mon mari appelle par la suite notre centraliste afin de savoir d’où venaient ces tirs. Réponse du centraliste: « C’est la Garde républicaine qui tire sur nous ». La situation devenait donc sérieuse. C’est le sauve-qui-peut. En face, il y avait un bataillon {Ndlr, +/- 500 hommes). La garde de M. Bemba était composée de 200 hommes. Nous n’avons même pas eu le temps d’apprêter nos valises. On a eu juste le temps de prendre quelques effets nécessaires avant de rejoindre l’ambassade d’Afrique du Sud.
Il y a plusieurs versions sur votre départ vers cette ambassade. Quelle est la vôtre?
C’était très difficile. Comme je vous ai dis, les premiers tirs ont retentit à partir de 10 heures. J’ai oublié un détail hautement important à savoir que nos enfants se trouvaient à l’école {Ndlr, Ecole belge de Kinshasa}. L’une de mes filles m’a téléphoné pour s’enquérir de la situation. « Maman, qu’est ce qui se passe, dit-elle. J’ai vu, des voitures venir rechercher à l’école les enfants Kabila, Kamitatu, et Masangu. Est-ce que tu peux me dire ce qui se passe? ». Elle ajoute: « Peux-tu envoyer le chauffeur nous prendre à l’école? ». Je me suis résolue de lui dire la vérité: « Il vaut mieux pour vous restiez à l’école. Dès que la situation va se calmer, quelqu’un viendra vous chercher ». Nous avons quitté notre résidence sous des tirs à l’arme lourde.
A vous entendre parler, on dirait que la Garde républicaine était venue pour anéantir l’ancien vice-président Bemba. Alors que dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique, Joseph Kabila soutient que Bemba voulait l’éliminer physiquement?
C’est parfaitement faux! Je vous ai dis que nous étions encerclés depuis trois semaines…
Certains journaux belges ont laissé entendre qu’il y avait un projet de coup d’Etat…
Soyons sérieux! Comment M. Bemba allait-il faire ce « coup d’Etat », lui qui marchait à l’aide de béquilles depuis son accident? Peut-on faire un putsch en dormant tranquillement dans son lit? A-t-on déjà vu un putschiste qui envoie ses enfants à l’école pendant qu’il tente de s’emparer du pouvoir?
Quelle est, selon vous, la raison profonde de l’animosité existant entre Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila? Les entourages respectifs seraient-ils à l’origine de ce conflit? Y aurait-t-il un « contentieux caché » entre les deux hommes?
Je suis incapable de répondre à votre question. Cependant, j’ai lu dans un article que M. Bemba a dit un jour à Joseph Kabila que « c’est Dieu qui m’a donné la vie et Dieu seul pourra un jour me l’enlever »…
Qu’allez-vous faire au cas où Jean-Pierre Bemba était transféré au siège de la Cour pénale internationale à La Haye?
(Soupir). Vous savez, je suis une femme très croyante. Je crois en Dieu. Je ne pense pas que le Dieu que moi je prie pourra me faire ça en me laissant toute seule avec nos cinq enfants! Nous avons passé des moments très difficiles. D’abord, les cinq années durant lesquelles M. Bemba a passé dans le maquis. Ensuite, nous avons été attaqués à l’arme lourde une première fois en août 2006 pendant que M. Bemba recevait des ambassadeurs du CIAT. La deuxième attaque a eu lieu, comme je l’ai dit précédemment, en mars 2007. Ceux qui n’ont pas réussi à avoir notre peau au Congo, nous pourchassent jusqu’en Europe. Apparemment, « ces Messieurs » ne sont pas tranquilles, malgré qu’ils aient contraint M. Bemba à partir en exil. Ils manigancent encore pour qu’on puisse l’arrêter en Europe. Je ne pense pas que le Dieu que moi je prie va me laisser dans cette situation. Je sais qu’Il fera triompher la justice et la vérité.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi