Le Tout-Kinshasa-politico-diplomatique continue à ergoter sur certains passages de l’interview-publi-reportage que le « raïs », alias « autorité morale » du Front contre le Congo, pardon, le Front pour le Congo (FCC), a réalisé le samedi 1er décembre avec à la connivence de « Mama Colette » du « Soir », surnommée jadis « veuve Kabila » pour son zèle à encenser et à défendre le successeur de Mzee. Les « nostalgiques » de la IIème République, eux, se disent agréablement surpris d’entendre le président hors mandat « plaider » la cause du maréchal Seseskul pour se sortir des questions embarrassantes sur son enrichissement. Depuis son arrivée aux affaires le 26 janvier 2001, le « raïs » aimait volontiers « zapper » les années Seseskul. Au grand dam des « Kongomani » de souche qui veulent se réconcilier avec l’Histoire de leur pays. Mende Lambert, l’homme du « massacre des étudiants du campus de Lubumbashi », avait déjà « absous » le Maréchal en 2016. Il est vrai que le but était de tirer le « raïs » du pétrin lors de l’affaire du charnier de Maluku.
Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien, le « raïs » que l’humanité toute entière suspecte d’avoir bâti une fortune estimée à vingt milliards de dollars yankee a été interrogé notamment sur sa fortune qui serait planquée quelque part.
D’après l’ami, la première question portait sur les « mensonges » qui se racontent au sujet des ponctions que le « raïs » hors mandat et ses compères – on imagine, Dan Gertler et Albert Yuma Mulumbi – opéreraient sur le patrimoine de la Gécamines. Embarrassé par cette question inattendue, dit mon ami, l’autorité morale du FCC a préféré « botter en touche » en donnant une réponse toute aussi inattendue: « Souvenez-vous du président Mobutu: on disait que sa fortune dépassait les 14 milliards de dollars…Peut-être étaient-ils dans les banques suisses? Lorsque la Présidente de la Confédération helvétique est venue ici, elle nous a dit que, sur les comptes, il n’y avait que 3 ou 4 millions de dollars… »
Contre toute attente « Mama Colette » est revenue à la charge en remuant son stylo dans la plaie déjà béante. Nouvelle question: Aujourd’hui, on dit que, vous-même, vous êtes plus riche que Mobutu… Réponse: « Vous croyez vraiment qu’un homme plus riche que le maréchal peut travailler dans un bureau pareil? Je n’ai pas le temps de répondre à ce qui fait partie de la désinformation. Des ‘fake news’. Ces histoires émanent d’officines basées à Paris, Bruxelles, New York… »
Mon ami d’exulter: « Le maréchal Seseskul a dû s’esclaffer dans sa tombe ». Pourquoi, lui ai-je rétorqué? « Mama Colette fait justement partie de ceux qui racontaient que la fortune du Grand Léopard était égale à la dette du Zaïre… »
Mon ami qui sait décidément tout sur tout de murmurer dans mon oreille une série d’affaires dans laquelle le « raïs » et sa fratrie seraient mêlés: « En 2004, le raïs avait détourné une somme de 80 millions de dollars américains du compte de la Miba à la Belgolaise pour des prétendus achats d’armes dans un pays d’Europe de l’Est ». A l’époque, précise-t-il, Okoto Jean-Charles était le président administrateur délégué de la Minière de Bakwanga.
PANAMA PAPERS, AGENCE BLOOMBERG
Après avoir parlé de Panama Papers, cette révélation faite par des journalistes européens sur notamment les comptes ouverts par « Dada », alias la vénérable Jaynet « Kabila », dans des paradis fiscaux sous le nom de sa société « Keratsu holding Limited » – avec la complicité de Kalume Feruzi Nyembwe, fils Kazadi Nyembwe -, mon ami qui sait franchement tout sur tout de citer le rapport publié le 15 décembre 2016 par l’agence « Bloomberg » sur les 70 entreprises que posséderaient le « rais » hors mandat en partenariat non seulement avec sa fratrie mais aussi « Mama Olive » et leurs deux enfants.
D’après l’ami, le « raïs » et sa famille ont bâti un véritable « empire » qui comprend tous les secteurs imaginables: agriculture, distribution de carburant, banque, boîtes de nuit, travaux publics, hôtellerie, etc. « Pour l’agence Bloomberg, cette fortune semble expliquer la volonté du raïs de s’accrocher au pouvoir », me dit l’ami qui évoque en passant les 14 milliards de dollars planqués dans les paradis fiscaux. « C’est le journaliste Richard Miniter de Forbes qui l’avait révélé le 30 juin 2014 ».
Au moment où je m’apprêtais à le quitter, l’ami me lance: « Qui t’a dit que j’ai fini mon énumération? » Je lui dis: j’écoute! « As-tu déjà entendu parler d’Emmanuel Adrupiako, le directeur financier du raïs? », me demande-t-il. Devant mon hésitation, il dit: « Adrupiako a acheté en 2014 et 2015 plusieurs appartements de luxe au Québec. Montant: plus de deux millions de dollars ». Selon l’ami, cet argent provenait du compte de la société Semlex à Dubaï, le fameux imprimeur des passeports biométriques congolais.
Mon ami qui sait finalement tout sur tout de se rappeler que le « raïs » et son « prête-nom » Dan Gertler ont acquis en mai 2010 des droits d’exploitation de gisements pétroliers Blocs I et II Graben en se dissimulant derrière les sociétés Offshore Caprikat et Foxwhelp Ltd.
Et Mende Lambert dans cette histoire? lui ai-je demandé. L’ami prit aussitôt un air triste avant de murmurer ces mots: « En mai 1990, ‘Mama Colette’ avait lancé la fameuse affaire dite du massacre des étudiants de l’UNILU. Louis Koyagialo, alors gouverneur du Shaba-Katanga avait été arrêté et condamné à mort. Après sa libération, Koya a rejoint les « libérateurs » de l’AFDL et par la suite le PPRD. Elu gouverneur de l’Equateur, Koyagialo est mort en décembre 2016 au moment où le raïs était accusé par des experts onusiens d’avoir fait ensevelir des corps des victimes des manifestations de janvier 2015 dans un charnier à Maluku ».
L’ami d’asséner enfin: « Pour sauver le raïs, l’ex-opposant anti-mobutiste Mende Lambert qui alimentait la presse belge en ‘révélations’ sur cette ‘tuerie massive’ a déclaré avec son aplomb légendaire que ce charnier n’était qu’un montage, une manipulation des ONG au même titre que le massacre des étudiants de Lubumbashi ». L’ami de conclure : « Je suis atterré par la légèreté d’ekumanyi Lambert. Que des vies broyées par cette affaire! »
Au moment de nous quitter, mon ami qui est réputé tant pour sa mauvaise foi que pour son pédantisme me dit que le « raïs » et « Lambert » ont fini par « réhabiliter » le maréchal Seseskul, alias le « Grand Léopard ». Il lance une citation d’un de ses philosophes préférés. Il s’agit du regretté Jean-François Revel: « Le premier de toutes les forces qui mènent le monde est le mensonge ».
Par Jean-Robert Yuka ea Djema