Quand « Kabila » faisait espionner ses adversaires par des vétérans du Mossad

Décidé à conserver le pouvoir pour le pouvoir en dépit de la perspective de la fin de son second et dernier mandat le 19 décembre 2016, « Joseph Kabila » a engagé, dès fin 2015, des ex-« Katsa » (agent d’opération du Mossad). Mission: espionner les opposants. Nom de l’opération: « Coltan ».

C’est dans le cadre de son émission d’investigation « UVDA » que la télévision commerciale israélienne « Channel 12 » a révélé l’information selon laquelle « Joseph Kabila », alors chef d’Etat congolais en exercice, avait recruté, via l’entreprise de renseignements « Black Cube » une dizaine de vétérans du redoutable service de renseignements de l’Etat hébreux (Mossad). Mission: « espionner ses opposants et les traîtres ».

Outre les adversaires politiques qui l’empêchaient de dormir, « Kabila » avait également ciblé des organisations non gouvernementales qui ont la « manie » de traquer les opérations financières mafieuses de sa fratrie autant que les violations des droits humains. C’est le cas notamment de Global Witness et de Human Right Watch. Dieu seul sait, les tracasseries subies par l’Américaine Ida Sawyer.

Les révélations de « Channel 12 » ont été relayées dimanche 9 juin par Radio France Internationale (RFI). D’après les confidences d’un ancien employé, on apprend que le patron de Black Cube, un certain Dan Zorella, a pu rencontrer « Kabila » à plusieurs reprises à Kinshasa. « Kabila voulait tout savoir sur ce qui se passait lors de réunions de l’opposition. Qui participe et qui s’attaque au Président. Il voulait savoir s’il y a des proches qui le trahissent. Qui étaient les traîtres ».

Selon ce média, ces barbouzes à la retraite avaient établi leur « QG » dans un « grand hôtel » de la capitale.

La secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC) a réagi sur RFI en qualifiant les actions dénoncées de « choquantes » et « scandaleuses ». Eve Bazaïba ne comprend pas que « Kabila »ait pu affecter l’argent public au service de l’espionnage de ses adversaires en lieu et place de surveiller les menaces réelles qui planent sur l’intégrité du territoire national et la sécurité des personnes et des biens.

La « rébellion » du M23

CONTEXTE

« Réélu » dans les conditions chaotiques que l’on sait lors de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011 face à Etienne Tshisekedi, le successeur de Mzee était conscient qu’il exerçait un mandat illégitime. La cérémonie d’investiture fut boudée par la « communauté internationale ». Un seul chef d’Etat était présent. Il s’agit du satrape zimbabwéen Robert Gabriel Mugabe. Celui qui sera renversé le 15 novembre 2017.

En mai 2012, le Congo-Kinshasa est secoué par la « rébellion » du M23 composée de combattants issus du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda. « Kabila » met plus d’un mois avant de réunir quelques journalistes triés sur le volet pour donner sa « lecture de la situation ». L’homme affichait une désinvolture pour le moins déconcertante. En fait, cette pseudo-mutinerie l’arrange bien pour détourner l’attention de la population.

Les « rebelles » du M23, eux, exigent le respect de l’Accord de paix conclu à Goma entre le gouvernement de Kinshasa et l’ex-CNDP. En un mot, il s’agit de reconnaître les grades aux anciens combattants et intégrés les « cadres » de cette nébuleuse organisation dans les institutions tant provinciales que nationales.

En septembre 2013, « Kabila » organise les fameuses « Concertations nationales ». L’objectif non-avoué est double. Primo: faire réviser la Constitution en instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel indirect. Secundo: intégrer des opposants dans le gouvernement. Il semble qu’un adversaire qui a la bouche pleine ne parle plus. Le premier objectif ayant échoué, « Kabila » mettra plus d’une année pour ouvrir son gouvernement.

Dès 2014, les kabilistes purs et durs ne faisaient plus mystère de la volonté de l’initiateur du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) de briguer un troisième mandat interdit par l’article 70 de la Constitution. Dans le cadre de l’émission « Grande édition » de la télévision pro-kabiliste « Télé 50 », Aubin Minaku, alors président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la majorité présidentielle, de lâcher: « Nous allons tout faire pour conserver le pouvoir selon le standard universellement admis sur le plan démocratique ». C’était en novembre 2014.

En janvier 2015, des manifestations populaires sont organisées les 19, 20, 21 et 22 janvier à Kin. Les protestataires s’opposent au tripatouillage non seulement de la Constitution mais aussi de la loi électorale. Ces « démonstrations » sont réprimées violemment. Plusieurs opposants sont arrêtés. C’est le cas notamment de Jean-Claude Muyambo Kyassa, président du parti « Scode ». L’homme fut le premier kabiliste à claquer la porte de la mouvance kabiliste.

ET VOICI LE G7!

Naissance du « G7 »

En 2015, le chef de l’Etat d’alors entretient un flou artistique sur ses intentions. Aucune disposition n’est prise pour préparer les élections prévues en septembre 2016.

Mi-septembre 2015, on assiste à la naissance du « G7 » qui regroupe des anciens « kabilistes ». C’est le cas notamment de: Dany Banza (député national), José Endundo (ancien ministre de l’Environnement), Olivier Kamitatu (ancien ministre du Plan), Gabriel Kyungu wa Kumwanza (président de l’assemblée provinciale du Katanga), Pierre Lumbi (conseiller spécial de « Kabila » en matière de Sécurité), Christophe Lutundula Apala (2ème vice-président de l’Assemblée nationale) et Charles Mwando Nsimba (1er vice-président de l’Assemblée nationale). La « Kabilie » est ébranlée.

Au cours du même mois de septembre, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, décide à son tour de déposer le tablier et de reprendre sa liberté. Un nouveau coup dur pour un « Joseph Kabila » qui fait mine de banaliser ces défections.

Coïncidence ou pas, c’est à la fin de l’année 2015 que le futur ex-raïs a décidé de faire appel à l’ « expertise » de « Black Cube ». Combien ça a pu coûter? Mystère. On imagine que des informateurs furent engagés pour observer les attitudes et les allées et venues des kabilistes en rupture de ban. On imagine également que les opposants les plus « fragiles » furent soudoyés en argent ou « en nature ». Les services de renseignements occidentaux et russes prennent généralement le temps d’identifier les « faiblesses » (alcool, sexe, argent) de leurs cibles. En janvier 2018, le « G7 » est devenu « G6 » après le départ de Dany Banza. Ceci explique-t-il cela?

PARJURE ET BANDITISME D’ÉTAT

Dans un pays normal, l’ancien président « Kabila » devrait être poursuivi par la Cour constitutionnelle pour « haute trahison ». L’homme a trahi son serment. Il avait juré notamment de « remplir loyalement et en fidèle serviteur peuple, les hautes fonctions qui me sont confiées ». Il avait juré également de ne se « laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne ».

L’acte posé par « Kabila » constitue un bel examen de « banditisme d’Etat ». L’homme considérait et continue à considérer l’Etat congolais comme un « bien ». Le bien d’un « clan ». Les opposants à ce dogme passaient pour les « ennemis de la paix » voire des « agents subversifs ». Et ce en dépit du fait que le pluralisme politique est reconnu au Congo-Kinshasa (article 6 de la Constitution) et que l’opposition politique est reconnue (article 8).

On espère que les sbires de « Black Cube » n’avait pas reçu mission de procéder à des éliminations physiques. On rappelle que le 12 décembre 2016 mourrait Charles Mwando Nsimba, le tout premier président en exercice du G7. Il était âgé de 80 ans.

Onze mois auparavant, Charles Mwando pensait que les Congolais iraient aux urnes 90 jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice (19 décembre 2016) comme le prévoit la Charte fondamentale. « (…), le G7, est une plateforme résolument engagée dans la défense de la Constitution et dans la lutte pour l’alternance démocratique par l’organisation des élections libres, pluralistes, transparentes et crédibles dans les délais constitutionnels (…)« , déclarait-lors d’un point de presse tenu à Kinshasa le 14 janvier 2016.

Une question turlupine les esprits: quel rôle a pu jouer  l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, proche parmi les proches de l’ancien président « Kabila », dans l’engagement de ces barbouzes?

 

Baudouin Amba Wetshi

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