Le 30 décembre 2018, les Congolais sont allés nombreux aux urnes pour changer leur destin en disant adieu au « système Kabila ». A Kinshasa, des observateurs ont noté un « rare engouement » en dépit d’une pluie diluvienne qui s’est abattue ce jour-là sur la capitale. Le message était clair: tourner la page d’un système mafieux et dénué d’humanité.
Dans le secret des urnes. le prétendument « candidat favori » de l’élection présidentielle, le « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary a subi un échec catastrophique. « La bérézina », diraient les Français. Ici aussi, le message était clair: les Congolais ne veulent plus de « Kabila » et des « kabilistes ».
C’est avec stupeur que l’opinion tant nationale qu’internationale apprendra, le jeudi 10 janvier, que le même corps électoral qui avait tourné le dos au « raïs » à travers son dauphin ait changé d’avis en accordant la majorité des sièges au Parlement ainsi qu’aux assemblées provinciales aux partisans du même « raïs ». Les Congolais ont-ils chassé « Kabila » pour garder les « Kabilistes »? Une telle absurdité ne peut s’expliquer que par des fraudes massives.
Depuis l’investiture de Félix Tshisekedi Tshilombo à la tête du pays, le « clan kabiliste » revendique « naturellement » le poste de Premier ministre. Pour l’ancien Président et ses affidés, les « choses paraissent claires »: le prochain chef du gouvernement « doit » être issu de la « majorité parlementaire ». La majorité parlementaire se décrète-telle? Peut-on la présumer?
Qui a peur de la désignation d’un « informateur » devant aller « constater » l’existence de cette majorité parlementaire au sein de la Représentation nationale?
Dimanche 24 février, « Kabila » qui semble vivre mal son statut d’ancien Président a réuni dans sa ferme de Kingakati, les « 343 » députés nationaux appartenant à sa mouvance. Histoire de montrer à la face du monde qu’il reste le véritable maître du jeu.
Sans rire, le très douteux successeur de Mzee a demandé à ses partisans élus – nommés? – de poursuivre la « défense de la souveraineté du pays ». Amnésique, l’homme a oublié qu’il est lui-même un pur produit des interférences étrangères.
Les Congolais n’ont pas oublié le diktat de l’Union européenne pour amener les députés du régime de transition « 1+4 » à accélérer l’adoption de certains textes légaux en vue de l’organisation de la présidentielle de 2006. Le président-candidat passait pour le « chouchou ». C’est cet élément qui déclencha la ruée ayant abouti à la naissance de l’Alliance pour la majorité présidentielle, devenue plus tard « majorité présidentielle ».
Les Congolais n’ont pas non plus oublié les propos comminatoires du chef de la diplomatie belge d’alors, le Belge Louis Michel, qui avait « interdit » – le mot n’est pas trop fort – aux compétiteurs de débattre sur le parcours personnel de « Kabila ». Tout comportement contraire allait être qualifié de « congolité » voire de la « xénophobie ». Un aveu implicite que la citoyenneté congolaise du candidat-président était sujet à caution.
Les Congolais n’ont pas oublié, enfin, que les élections de 2006 ont été financées à près de 90% par la « communauté internationale ». Où se terrait « Kabila » et ses « nationalistes-souverainistes » autoproclamés?
Comble d’ironie, lors de la rencontre précitée, le maître de Kingakati a invité les membres de sa « majorité parlementaire » à défendre « le bien-être de la population ». Quelle vocation tardive?
En dix-huit années de pouvoir, le président sortant n’a laissé aucun souvenir impérissable en termes de réalisations destinées à améliorer la qualité de vie des Congolais. Indice de développement humain (IDH)? Le Congo-Kinshasa occupe la 176ème place sur 188. Produit intérieur brut (PIB) par habitant? A peine 466 USD. Un calcul rapide donne 1,3 dollar par jour. L’homme congolais continue à vivre en-dessous du seuil de pauvreté. Citoyenneté? Les Congolais n’ont pas de carte nationale d’identité pouvant les distinguer des étrangers. Lutte contre l’analphabétisme? En 2016, 18 millions d’adultes Congolais ne savaient ni lire ni écrire? L’espérance de vie? Les pompes funèbres sont devenues un des secteurs les plus rentables. La souveraineté? Les Congolais ne comptent plus le nombre d’incursions menées par les troupes venues du Burundi, de l’Ouganda et du Rwanda sur le territoire national. Sécurité des personnes et des biens? Les habitants des provinces du Kivu et de l’Ituri peuvent en témoigner. L’Etat est volontairement impuissant face aux bandes armées tant nationales qu’étrangères.
Ce lundi 25 février 2019, la population congolaise a commémoré le premier anniversaire de l’assassinat de l’activiste de la société civile Rossy Mukendi Tshimanga. Le 21 janvier de la même année, Thérèse Kapangala avait connu le même sort. Tous les deux ont été abattus dans l’enceinte d’une église.
Qui a ôté la vie à ses deux jeunes et tant d’autres qui manifestaient pacifiquement et demandaient à « Kabila » de respecter la Constitution. Quid des enquêtes ouvertes? Mystère! Leur sang continue et continuera à crier justice au ciel!
Le 30 décembre 2018, les Congolais ont envoyé à « Kabila » et ses oligarques un message clair: « nous ne voulons plus vous voir gouverner le pays ». Les citoyens du Congo-Kinshasa en ont assez d’être pris, par l’ancien Président et ses ex-oligarques, pour de la « gnognotte ».
Baudouin Amba Wetshi