Près de quarante-huit heures après la nomination du nouveau Premier ministre, le tout premier de l’Union Sacrée de la Nation (USN), les réactions s’enchainent. D’aucuns considèrent que le président de la République a fait « un bon choix ». D’autres, plus réservés, redoutent que l’on assiste à une « subordination » du chef du gouvernement par rapport au chef de l’Etat. Ce dernier est suspecté de ne pas résister à la tentation d’instaurer un « style présidentiel ». Procès d’intention? L’avenir le dira.
La nomination de Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge (JMSLK) au poste de Premier ministre est accueillie avec une certaine satisfaction. Pour les uns, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a fait « un choix stratégique » de nature à « rassurer les natifs du Katanga ». Le nouveau « Premier » disposerait, à titre personnel, d’un « atout ». Celui de ne pas figurer dans le « grand cercle » des « professionnels de la politique ». L’homme est perçu, à tort ou à raison, comme un « technocrate ». Pour d’autres, Sama Lukonde est un chef de gouvernement sans pouvoir.
Depuis sa nomination, le nouveau « Premier » est suivi. Scruté. Ses propos sont décryptés. Analysés. Après son tête à tête, lundi 15 février, avec le chef de l’Etat, le successeur de Sylvestre Ilunga, qui bénéficie encore d’un « état de grâce », a laissé entendre qu’ils ont évoqué des réformes à mener notamment « au niveau de la loi électorale ». Bien entendu sous le « contrôle bienveillant » du Parlement.
Cette déclaration a manifestement fait bondir Georges Kapiamba de l’ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la Justice) de sa chaise. Pour cet activiste de la société civile, les réformes touchant aux matières électorales ne dépendent pas du Premier ministre. Selon lui, un « consensus » doit se dégager « des discussions entre toutes les forces politiques ». D’après lui, le gouvernement devrait organiser une « large concertation ».
Intervenant sur les ondes de Radio France Internationale, le Fcc Patrick Bekonda – qui s’assume déjà en tant que membre de l’opposition – dit espérer que le chef du gouvernement assumera « la plénitude de ses prérogatives ». Une manière de dire que l’opposition y veillera.
Les deux premiers alinéas de l’article 91 de la Constitution stipule: « Le gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le gouvernement conduit la politique de la nation ». « Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147 », indique le cinquième alinéa.
En français facile, cette disposition fait du Président congolais un homme « politiquement irresponsable ». En dehors de ses pouvoirs propres – dont la nomination du Premier ministre – qu’il exerce personnellement, tous ses actes doivent être contresignés par le Premier ministre ou un ministre sectoriel.
Des observateurs redoutent que l’on assiste à une « subordination » du nouveau « Premier ». Au motif que ce dernier doit son ascension à la seule volonté du premier magistrat du pays. Les mêmes observateurs n’excluent pas que la défense, la sécurité et les affaires étrangères cessent d’être des « domaines de collaboration » entre le Président de la République et le gouvernement (article 91-3). Sama Lukonde, un bénit oui oui? C’est à voir!
Dans un communiqué daté du 16 février 2021, la « VSV » exhorte le successeur de Sylvestre Ilunga Ilunkamba à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire afin de permettre à celui-ci de mettre fin au « régime des intouchables ». Pour cette association de défense des droits humains, le futur gouvernement devrait aller droit au but en posant des « actions concrètes » en vue du « rétablissement effectif de l’autorité de l’Etat » tant dans le « Grand Katanga » – où il y a eu des pertes en vies humaines à Lubumbashi – que dans les provinces du Kivu et de l’Ituri
La VSV d’appeler l’attention du Premier ministre sur le fait que « plusieurs familles congolaises passent des journées entières » sans pouvoir satisfaire leurs « besoins sociaux élémentaires notamment l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à une bonne alimentation, aux soins de santé de qualité ». Une question taraude les esprits: Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge et son gouvernement auront-ils assez de temps et de moyens pour restaurer l’espoir?
Baudouin Amba Wetshi