Après le médecin Donat Mupapa Kibadi dont l’ambition tourne autour de « la renaissance du Grand Congo », la diaspora congolaise de France compte un second postulant à la prochaine élection présidentielle. Le dépôt de candidature devrait commencer le mercredi 25 juillet. Dans son édition n°3.000 datée 8 au 14 juillet, l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » publie un « communiqué » intitulé « La vision de Francis Mvemba pour la République démocratique du Congo » (voir pages 34-35). Le texte est agrémenté d’une photo du Congolais Francis Mvemba, candidat à l’élection présidentielle fixée au 23 décembre prochain. Sourcil froncé, l’homme dont la notoriété reste à faire décline un « programme » aux allures de catalogue de bonnes intentions. Rien de nouveau.
« (…): Moi, Francis Mvemba, je suis candidat à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo pour qu’ensemble nous rebâtissions, pierre par pierre, une Nation unie, forte et prospère », peut-on lire dans un encadré qui se termine par ces mots: « Notre devise: Mupepe Yasika, Maboko pembe et Tobanga Nzambe… Un nouveau vent, Les mains propres, La crainte de Dieu ».
Après lecture de cette « communication politique », le futur électeur ne manquera de chercher la raison qui devrait l’inciter à donner sa voix à ce candidat peu disert sur lui-même. En tous cas, des questions essentielles restent sans réponses.
Qui est Francis Mvuemba? Le futur candidat à la Présidence de la République ne dit pas un mot. A travers son patronyme, on est enclin de subodorer qu’il est originaire de la province du Kongo Central. Où est-il né? Quel âge a-t-il? Quel est son état civil? Marié? Célibataire? Veuf? Quel est son parcours professionnel? Ici aussi, on n’apprend pas grand-chose. Sauf que l’intéressé se décrit comme un « chef d’entreprise averti ». Dans quel secteur? Mystère!
Est-il membre d’un parti politique ou d’un regroupement politique? Où pourrait-on le situer sur le plan idéologique? Peut-on se lancer dans la course à l’élection présidentielle dans ce sous-continent qu’est le Congo-Kinshasa sans bénéficier du concours d’une organisation politique ayant des ramifications à travers le territoire national?
S’il est vrai que le scrutin présidentiel est considéré comme « un rendez-vous entre un homme et un peuple », il n’en demeure pas moins vrai que notre candidat donne l’étrange impression d’un « homme seul ». Un homme sans équipe. Ni entourage.
DÉMAGOGIE? NAÏVETÉ?
Francis Mvemba est plus loquace en ce qui concerne son programme d’action. Quelles seront ses priorités? La restauration de « la paix » vient en tête. Selon lui, celle-ci passe par la mise sur pied d’une « armée disciplinée professionnelle et très bien équipée ». Il annonce ensuite, la nomination d’une femme au poste de Premier ministre. « Chose qui n’a jamais été faite, ni réalisée depuis la proclamation de l’indépendance en 1960 », souligne-t-il. Et d’ajouter qu’il entend « encourager l’accession des femmes dans tous les leviers de gestion du pouvoir politique dans notre pays ».
Les autres mesures sont: redonner espoir à la jeunesse; mettre en place « un enseignement gratuit, dès la maternelle jusqu’aux humanités ». Combien ça coûte? Quid du financement? L’objectif, dit-il, est d’éradiquer l’analphabétisme. « Celui qui excellera dans ses études aura, de facto, une bourses d’études octroyée par l’Etat dans son programme de dynamisation de l’enseignement », assure le candidat qui promet des « centres de formations qualifiantes et diplômantes » grâce au concours « de nos partenaires qui sont prêts à nous accompagner dans ce chantier ambitieux mais réalisable ».
La lutte contre le chômage fait également partie des « priorités ». « En chef d’entreprise averti, je ferai de l’emploi non seulement l’une de mes priorités mais une obligation de résultat, en mettant en place un revenu moyen acceptable, un salaire interprofessionnel garanti (…)« ?
Qui dit emploi pense aux investisseurs. Mvemba voudrait « créer un climat des affaires qui rassurera les investisseurs, à la recherche de garanties pour mener à bien leurs projets ». Selon lui, « 600.000 emplois peuvent être créés dans un court délai ». Il table à « moyen terme sur au moins 1,5 million d’emplois ». Démagogie? Naïveté?
LA FONCTION PRÉSIDENTIELLE SACRALISÉE
C’est la seconde fois que Francis Mvemba fait une « sortie » dans les médias. Il avait réservé la primeur de l’annonce de sa candidature en juin dernier à un organe de presse russe basé en France. Il s’agit de « Sputnik ». Un choix pour le moins étrange de la part d’un prétendant à l’élection présidentielle non pas en Russie de Vladimir Putine mais au Congo-Kinshasa. Est-ce une indication de sa personnalité au plan idéologique? Une chose paraît sûre: le Congolais salue la « coopération militaire » en gestation entre Kinshasa et Moscou…
Dans l’interview accordée à ce média russe, Mvemba dit incarner « la jeunesse et le changement ». Erreur. Le candidat semble ignorer que la vie politique au Congo-Zaïre a suffisamment démontré au cours des trois dernières décennies que les « conservateurs » ou adeptes de l’immobilisme sont légion aussi bien parmi les « jeunes » que les « moins jeunes ».
Mvemba a été mal inspiré de penser que le réformisme serait l’apanage d’une prétendue « jeunesse ». Le vrai débat aujourd’hui est ailleurs.
Ce débat devrait tourner autour de la conception que l’homme congolais a du pouvoir d’Etat? Est-ce un privilège? Est-ce une charge, mieux un service à rendre à la collectivité? Que faire pour institutionnaliser l’Etat et barrer la route aux « hommes forts »? Que faire pour éradiquer la pauvreté dans un pays où moins de 20% de la population a accès à l’eau et à l’électricité?
Bien que l’ambition est légitime, on ne pourrait s’empêcher de conclure que la fonction présidentielle a été désacralisée depuis l’avènement de l’OVNI politique qu’est « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat congolais. « Chef d’entreprise averti », Francis Mvemba voudrait tenter sa chance. Pourquoi pas?
Baudouin Amba Wetshi