Décidé à briguer un troisième mandat au mépris des articles 70-1 et 220 de la Constitution qui le frappent d’inéligibilité, « Joseph Kabila » a engagé le pari risqué de passer outre. Après avoir fait appel à quelques juristes inciviques pour jouer les « éclaireurs », le Président hors mandat a tombé le masque en faisant placarder ses portraits géants sur des artères de la capitale. Le slogan se passe de tout commentaire: « Notre candidat, Joseph Kabila ». L’histoire ne dit pas si le corps électoral est de cet avis. Porte-parole de la mouvance kabiliste, André-Alain Atundu Liongo minimise ce phénomène. Cadre du PPRD, Tunda ya Kasende, avocat de son état, n’exclut pas l’idée d’un référendum.
Les Congolais de l’étranger comme ceux qui vivent au pays ont encore frais en mémoire l’interview accordée à TV5 Monde par le ministre de la Communication, Lambert Mende. C’était le 9 mars 2014. Interrogé par les journalistes Philippe Saint et Sophie Malibeau sur la volonté de « Joseph Kabila » de quitter le pouvoir à l’expiration de son dernier mandat, la réponse de Mende tombera comme un couperet: « Le 19 décembre 2016, il y aura une passation civilisée du pouvoir entre un Président sortant et un Président entrant ». Dix-sept mois après l’expiration de ce délai, le « sortant » est toujours là. Pire, il multiplie des stratagèmes pour s’accrocher au pouvoir.
Trente-huit mois après le ministre Mende, l’ex-mobutiste André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la mouvance kabiliste dite « majorité présidentielle », a tenté, jeudi 24 mai, de resservir le même « plat » à une opinion congolaise fatiguée par les manœuvres dilatoires des oligarques en place.
Atundu qui prend décidément les ex-Zaïrois pour des nigauds clame, sans rire, que « Kabila » entend observer la Constitution « comme il l’a dit devant le Congrès, de respecter toutes les dispositions de la Constitution ». Et d’ajouter avec une pointe de malice que la majorité n’aurait fait « aucune déclaration » de nature à remettre en cause cette déclaration de foi de « Kabila ». Par « toutes les dispositions de la Constitution », les kabilistes lorgnent sur l’article 5 de la Charte fondamentale qui énonce notamment que la « souveraineté nationale appartient au peuple ».
Le tout Kinshasa politico-diplomatique ne cache pas une certaine stupéfaction de voir sur certaines artères des calicots du PPRD, le parti présidentiel, assortis du portrait géant de « Kabila » et un slogan à quatre mots univoques: « Notre candidat Joseph Kabila ». Sur une autre banderole, on voit le portrait de l’actuel ministre de l’Intérieur Henri Mova Sakanyi. Ici le slogan est belliqueux: « Likofi ya Kabila ». Traduction: « Le coup de poing de Kabila ».
Docteur en relations internationales, Mova est ce qu’on pourrait appeler un « intellectuel ». Peut-il ignorer la vérité à savoir que les articles 70 et 220 de la Constitution frappent « Kabila » d’inéligibilité? Peut-il également ignorer qu’agir autrement reviendrait à commettre le crime de haute trahison?
« IL N’Y A RIEN EN FACE »
Avant Mova, les Kinois ont vu le prestidigitateur « Kabila » sortir de son chapeau un certain Cyrus Mirindi, militant du PPRD et juriste de son état. Le 24 avril dernier, cet assistant à l’université de Kinshasa a animé un point de presse sur un thème fort polémique: « La possibilité du président Joseph Kabila pour un nouveau mandat au regard de la Constitution de 2006 telle que modifiée à ce jour ».
A en croire le sieur Mirindi, depuis son investiture en décembre 2006, le successeur de Mzee n’a accompli qu’un mandat. Au motif que la modification de l’article 71 de la Constitution en janvier 2011 a « remis le compteur à zéro ».
Pour Atundu, la démarche de Mirindi n’a aucun rapport avec la mouvance kabiliste. Le juriste s’est livré à un « effort de production intellectuelle ». Emmanuel Ramazani Shadari a déclaré que « Joseph Kabila » est président et il le restera? « Il a voulu émoustiller ses partisans », a dit un Atundu qui croit en ses propres contre-vérités.
Balayant involontairement d’un revers de main les sornettes débitées par son collègue Atundu, le juriste Tunda ya Kasende, cadre du PPRD, a eu ces mots: « (…), le peuple reste souverain face à cette question et qu’il a le dernier mot ». Le message est clair: « Kabila » n’exclut pas d’initier une « consultation populaire ».
« Kabila » joue au chat et à la souris avec les 80 millions de Congolais. Malgré un piteux échec au plan socio-économique, politique et sécuritaire, l’homme s’accroche au pouvoir. Pour lui, « il n’y a rien en face ». Ceux qui rêvent d’une « transition » sans lui sont prévenus: ils devraient enjamber son cadavre…
Baudouin Amba Wetshi