Contraint par la clameur publique et l’ampleur du scandale, le très influent Vidiye Tshimanga ne fait plus partie de « l’entourage officiel » du chef de l’Etat congolais. Il a démissionné, vendredi 16 septembre 2022, de ses fonctions de conseiller spécial chargé des « Questions stratégiques ». L’homme paie cher la rançon de la « voracité » mais aussi de la naïveté. Au commencement était un « juteux » contact avec des prétendus « investisseurs ». Et si les commanditaires du piège tendu au CS Tshimanga avaient, en réalité, pour cible le président Felix Tshisekedi Tshilombo?
Début septembre 2021, le « CS » Vidiye Tshimanga était de passage à Bruxelles. Au cours d’une interview accordée à des journalistes de la diaspora congolaise de Belgique dont l’auteur de ces lignes, l’homme arborait un sourire insaisissable à la question portant sur la « description » de son « job » de « conseiller chargé des Questions stratégiques ». Pour toute réponse, il dira qu’ « il ne rend compte de ses activités qu’au seul chef de l’Etat qui lui confie des dossiers ».
A l’époque, des informations parcellaires laissaient entendre que sieur Tshimanga n’était plus en odeur de sainteté dans « l’entourage présidentiel » où certains fidèles parmi les fidèles de « Fatshi » se livreraient à une lutte féroce d’influence. L’intéressé de s’insurger: « Devrais-je publier des photos où l’on me voit avec le Président de la République? » Et d’ajouter qu’il « sera toujours à son poste tant qu’il n’y aura pas d’ordonnance mettant fin à ses fonctions ».
Coup de théâtre! Sans que le Président de la République ait signé une ordonnance contraire, Vidiye Tshimanga a démissionné de ses fonctions. Dans une missive, datée du 16 septembre 2022, adressée au chef de l’Etat, il invoque deux raisons. D’abord le « scandale suscité par l’article orienté », selon lui, du Quotidien suisse « Le Temps ». Ensuite, la nécessité de « faire la lumière sur les commanditaires de ce montage » qu’il qualifie de « grossier » arguant, au passage, qu’il détiendrait un « enregistrement qui prouverait que ses propos ont été sortis de leur contexte ». De quoi s’agit-il?
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
L’histoire pourrait se résumer comme suit: l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting) est spécialisé dans la lutte contre la corruption. Cette organisation non gouvernementale a obtenu l’enregistrement vidéo des entretiens entre Vidiye Tshimanga et un « couple » prétendant représenter un conglomérat basé à Hong Kong.
Le premier entretien a lieu par visioconférence. C’est à cette occasion que Tshimanga se mettra à vanter sa « proximité » avec le premier magistrat du pays. Au lieu de s’arrêter là, il a proposé à ses mystérieux interlocuteurs de s’associer avec son entreprise « Cobamin ». Le deuxième rendez-vous a eu lieu en présentiel à Londres dans le cadre très huppé du restaurant « Hide » au numéro 85, Piccadilly. Tous les frais de voyage et de séjour de Vidiye Tshimanga ont été pris en charge par lesdits « investisseurs ». En deux mots, ces derniers voulaient bénéficier des conditions de sécurité pour investir une somme de 200 millions de dollars. Le conseiller présidentiel leur promis « protection » ainsi que l’obtention des licences d’exploitation dans les délais les plus brefs. « Si nous faisons des affaires ensemble, je prendrai mon pourcentage de l’investissement (…) ». La phrase qui tue.
Avant de publier ces « révélations » en collaboration avec le Quotidien suisse « Le Temps » – un journal de tendance libérale et humaniste -, un rendez-vous fut pris avec Tshimanga. Lieu: un hôtel parisien. Il s’agissait sans doute de donner au conseiller présidentiel l’opportunité de faire valoir son droit de défense. « Durant nos échanges, Vidiye Tshimanga n’a jamais remis en doute l’authenticité des vidéos ».
« OPERATION COMMANDO »
Pour une raison qui leur est propre, les commanditaires de cette « opération commando » ont ciblé le conseiller aux Questions stratégiques. Dieu seul sait ce qui les a poussés à contacter le CS Tshimanga qui a été, par ailleurs, filmé à son insu. Ce qui n’excuse nullement la naïveté ce cadre de la Présidence. Bien que déloyale et contraire à l’éthique, cette méthode qui rappelle la célèbre émission « Caméra cachée » est prisée par les lanceurs d’alerte et autres ONG qui traquent la corruption. Ceux-ci invoquent, à l’appui de leur démarche, « l’intérêt public ». Autrement dit, l’intérêt du public à connaitre la vérité.
Pour l’OCCRP et le quotidien « Le Temps », la publication des vidéos de la rencontre à Londres offre « un aperçu rare de la manière dont les transactions sont structurées au Congo. Victime de la malédiction des ressources, une grande partie des revenus a été siphonnée hors du pays pour se retrouver entre les mains d’une élite (…) ».
Le 12 septembre, le président Tshisekedi a reçu Amos Hochstein, porteur d’un message du président américain Joe Biden qui « lorgne » sur certaines ressources du Congo-Kinshasa. C’est le cas notamment du lithium et du cobalt. L’émissaire américain a laissé entendre que les investisseurs de son pays attendent de voir les résultats de la lutte effective contre la corruption.
ET SI LE CHEF DE L’ETAT ÉTAIT LA CIBLE PRINCIPALE?
Selon des analystes, l’Oncle Sam n’aurait pas digéré l’accord signé entre les autorités congolaises et le « très toxique » homme d’affaires israélien Dan Gertler. Celui-ci fait l’objet des sanctions américaines. « Ledit accord n’a jamais été publié », fulmine-t-on à Washington.
Trois questions restent sans réponses à cette « affaire Vidiye Tshimanga ». Primo: qui sont les commanditaires de cette « opération »? Secundo: qui sont les lanceurs d’alerte qui ont fait diffuser les vidéos? Enfin: Et si la cible principale de cette action était finalement le chef de l’Etat congolais?
Comme pour répondre à la dernière interrogation, le directeur de la Cellule de Communication présidentielle, Eric Nyindu Kibambe, a publié, vendredi 16 septembre, un communiqué rappelant que « la lutte contre la corruption est un des piliers de l’action » du président Felix Tshisekedi Tshilombo. Et ce depuis son accession à la tête du pays en janvier 2019. « Toute personne, y compris au sein du cabinet du Président de la République, dont le comportement avéré aura enfreint la loi, la déontologie de sa fonction ou le règlement d’ordre intérieur du cabinet présidentiel, subira la rigueur leurs effets », conclut-il sans citer Vidiye Tshimanga.
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Baudouin Amba Wetshi