Ami et ex-conseiller personnel du Président de la République, Fortunat Biselele, mieux connu sous le sobriquet de « Bifort », aurait été transmis, vendredi 19 janvier 2023, au parquet près la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe. L’histoire ne dit pas s’il sera transféré à Makala ou assigné à résidence dans l’attente du procès.
Que reproche-t-on à cet homme plutôt discret et effacé en dépit de son influence? Après une semaine d’audition sur procès-verbal, l’Agence nationale de renseignements (ANR) aurait qualifié les faits mis à la charge de « Bifort »: « intelligence avec une puissance étrangère » en l’occurrence le Rwanda. D’aucuns parlent « d’espionnage ». Notons que Biselele est pour le moment présumé innocent.
Le troisième alinéa de l’article 18 de la Constitution congolaise limite la garde à vue à 48 heures. On ne pourrait que saluer « l’esprit des lois » observé plus au moins par les Officiers de police judiciaire de l’ANR. Ceux-ci ont pour mission de: constater les infractions, rassembler les preuves et identifier le présumé délinquant. L’Etat de droit claironné par les gouvernants congolais est à ce prix. Il doit commencer par l’impartialité de l’Etat et surtout l’indépendance des autorités judiciaires.
Au moment où ces lignes sont écrites, nul ne sait si le Procureur près la Cour d’appel a eu la « main légère » en assignant Bifort à résidence ou la « main lourde » en ordonnant son transfert à Makala. Une infamie. Des informations parcellaires confirment que le désormais ex-conseiller personnel du chef de l’Etat a bel et bien arpenté, au milieu de la journée, les marches du Palais de justice sous bonne escorte.
Ancien cadre moyen du mouvement rebelle pro-rwandais du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), Biselele Fortunat n’était plus, semble-t-il, en odeur de sainteté à la Présidence de la République. Et ce en ce moment où le Congo-Kinshasa et le Rwanda sont quasiment « sur pied de guerre ». Il semble que le documentaire « Qui pour sauver la RDC », réalisé par le journaliste Alain Foka, a servi de goutte d’eau qui fit déborder le vase.
L’apparition de « Bifort » dans une des séquences a été plutôt mal accueillie au niveau de la très bouillante opinion congolaise. On voit l’intéressé évoquer ses multiples voyages auprès du potentat du Rwanda. Mission: inciter Kagame à prendre la main tendue de « Fatshi » dans une coopération du type « carnet d’adresse contre minerai ». Felix Tshisekedi aurait piqué une « colère homérique ». On apprenait que le domicile de Biselele aurait été perquisitionné. Les détracteurs de ce conseiller – qui n’avait pas que des amis – jurent qu’on y aurait trouvé un passeport rwandais. Une information qui n’est pas confirmée. Une certitude: Bifort vient rallonger la liste des ex-collaborateurs de Fatshi tombés en disgrâce.
Vital Kamerhe reçu par Felix Tshisekedi à la Présidence en juin 2022
Vital Kamerhe. Directeur du cabinet présidentiel, « VK » a été le premier à tomber dans la « trappe judiciaire ». C’était le 8 avril 2021. Il lui était reproché une « gestion opaque » du fameux « programme des 100 jours ». « Lavé » par la justice, l’ancien président de l’Assemblée nationale est toujours poursuivi par la clameur populaire: « Où sont passés plus de cinquante millions de dollars? ». En dépit des « casseroles » qu’il traîne derrière lui, « Vital » a gardé intact un certain charisme. D’aucuns n’excluent pas de le voir « Premier vizir » à la place du très débonnaire Jean-Michel Sama Lukonde.
L’ex-conseiller spécial en matière de Sécurité, François Beya Kasonga
François Beya. Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité, « Fantômas » est tombé dans la trappe des securocrates le 5 février 2022. La nouvelle fit l’effet d’un coup de tonnerre. Les enquêteurs de l’ANR ont gardé l’ex-patron de la DGM (Direction générale de Migration) durant plusieurs mois avant de le transférer à la prison de Makala. Ici aussi, les accusations sont graves dont « complot contre le chef de l’Etat ». Des observateurs d’estimer que la longue garde à vue serait motivée par l’incapacité des « OPJ » de l’ANR à réunir les éléments matériels. Depuis le mois de septembre dernier, Beya qui reste sous contrôle judiciaire a bénéficié d’une « évacuation sanitaire » en France. Des analystes dont l’auteur de ces lignes estiment que le président Felix Tshisekedi a été induit en erreur par les « services ».
Jean-Marc Kabund (en blanc)
Jean-Marc Kabund-a-Kabund. Président à titre intérimaire du parti présidentiel l’UDPS, Kabund est accusé d’outrage au chef de l’Etat, injures publiques et propagation de faux bruits. Le 9 juillet 2022, « Jean-Marc » a littéralement « pété les plombs ». Depuis six mois, l’ex-enfant terrible du parti chef à feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba attend toujours de passer devant son juge. Sa détention prolongée sans jugement est unanimement qualifiée d’arbitraire. Tout en admettant que Kabund a fait preuve d’irrévérence, les observateurs ont les yeux tournés vers le Président Felix Tshisekedi. De la prison où il se trouve, l’intéressé exige un « procès radiotélévisé ».
Après la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), le Rwanda de Paul Kagame s’est fait une clientèle dans le personnel politique congolais. Telle une pieuvre, le régime rwandais continue à étendre ses tentacules sur les plus naïfs d’entre nous. « Le cas Bifort n’est que la partie immergée de l’Iceberg, commente un chercheur en sciences politiques. Les dix-huit années du régime de Joseph Kabila a permis au régime de Kagame de recruter de nombreux agents dormants dans notre pays ».
A en croire cet interlocuteur, l’infiltration rwandaise ne concerne pas que l’armée, la police et les services de renseignements. Les institutions provinciales et nationales sont également concernées. « Une ‘dékagamisation’ s’avère urgente ». La moralité de l’histoire est là: Le Chef n’a pas d’amis.
Au moment de boucler ces lignes, on apprenait que l’ex-conseiller Biselele est mis sous mandat d’arrêt provisoire (MAP). Après « Bifort », à qui le tour?
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Baudouin Amba Wetshi
