« Majoritaire » dans les deux chambres du Parlement, la mouvance kabiliste Fcc/Pprd s’apprête à réunir les députés et les sénateurs en Congrès. Il n’y a rien à fouetter un chat. La démarche paraît conforme à l’article 119-2 de la Constitution.
Là où le bât blesse est que les « congressistes » auront à l’ordre du jour la « légitimation » de « l’état d’urgence de fait » (dixit Thambwe Mwamba) proclamé le 24 mars par le chef de l’Etat. Vous avez bien entendu, selon le président du sénat l’état d’urgence décrété par le président Felix Tshisekedi est entaché d’inconstitutionnalité.
Lors de ce Congrès, les parlementaires auront, selon lui, à « autoriser » à posteriori cette proclamation présidentielle. Cette session spéciale du Parlement sera également l’occasion de « légiférer » sur le concept « état d’urgence ».
Sans accuser expressément leur « allié » et néanmoins premier magistrat du pays d’avoir « violé intentionnellement » la Loi fondamentale, le président du sénat et sa collègue de l’Assemblée nationales se disent décidés à revenir « à l’ordre institutionnel ».
Les spectateurs et les internautes ont pourtant frais en mémoire la toute dernière réunion « interinstitutionnelle » présidée par « Felix » suivie de l’annonce de son « oracle« . « Masqués« , le Président de la République, les deux Présidents des chambres et le Premier ministre étaient là! Ils étaient en « concertation » conformément à l’article 85 de la Constitution.
Thambwe n’en démord pas: le 24 mars, le chef de l’Etat a proclamé un « état d’urgence de fait ». Ce qui justifie, selon lui, la tenue du Congrès envisagé.
Interrogé sur la date de démarrage de cette réunion, le président de la chambre haute du Parlement est resté flou. Ambigu. Il dit attendre que le gouvernement achève la désinfection du Palais du peuple. Vous avez dit état d’urgence?
La sortie médiatique de Thambwe Mwamba intervient au moment où se déroule l’instruction très médiatisée des cas de malversations présumées reprochées à Vital Kamerhe. Outre le directeur du cabinet présidentiel, plusieurs mandataires publics nommés sous la présidence de « Joseph Kabila » sont sous les verrous à la prison centrale de Makala.
Des observateurs avaient noté une certaine nervosité au sein du « clan kabiliste« . Ils s’attendaient à ce que le FCC/PPRD sorte du bois pour manifester le mal qu’il pense de l’embastillement du directeur général de Foner (Fond national d’entretien routier). Le Foner qui passe pour une de ces pompes à fric pour l’ex-président « Kabila« . Le DG de l’OVD (Office de voirie et drainage) se trouve également à Makala.
Dimanche 12 avril, un homme a créé l’événement. Son nom: Boniface Kabisa. Profession: professeur de criminologie. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, « Bony« , comme l’appellent ses amis et proches, accuse les « parlementaires » FCC/PPRD d’ourdir une conspiration dont la finalité serait la destitution du président Felix Tshisekedi.
A en croire le criminologue Kabisa, la grande majorité des « honorables » auraient des « dossiers judiciaires » pendants.
Kabisa est tout sauf un plaisantin. L’homme a fait partie de l’équipe des enquêteurs qui entouraient le l’ancien conseiller spécial chargé de la lutte contre la Corruption, le blanchiment et le terrorisme, Luzolo Bambi Lessa.
Quinze mois après la passation de pouvoir dite « pacifique » entre « Joseph Kabila » et Felix Tshisekedi Tshilombo, le fossé ne cesse de s’élargir entre ces coalisés assez particuliers. Des coalisés qui ont conclu un « mariage de raison » plus pour assouvir la soif du pouvoir pour le pouvoir que de faire triompher des valeurs partagées.
Près de trois semaines après la proclamation de « l’état d’urgence sanitaire » par le chef de l’Etat, le président du sénat assure que lui et sa collègue de l’Assemblée nationale ont été « surpris » par cette annonce « pas conforme » à l’article 119 de la Constitution qui indique dans son alinéa 2 que les deux chambres doivent se réunir pour « autoriser » la proclamation de l’Etat d’urgence.
Dans son élément vidéo, le criminologue Kabisa assure posséder non pas des informations mais des « renseignements » – autrement dit des informations analysées et recoupées – qui attestent que les parlementaires étiquetés FCC/PPRD préparent un « coup » contre Fatshi. L’opposant Franck Diongo estime que Thambwe « défie l’autorité du chef de l’Etat ».
A l’analyse, c’est le Congo-Kinshasa et les Congolais qui sont les grands perdants de ce petit jeu médiocre.
Qu’en dit le président Fatshi de cette énième bravade de la part de ses « alliés »? Des alliés qui ne ratent guère l’occasion de l’humilier en lui rappelant, par procuration, qu’il leur doit tout. Et que sans eux, il ne serait pas à la tête du pays. Va-t-il courber l’échine ou croiser le fer?
Baudouin Amba Wetshi