Les sénateurs zaïro-congolais ont assisté jeudi 30 avril à un spectacle consternant. On se croirait dans un spectacle de strip-tease. Interrogé, par écrit, par la sénatrice Bijou Goya Kitenge (AFDC et alliés, aile Nene Nkulu Ilunga), à rendre compte de l’attribution du marché relatif à la réfection de l’hémicycle du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba a littéralement « pété un plomb » face à cette parlementaire.
Trente années (24 avril 1990 – 24 avril 2020) après le lancement du processus de démocratisation au Congo-Zaïre, le constat est là: tout reste à faire au niveau des mentalités. Tout reste à faire pour que les citoyens de ce pays s’approprient les valeurs chères aux démocrates. Les vrais.
Quelles sont ces valeurs? Il s’agit notamment de l’obligation de rendre compte, la transparence, la tolérance, l’humilité. Sans omettre le respect de l’adversaire ou du contradicteur et la reconnaissance à l’autre des droits que l’on revendique pour soi-même. La liste est loin d’être exhaustive.
Trente années après l’ouverture politique lancée par le maréchal Mobutu Sese Seko, les gouvernants zaïro-congolais sont toujours méprisants et allergiques à la contradiction. Ils gèrent la chose publique dans une totale opacité. C’est à croire que celle-ci est un bien personnel. Malheur à quiconque ose demander des comptes à ceux qui sont censés gouverner et administrer le pays pour le bien de tous.
Président du Sénat depuis le 27 juillet 2019 sous le label de la mouvance kabiliste FCC/PPRD, Alexis Thambwe Mwamba s’est livré jeudi 30 avril à un véritable strip-tease devant des sénateurs abasourdis. Un comportement déroutant de la part d’un pseudo technocrate qui navigue dans le marigot politique depuis 1985.
STRIP-TEASE
Au risque de débiter des évidences, « to strip » est un mot anglais qui signifie: déshabiller. « To tease », lui, veut dire: taquiner. L’association de ces mots anglo-saxons donne ce qui suit: déshabillage progressif et savant. Généralement c’est une jeune fille qui se déshabille sur une musique langoureuse. Jeudi 30 avril, Alexis Thambwe a inversé les rôles. C’est lui qui jouait le « strip-teaseur » au détriment de la sénatrice Bijou Goya.
De quoi s’agit-il?
Lors de sa prise fonction en juillet 2019, ce successeur de Léon Kengo wa Dondo à la Présidence du bureau du Sénat avait annoncé son intention de « faire rafraîchir » l’hémicycle de la chambre haute du Parlement.
Mercredi 29 avril 2020, la sénatrice Bijou Goya Kitenge a adressée une lettre au Président du Sénat afin d’en savoir plus. « Dans le cas d’espèce, je doute fort que vous ayez opté pour la passation de marché de gré à gré étant donné que cette procédure est exceptionnelle et décriée de nos jours. En conséquence, je suis intimement convaincue que vous avez recouru en toute logique à l’appel d’offres pour la passation de ce marché », écrit-elle.
Jeudi 30 avril, Thambwe préside la séance plénière. Piqué sur le vif par les questions soulevées par la sénatrice (coût global des travaux, tableau de dépouillement des offres, justification de l’entreprise retenue etc.), le Speaker de la chambre fait baisser son « masque » avant d’interpeller son collègue qui est une épouse et mère de plusieurs enfants.
A la surprise générale, Thambwe que d’aucuns considéraient comme un homme racé, voire un gentleman, a dévoilé sa véritable face. Celle d’un « mufle ». Suivez le discours: « Vous m’avez demandé d’appuyer votre candidature au poste de questeur (…)« ; « Vous m’avez invité plusieurs fois chez vous pour prendre du champagne. J’ai décliné l’invitation poliment ». Thambwe a-t-il voulu dire que cette mère de famille était prête à coucher avec lui pour avoir ce poste? Il poursuit: « Vous m’avez dit que nous allons faire du fric si vous obtenez le poste de questeur ». « Je vous ai dit que je ne suis pas venu au Sénat pour faire de l’argent mais pour laisser mes empreintes… ». Etc.
UN « GOUJAT » A LA TÊTE DU SÉNAT?
« Alexis » ne s’est pas arrêté là. Il a poursuivi son travail de « déshabillage » en affirmant que la candidature de Bijou Goya Kitenge au poste de questeur aurait été recalée au niveau de la direction du FCC. Au double motif que la postulante était jugée incompétente et de moralité douteuse. L’injure suprême!
Des réactions indignées ont fusé dans la soirée. Globalement, les propos du président Thambwe sont perçus comme de l’opprobre jeté sur le Parlement. « Ce scandale répugnant jette l’opprobre sur Sénat, sur la République et notre nation, résume le député national André-Claudel Lubaya. Il déshonore l’homme et porte atteinte à la dignité de la femme. La République n’a plus de valeurs ni de repères. (…)« . Activiste de la société civile, Carbone Beni d’enchaîner par une formule imparable: « La chambre haute [du Parlement] est très basse ». D’autres réactions tombent comme un couperet: « Quelle arrogance de la part du Président du Sénat? » « Il n’a pas été élégant » etc.
On apprenait dans la soirée qu’une fois sa colère passée, Alexis Thambwe Mwamba s’est défendu d’avoir violé la législation en matière de passation de marchés publics. « Nous étions confrontés à deux contraintes », a-t-il souligné en citant la « durée » et le « financement » des travaux. En manquant du respect à une « Maman congolaise », le successeur de Kengo s’est comporté en véritable « goujat ». Le mal est fait.
De son siège, la sénatrice Bijou Goya Kitenge qui est affiliée à la mouvance kabiliste dite « Front commun du Congo » au même titre que l’actuel Speaker de la chambre haute n’a pu s’empêcher de crier à haute et intelligible voix: « Thambwe n’est pas digne d’être président du Sénat ». Un sentiment qui était partagé, jeudi soir, par plus d’un observateur…
Baudouin Amba Wetshi