Où est passé le révérend François-David Ekofo?

Dans un communiqué pour le moins sibyllin daté du mercredi 7 février, la « Présidence nationale de l’Eglise du Christ au Congo » (ECC), autrement dit l’Eglise protestante, lance un « avis de recherche ». Depuis le dimanche 4 février, l’ECC est « sans nouvelle » de « son » Pasteur François-David Ekofo. Un petit calcul mental montre que l’ECC a attendu plus de 72 heures avant de tirer la sonnette d’alarme. Pourquoi? Étrange. Autre étrangeté, le signataire dudit communiqué n’est pas identifié nommément. La signature est apposée par délégation: « Pour l’Eglise du Christ au Congo, La Présidence ». Pourquoi tant d’ambiguïtés et de prudence?

Dans son communiqué, l’ECC « prie » les autorités compétentes de diligenter une enquête et de la tenir informée sur la « situation » de ce religieux devenu célèbre grâce une seule homélie prononcée, sans texte, le 16 janvier dernier à l’occasion de la commémoration du 17è anniversaire de la disparition de Mzee Laurent-Désiré Kabila.

Dès dimanche 4 février, le tout-Kinshasa faisait état de la « disparition » de ce protestant à la carrure de boxeur poids lourds. Sur les réseaux sociaux, on pouvait lire: « Pasteur Ekofo de l’ECC a pris le chemin de l’exil depuis samedi 3 février suite aux menaces dont il fait l’objet depuis deux semaines ».

La même source de préciser que le prêtre se trouverait déjà aux Etats-Unis d’Amérique. La « Présidence de l’ECC » avait-elle été mise au parfum? La tentation est forte de répondre par l’affirmative. Avait-elle fait « quelques choses » pour défendre le courageux religieux? On peut en douter.

Mardi 6 février, les chroniqueurs congolais en ligne confirmaient l’information de ce départ. Le communiqué de l’ECC annonce un peu tard ce que l’opinion congolaise savait déjà.

La prudence de Sioux qui se dégage du communiqué précité pousse à créditer les allégations selon lesquelles le Pasteur Ekofo s’est senti « seul » face à la meute des sbires kabilistes qui voulaient lui « faire payer » l’affront. Pire, il n’aurait pas bénéficié du « soutien » de sa hiérarchie.

« L’ETAT N’EXISTE PAS VRAIMENT »

Au lendemain de la répression de la « marche pacifique » organisée le 31 décembre 2017 par le Comité Laïc de Coordination (CLC), le cardinal Laurent Monsengwo a animé un point de presse au cours duquel il dénonça la « barbarie » du pouvoir en place avant d’appeler « les médiocres à dégager » afin que « règnent la paix, la justice au Congo ». Il a par ailleurs fustigé le « mensonge systémique » qui a été élevé au rang de mode de gouvernement des affaires publiques.

Olive Lembe, première Dame, pendant le sermon du révérend

Brouillés avec l’Eglise catholique après le réquisitoire de l’archevêque de Kinshasa, les oligarques kabilistes – les membres de la famille biologique de « Joseph » en tête – optèrent d’aller à la Cathédrale protestante pour « rendre grâce à Dieu » à l’occasion du 17è anniversaire de la mort non-élucidée à ce jour de Mzee LD Kabila. C’était le mardi 16 janvier.

L’officiant n’était autre que le Pasteur François-David Ekofo. Celui-ci a littéralement enfoncé le clou planté deux semaines auparavant par le Cardinal. Il a commencé par dénoncer l’absence de l’Etat en tant que pouvoir politique. « J’ai l’impression que l’Etat n’existe pas vraiment », a-t-il lancé en gardant un sourire permanent en coin.

ELIMINER LES CONTRE-POUVOIRS

Il a, par la suite, stigmatisé la pauvreté ambiante et les inégalités. « Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’Etat est réel, où tout le monde est égal devant la loi, que vous soyez général, ministre, ou qui que ce soit ». Il a signifié un « avertissement amical » aux neufs voisins qui entourent le Congo-Kinshasa. « Le Congo nous appartient, il n’appartient pas aux Américains ni aux Français ni aux Belges ». Et d’ajouter: « Surtout ne prenez pas un centimètre de la RDC. Le Congo ne sera pas toujours faible comme il est aujourd’hui. Il va se réveiller un jour ».

Des propos qui ont provoqué des grincements dans le camp des « super faucons » de la mouvance kabiliste. Les régimes ougandais et rwandais se sont sans doute sentis visés. Et ce pour avoir aidé l’AFDL à s’emparer du pouvoir. « Joseph Kabila » est un pur produit de l’AFDL.

Selon des sources, certains « mandarins » de la mouvance kabiliste avaient proféré des « menaces précises » à l’endroit du Pasteur Ekofo. Dès le lendemain, celui-ci aurait confié à des proches qu’il faisait l’objet d’un harcèlement téléphonique. On peut deviner aisément l’origine des menaces. Ce sont des méthodes chères aux sicaires de l’ANR (Agence nationale de renseignements).

Après la répression de la seconde marche pacifique organisée le 21 janvier par le CLC, le cardinal Monsengwo est revenu à la charge en critiquant le fait que le Congo-Kinshasa soit devenu une sorte de « prison en plein air ». Avant d’inviter les Congolais à rester « inébranlables », le prélat a martelé ces quelques mots forts: « Nous voulons que règne la force de la loi et non la loi de la force ».

Si l’expatriation forcée du Pasteur « François-David » était confirmée, il ne fait plus l’ombre d’un doute que « Joseph Kabila » n’entend en aucun cas quitter le pouvoir « de manière civilisée ». En, attendant, le Président hors mandat tente d’imposer le « style Kagame » au Congo-Zaïre. Un style qui consiste à laminer les têtes qui dépassent et surtout à éliminer, au propre comme au figuré, les contre-pouvoirs. Le temps n’est plus aux longs discours. A contrario, une question s’impose: Après le Pasteur Ekofo, à qui le tour?

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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