Six années après les premières tueries survenues dans le Territoire de Beni (Nord-Kivu) en octobre 2014, le Président de la République a décrété, vendredi 30 avril, l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Pour des raisons connues de lui seul, le prédécesseur de Felix Tshisekedi n’a jamais osé – voulu? – prendre cette mesure en dépit de l’implication des éléments étrangers dans l’insécurité récurrente dans cette partie du pays. L’ex-chef de l’Etat, au passé mystérieux, n’a jamais dit la vérité sur ses relations personnelles avec l’Ougandais Jamil Mukulu. Ce dernier est présenté comme étant le leader présumé des insaisissables rebelles ougandais des « ADF ».
Pendant que l’on attend la publication de l’ordonnance présidentielle fixant les mesures d’application de l’état de siège avec les restrictions des droits et libertés qu’il comporte, on apprenait, samedi 1er mai, le meurtre, apparemment avec préméditation, du Cheikh Ali Amin, imam de la mosquée de Beni, dans la commune de Ruwenzori.
C’est la première fois qu’un dignitaire religieux est victime de « tueurs » qui opèrent impunément au Nord-Kivu et dans l’Ituri. A qui profite ce crime? La question reste pour l’instant sans réponse. Saurait-on la vérité dans ce pays où les enquêtes sont indéfiniment « en cours »?
L’état de siège est généralement défini comme un « pouvoir de crise » que le gouvernement transfert, à titre provisoire, aux autorités militaires. Et ce en cas de péril imminent (guerre étrangère ou insurrection armée). L’article 85 de la Constitution congolaise stipule: « Lorsque des circonstances graves menacent, d’une manière immédiate, l’indépendance ou l’intégrité du territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions, le Président de la République proclame l’état d’urgence ou l’état de siège après concertation avec le Premier ministre et les Présidents des deux chambres (…)« .
LE BATON ET LA CAROTTE
Coïncidence ou pas, l’annonce de l’instauration de l’état de siège dans ces deux Régions semble contrarier certains milieux qui tirent profit du désordre sécuritaire ambiant. Sans omettre leurs « petits soldats » qui opèrent sur le terrain. Des « informations » fragmentaires laissent entendre que des anciens combattants du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) et leurs « frères d’armes » du M23 – brassés et mixés dans les FARDC – prépareraient une « mutinerie » dans les deux provinces précitées.
Cité par Actualité.CD, un certain Chober Agenonga, expert en sociologie militaire et enseignant à l’université de Kisangani, estime que l’état de siège est une « argutie juridique et une rhétorique creuse ». Comprenne qui pourra. Selon lui, cette mesure ne serait pas « adaptée à la crise de l’Est ». Vous avez bien entendu.
S’il est vrai que des acteurs de la communauté internationale sont d’avis que le « tout militaire » ne pourrait suffire pour éradiquer les groupes armés opérant dans le Nord-Est, il n’en demeure pas moins vrai que la « contrainte » devrait être combinée avec le développement. Le bâton et la carotte. L’usage de la force paraît impérieux pour neutraliser les éléments étrangers qui opèrent sur le territoire congolais. C’est le cas notamment des rebelles ougandais dits « ADF » (Forces démocratiques alliées) ainsi que les Hutus rwandais des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda).
JAMIL MUKULU, UN VIEL AMI A « JOSEPH KABILA »
Les premières tueries dans le Territoire de Beni remontent au milieu du mois d’octobre 2014. « Joseph Kabila » attendra plus de deux semaines avant se rendre à Beni. A l’époque, ce dernier n’avait qu’un seul souci: obtenir la révision de la Constitution afin de perpétuer son pouvoir au-delà de la date d’expiration du son second mandat, le 19 décembre 2016.
On rappelle que Théodore Mugalu, alors chef de la maison civile du chef de l’Etat, battait campagne pour le remplacement de la loi fondamentale en vigueur laquelle, selon lui, ne ferait pas assez mention des « valeurs chrétiennes ». D’autres émissaires hantaient, dans les mêmes circonstances de temps, des rédactions de la presse européenne. C’est le cas notamment de Tryphon Kin-Kiey Mulumba et son association « Kabila Désir ».
En mars 2015, le sujet ougandais Jamil Mukulu, présenté comme étant le leader présumé des « ADF », est arrêté dans un village tanzanien. Il était en possession d’une dizaine de passeports dont celui du Congo-Kinshasa. Après le transfert du sieur Mukulu à Kampala, les autorités diplomatiques congolaises n’ont jamais pris langue avec leurs homologues ougandais. Histoire d’identifier l’autorité congolaise ayant émis ce titre de voyage.
L’ETAT DE SIÈGE DÉCRETÉ AU NORD-KIVU EN ITURI SONNE L’HEURE DE VÉRITÉ
Trois années après soit le 13 février 2018, l’auditeur militaire au Nord-Kivu lançait plusieurs « mandats d’arrêt » contre 26 responsables des « ADF » dont le fameux Jamil Mukulu pour le chef d’accusation de « crime de guerre » et de « crime contre l’humanité » dans le Territoire de Beni.
Nombreux sont les Congolais qui s’étaient réjouis croyant que « Kabila » réagissait enfin contre les massacres qui se déroulent à Beni. Hélas, non! Né en Tanzanie où il a grandi, le successeur de Mzee avait manifestement subi des pressions de la part du gouvernement tanzanien. Et ce suite à l’attentat qui coûta la vie à quinze casques bleus de nationalité tanzanienne à la Base de la Monusco à Semuliki. C’était le 7 décembre 2017.
En réalité, les mandats d’arrêt dont question n’étaient qu’un subterfuge. Une ruse. Jamil Mukulu n’est pas un inconnu pour « Kabila ». A en croire, l’ancien ministre Antipas Mbusa Nyamuisi, « Jamil » et le général-major « Joseph Kabila » ont vécu sous le même toit au numéro 55 de la rue Bocage au quartier kinois de « Ma Campagne ».
Mieux encore, dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 7 mars 2001, le successeur improbable de Mzee déclarait notamment: « J’ai aussi vécu dans le maquis qui existait depuis 1990 en Ouganda dans les monts Ruwenzori ». Etrangement, la Base des « ADF » se trouverait aux environs des monts Ruwenzori. L’ex-président « Kabila » dont le parcours reste énigmatique pour les 80 millions de Congolais doit dire la vérité sur la nature exacte de ses relations avec le leader présumé des ADF.
On peut gager que l’état de siège qui vient d’être décrété doit être « imbuvable » pour certains « tireurs de ficelles ». L’heure de vérité a sonné…
B.A.W.