Dans une célèbre chanson intitulée « L’opportuniste », le chanteur français Jacques Dutronc fustige les politiciens passés maître dans « l’art de retourner sa veste du bon côté ». « Je suis pour le communisme, je suis pour le socialisme et pour le capitalisme parce que je suis opportuniste », fredonne Dutronc avec ironie. Ancien rédacteur en chef adjoint à l’hebdomadaire l’Express, Gilles Gaetner en a tiré un ouvrage avec pour titre « L’art de retourner sa veste – La trahison en politique », publié, en 2007, aux éditions du Rocher. Pour la petite histoire, cette locution aurait pour « géniteur » Charles-Emmanuel de Savoie. Petit-fils de François 1er et gendre de Philippe II d’Espagne, l’homme voulait à tout prix être Roi, de France ou d’Espagne. Il portait une casaque réversible aux couleurs de chacun des pays. Chaque couleur indiquait le camp qu’il défendait, en fonction de ses intérêts du moment.
Une semaine après la missive de démission que « Tatu » François Muamba de Kabeya Kamuanga a adressée au « président-raïs », alias « Papa Roméo », alias commandant suprême des FARDC, de la Garde républicaine dite « Bana Moura » et de la police nationale, le Tout-Kinshasa politique ne cesse de chicaner sur les véritables raisons de ce « dépôt de tablier ».
Dans sa notification, Tatu Muamba, ancien numéro deux du MLC de « Mwana Mboka » Jean-Pierre Bemba Gombo, écrit qu’il respecte les « choix » du « raïs ». Désormais, il entend assumer les siens propres. « Lorsqu’on ne partage plus les mêmes convictions, on se sépare », avait-il explicité sa pensée auprès d’un journaliste de l’Agence France Presse. « Par ce geste, j’ai invité le chef de l’Etat à respecter la Constitution ». Le Tout-Kin parle de « démission tardive et opportuniste ». « Muamba est obsédé par l’argent et les honneurs », dit-on dans les chaumières kinoises.
Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien sur les cancans de Kinshasa-Lez-Immondices, Tatu François serait un opportuniste de la pire espèce. « Au lendemain de la formation du gouvernement issu des consternations nationales, pardon, Concertations nationales, Muamba avait approché ses ‘amis français’ afin de solliciter l’appui à sa candidature au poste de Premier ministre, raconte mon ami. C’est fut un échec ».
A en croire mon ami qui sait décidément tout sur tout, le mandat de coordonnateur du Mécanisme de national de suivi de l’Accord-cadre est d’une durée d’un an renouvelable. « Le mandat de François Muamba a expiré au mois de mai dernier, dit l’ami. Ne voyant pas à l’horizon l’ordonnance présidentielle de renouvellement d’un nouveau terme, il était privé de budget de fonctionnement. Aussi, a-t-il pris le devant – les Kinois disent ‘alei avance’ – en annonçant son départ ».
Avec ma naïveté légendaire, j’ai me suis hasardé à poser une question: Où ira Tatu Muamba maintenant? La réponse de l’ami est tombée comme un couperet: « Il est temps que tu descendes de ton cocotier. Où veux-tu que Muamba aille? Il se propose de rejoindre les rangs du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement que préside Tatu Etienne. Ton Tatu Muamba a compris que le ‘raïs’ n’a plus d’avenir. Il avait fait de même lorsque le chairman avait eu des ennuis avec la CPI ». Et de ricaner: « Nous avons affaire à un as de la prospective politique ». Aux dernières nouvelles, « Tatu » ferait des doux yeux à « Moïse ».
Doté d’une mémoire éléphantesque, mon ami, doublé d’un érudit, de me rappeler un passage contenu dans la lettre de Tatu Tshishimbi. Il cite: « Ayant pris la mesure du temps et des circonstances que notre pays vit en cette année cruciale 2016, je vous précise que ma démission prend effet ce jour ». En guise de commentaire, l’ami commence par me regarder longuement avant de murmurer une phrase de Machiavel tirée de son fameux « Le Prince »: « Si tu savais changer de nature quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point ». « L’art de retourner sa veste …du bon côté remonte donc à Machiavel », ai-je conclu.
Par Robert Yuka ea Djema