Un speech prononcé par le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya lors d’une rencontre avec des artistes congolais déclenche l’émoi dans les milieux des « super faucons » de la mouvance kabiliste. L’archevêque de Kinshasa est accusé d’avoir tenu des propos « subversifs ». Est-ce pour avoir exhorté ses interlocuteurs « à véhiculer toujours un message digne d’honneur »? Secrétaire général adjoint de la moribonde « majorité présidentielle », Joseph Kokonyangi s’est arrogé le rôle de procureur en qualifiant les déclarations de Monsengwo d' »incitation à l’insurrection ». Il semble que les « communicateurs de la majorité » seraient vent debout. Sans administrer le moindre début de preuve. Ce n’est pas la première fois que le « Cardinal Laurent » se fait « lyncher » par les zélateurs » du « raïs » hors mandat. En janvier 2010, il a été reproché à ce prélat d’avoir demandé la réouverture du procès sur l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila. C’était lors d’une interview diffusée par la télévision publique France24.
Depuis l’expiration de son dernier mandat le 19 décembre 2016, « Joseph Kabila » et ses partisans sont devenus ombrageux. Ils voient des conspirateurs partout. Ils feignent d’ignorer qu’ils sont hors la loi en s’arrogeant le droit de commander sur les autres sont avoir reçu mandat.
De quoi s’agit-il?
Le vendredi 10 novembre, le cardinal Laurent Monsengwo a reçu des artistes du pays à l’église Notre Dame du Congo, située dans la commune kinoise de Lingwala.
Après les civilités, l’archevêque de Kinshasa a saisi l’occasion pour exhorter ces concitoyens – dont l’influence sur la société n’est pas à démontrer – à demeurer des modèles de référence et surtout à œuvrer toujours pour un « Congo meilleur ».
A titre d’exemple, le prélat a cité l’accueil réservé à la chanson « Indépendance cha-cha » de l’orchestre « African Jazz » aux quatre coins du continent. Alors que cette chanson n’avait pas été « composée pour les indépendances des différents Etats ». « Mais aujourd’hui on remarque qu’elle fait la référence des indépendances de beaucoup d’Etats », a-t-il souligné.
Pour Monsengwo, l’artiste doit faire preuve de rigueur afin d’éviter que son œuvre ne fasse l’objet d’interprétation à tort et à travers. Il estime que « l’artiste est appelé à véhiculer toujours un message digne d’honneur ». Au motif que les « œuvres continueront à édifier ou à dérailler » après leurs auteurs.
En bon « pasteur », Laurent Monsengwo a encouragé ses interlocuteurs à « ne jamais abandonner Dieu pour un avantage périssable ». Pour lui, l’artiste doit prendre soin de « sa vie intérieure » car « le beau qui ressort de l’intérieur poussera l’artiste à agir pour le bien de ses semblables dans la société ». « Ne négligez en aucun cas votre vie spirituelle, a-t-il martelé. Ceci vous inspirera le vrai, le beau et le bien ». Et de poursuivre: « Ne vous faites pas détourner de votre vocation pour une raison quelconque. Faites l’art pour l’art en passant un message pour modeler la société et votre nom demeurera dignement dans l’histoire ».
Réputé pour son franc-parler, le Cardinal de conclure: « (…) si vous ne travaillez que pour des intérêts personnels en détruisant vos semblables, Dieu vous en demandera compte ». Il n’a pas omis d’interpeller les danseurs de promouvoir « des danses non obscènes » tout en invitant tous les artistes à faire de leur mieux pour « offrir à la société la possibilité de redevenir toujours plus meilleure ».
On cherche en vain des « propos subversifs » dans le speech prononcé par Laurent Monsengwo Pasinya. Incapable de peser le poids des mots, le PPRD Joseph Kokonyangi s’est empressé de qualifier ce discours d’« incitation à l’insurrection ». Quelques prétendus « communicateurs de la majorité » se sont jetés à pieds joints sur le Cardinal.
LYNCHAGE
Ce n’est pas la première fois que l’ancien Président du HCR-PT (Haut conseil de la République- Parlement de transition) est pris en grippe par le successeur de Laurent-Désiré Kabila.
A l’occasion de la commémoration du 9è anniversaire de l’assassinat de Mzee, Monsengwo avait provoqué l’ire des « Joséphistes » qui se sont livrés à un véritable lynchage via la presse. C’était le 17 janvier 2010.
Dans une interview accordée à la télévision publique France24, le Cardinal s’était ému du sort des personnalités civiles et militaires condamnées lors du fameux procès sur les « assassins du président Laurent-Désiré Kabila ». « Je demande que la justice fasse son travail le plus vite possible pour que ces gens soient jugés ou libérés, déclarait-il. Le jugement du tribunal disait qu’il fallait compléter les enquêtes. Nous disons donc: complétez ces enquêtes ou libérez-les! »
Cette prise de position du prélat fut qualifiée d’« ingérence inacceptable » par quelques « faucons » plutôt lâches qui ont soigneusement dissimulé leurs identités.
Dans la presse kinoise, on pouvait lire quelques réactions anonymes: « de quoi se mêle-t-il pour une affaire qui est déjà entre les mains de la justice? »; « de quel premier jugement parle-t-il? »; « (…) on n’a jamais parlé d’un autre jugement après le procès »; « en tant que qui parle-t-il d’accélérer la compilation des éléments du dossier ou, à défaut, procéder à la libération des détenus? »; « (…) le dossier est déjà clos, l’affaire a été jugée par la Cour d’ordre militaire, une juridiction d’exception dont l’arrêt ne peut être cassé que par la grâce présidentielle. Et en attendant cette éventualité, les assassins n’ont qu’à purger leurs peines ».
Et pourtant. Dans son discours d’investiture prononcé le 26 janvier 2001, le successeur de Mzee déclarait consciencieusement ce qui suit: « Je rassure le peuple congolais qu’une enquête judiciaire est déjà ouverte afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu ».
Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 7 mars 2001, le tout nouveau président d’enfoncer le clou: « Je veux la vérité totale sur tout ce qui s’est passé ».
Il reviendra à la charge sur le même sujet le 17 janvier 2002: « Quant au procès sur son assassinat, il a été laissé à la commission d’enquête le temps nécessaire de mener des investigations afin d’éviter la précipitation pouvant conduire à des erreurs judiciaires. Le procès va s’ouvrir dans la plus grande transparence et dans le respect des droits de la défense pour que justice soit faite ».
Contrairement aux engagements pris par le « fils » du défunt Président, le procès sur la disparition de ce dernier n’a pas fait éclater la vérité. Bien au contraire. La preuve de culpabilité des cinquante et une personnalités civiles et militaires « condamnées » n’a pas été administrée par l’accusation.
On rappelle que les avocats de la défense s’étaient plaints de n’avoir eu accès à leurs clients qu’à la veille de la première audience alors que ceux-ci avaient passé plus d’une année en « détention préventive ».
En guise de couronnement à ce « cirque judiciaire », le président de la Cour d’ordre militaire, le général Nawele Bakongo, va créer en janvier 2003, l’événement en clôturant les débats par ces mots: « Le procès Kabila n’est pas terminé. Les enquêtes se poursuivent. Il y aura d’autres procès, car on recherche d’autres coupables ». L’avenir a fini par démontrer que le dossier a été purement et simplement classé par le « fils » du défunt.
Laurent Monsengwo Pasinya dérange. Il dérange un « Joseph Kabila » allergique à l’éthique, à la justice et à la vérité. On cherche en vain, dans l’échange entre Monsengwo et les artistes, un seul vocable assimilable à une « incitation à l’insurrection »…
B.A.W
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