A peine nommé en qualité d’Inspecteur général des Finances, Jules Alingete Key vient de dépêcher une mission de contrôle sur la gestion des fonds, biens, dons et ressources de toute nature mis à la disposition du comité multisectoriel, du ministère de la Santé et de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB).
« Quand les Occidentaux donnent des dons, il faut démontrer qu’ils sont bien gérés. Depuis quelques semaines, il y a trop d’allégations d’un présumé détournement dans le secteur de la santé de notre pays. C’est la mission confiée à l’IGF ». L’homme qui parle est ce qu’on appelle « une source bien informée » qui a ses entrées dans les principales institutions du pays.
De quoi s’agit-il?
Par ordre de mission n°29/PR/IGF/IG-CS/JAK/BDP/2020 daté du 9 juillet 2020, l’inspecteur général des finances Jules Alingete Key a chargé les inspecteurs généraux des finances Djamba Ya Ndjondjil, chef de mission, Wassongolua Ndongolo, Mutombo Kalonji et Lutete Mvuemba d’une « mission officielle » auprès du comité multisectoriel de lutte contre la pandémie liée au Coronavirus, du ministère de la Santé ainsi que des services spécialisés relevant de ce département dans la ville de Kinshasa.
L’objet de la mission est double. Primo: procéder au contrôle de la gestion des ressources (fonds, biens, dons) de toute nature mises à la disposition du ministère de la Santé ainsi que ses services spécialisés. C’est le cas notamment de l’institut national de recherche biomédicale (INRB). Secundo: contrôler la destination et la justification des affectations données aux ressources susmentionnées ainsi que la régularité des engagements conclus par ces services.
Les enquêteurs auront à décortiquer minutieusement toutes les opérations effectuées au cours de la période allant du mois de mars 2020 à ce jour. Durée de la mission: dix jours.
« DUEL AU COUTEAU » ENTRE ETENI ET MPETI
Depuis plusieurs semaines, on assiste à une sorte de « duel au couteau » entre le titulaire du ministère de la Santé, l’Udps Eteni Longondo, et son adjoint étiqueté Fcc, Albert Mpeti Biyombo.
Outre une « collaboration conflictuelle » entre les deux hommes, tout commence par un « mémo confidentiel » adressé au Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. L’expéditeur n’est autre que le vice-ministre Mpeti. Celui y fait état des « réseaux mafieux » qui détournent les ressources allouées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Selon lui, ces « réseaux » « exigent des rétro-commissions de 35% » aux allocataires.
C’est bien ce mémo qui a déclenché la « Question écrite » adressée au ministre de la Santé, en date du 3 juillet 2020, par le député Fcc François Nzekuye. Le parlementaire articule, dans sa missive, quasiment les mêmes griefs. A savoir: rétro-commission, enrichissement illicite, achats de médicaments périmés en violation des règles en matière de passation des marchés publics etc.
Dans une déclaration faite, lundi 6 juillet sur Top Congo, le ministre Eteni assure, la main sur le cœur, que le département dont il a la charge a reçu au total un montant de 27 millions $. Il n’aurait géré à son niveau que trois millions. Selon lui, la Primature, elle, a administré 17 millions $. La différence, soit 7 millions $, « étaient directement versées dans des comptes des hôpitaux qui en avaient besoin » ainsi qu’à « d’autres secteurs ». Qui dit vrai?
C’est la mission confiée à l’Inspection générale des Finances. Celle-ci dispose – comme on peut le lire sur son site Internet – d’une « compétence générale supérieure » en matière de contrôle des finances et biens publics. Ce contrôle tient tout en état, excepté ceux de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes.
A ce titre, l’IGF « contrôle, vérifie ou contre-vérifie, tant en recettes qu’en dépenses, toutes les opérations financières de l’Etat, des entités territoriales décentralisés, des établissements publics de l’Etat, des organismes para-étatiques ainsi que des organismes ou entreprises de toute nature bénéficiant du concours financier de l’Etat (…) sous une forme quelconque, notamment (…) de subvention, (…)«
LES « INTOUCHABLES » DE L’IGF
L’IGF dont les inspecteurs sont des officiers de police judiciaire (OPJ) à compétence spéciale, accomplit ses missions de contrôle soit sur instruction du Président de la République, soit à le demande du gouvernement, soit sur réquisition des autorités judiciaires.
Le 22 juillet 2019, le ministre de la Santé d’alors, Oly Ilunga Kalenga, présentait sa démission. Au motif, selon lui, que la tension régnait entre son département et la Présidence de la République notamment sur la gestion de l’épidémie à virus Ebola.
Accusé de détournement de fonds mis à la disposition de son ministère, l’ancien ministre Ilunga a écopé d’une peine de 5 ans de travaux forcés. L’arrêt de la Cour de cassation date du 23 mars 2020. L’intéressé n’a jamais cessé de crier son innocence: « Il est étonnant de se faire condamner non pas pour avoir commis les faits cités, mais plus plutôt parce que les juges considèrent que, en tant que responsable hiérarchique, je ne pouvais pas ignorer des actions menées par mes subalternes ». Une manière de dire qu’il est sanctionné pour le fait d’autrui.
En ce moment où l’Etat de droit, la lutte contre la corruption et l’impunité tiennent lieu de credo pour le président Felix Tshisekedi Tshilombo, il faut espérer que les inspecteurs généraux des finances Djamba Ya Ndjondjil, Wasongolua Ndongolo, Mutombo Kalonji et Lutete Mvuemba auront pour modèle les « Incorruptibles », (The Untouchables, en anglais). Ces agents du Trésor américain dirigé par Eliot Ness dans les années 20. Mission: faire respecter la Prohibition.
Une affaire à suivre.
B.A.W.