Grandiloquent. Contradictoire. Amnésique. « Maître » en esquive. C’est sous ces quatre traits qu’est apparu l’inénarrable ministre congolais de la Communication et des médias Lambert Mende Omalanga. C’était lors du point de presse qu’il a animé lundi 28 mai à Kinshasa.
Quarante-huit heures après son collègue en charge de la diplomatie, – qui avait convoqué les chargés d’affaires des ambassades d’Angola, de France et du Rwanda pour demander des « clarifications » -, Mende a organisé son « show médiatique » devenu légendaire devant quelques journalistes triés sur le volet.
A en croire les contempteurs de l’ex-opposant aux régimes respectifs de Mobutu Sese Seko et de LD Kabila, « Lambert » recevrait lors de chacune de ses « prestations » un montant estimé à 50.000 dollars US du trésor public. Sous le Premier ministre Augustin Matata, c’est la primature qui s’en chargeait. « Lambert Mende est le seul ministre de l’Information qui corrompt des journalistes afin qu’ils reprennent in extenso ses communications sans commentaires », entend-on dire dans les milieux kinois de la presse.
Grandiloquent. Sur le plan factuel, Mende n’a rien dit de nouveau. Bien au contraire. Usant et abusant de son bagou, il s’est limité à poser la question de savoir ce que les présidents Emmanuel Macron, Paul Kagame et Joao Lourenço ont pu se dire au sujet de la situation socio-politique au Congo-Kinshasa.
Dans un « pays normal », le gouvernement aurait évité toute réaction instinctive en attendant de recevoir par les canaux officiels, et non via RFI ou France 24, les « explications » demandées par le ministre Okitundu aux trois diplomates.
Malgré cette pénurie des faits, Omalanga est monté sur ses grands chevaux en rappelant des grands principes dont la « souveraineté des Etats ». Sans omettre de dénoncer ce qu’il appelle les « nouveaux conquistadors ». Devrait-on parler de « panique » au sein de la très arrogante « majorité présidentielle »?
Mende n’a sans doute pas tort lorsqu’il clame que « rien ne doit se faire sur le Congo sans le gouvernement congolais ». Au lieu de s’arrêter en si bon chemin, ne devait-il pas aller jusqu’au bout de sa logique en s’interrogeant sur le « pourquoi » et le comment »?
Contradictoire. Tout en affirmant que le gouvernement congolais a posé une « question » à la France, à l’Angola et au Rwanda et attend la « réponse » et qu’il ne fallait pas « brûler des étapes », Mende qui assure, par ailleurs, que le Congo-Kinshasa n’accuse personne, s’est lancé dans une diatribe en prévenant les Etats africains qui prendrait le risque d’agresser le Congo démocratique.
Selon lui, le « Congo libéré » de « Joseph Kabila » disposerait d’une armée « mieux équipée » et « aguerrie ». Cette armée idéalisée paraît pourtant impuissante face aux bandes armes qui fleurissent dans les provinces du Kivu, du Maniema et de l’Ituri.
Amnésique. Certains observateurs n’ont pas manqué d’entendre leurs oreilles siffler lorsque l’impayable Mende a déclaré que « ce n’est pas la première fois que la RDC ait fait l’objet d’une agression ».
Ancien opposant aux régimes de Mobutu et de Mzee Kabila, « Lambert » a oublié qu’il a fait partie, entre 1998 et 2002, des agresseurs. Il était ministre de l’Information et de la propagande au sein de l’exécutif de la « rébellion » pro-rwandaise du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie). Au Rwanda, Mende a même suivi une formation militaire.
Les Congolais ont encore frais en mémoire que « Joseph Kabila » – Hyppolite Kanambe? – a foulé le sol du pays qui s’appelait encore Zaïre en octobre 1996. Il servait à l’époque en qualité de chauffeur du colonel rwandais James Kabarebe.
Les Congolais n’ont pas oublié que L’AFDL a été inventée de A à Z par les dirigeants rwandais et ougandais actuels. Les cadres zaïrois servaient de caution pour camoufler l’agression.
Les Congolais n’ont pas non plus oublié que LD Kabila a été porté au pouvoir par des troupes venues du Rwanda et de l’Ouganda. Et que « Joseph Kabila » est un « pur produit dérivé » de l’AFDL dont les caciques continuent à être regentés depuis Kigali.
Mende feint l’amnésie en éludant tous ces faits historiques. Et ce y compris le rôle crucial joué par l’armée angolaise en 1998 pour « sauver » le régime de Mzee du naufrage face à un commando venu du Rwanda pour le renverser. La même armée angolaise s’est portée au secours de « Joseph Kabila » en mars 2007 lors des affrontements entre les forces kabilistes et des éléments de la garde rapprochée du vice-président de la République Jean-Pierre Bemba Gombo. Ne dit-on pas que celui qui a fait peut défaire?
« Maître » en esquive. Tout au long de son show, le ministre Mende a esquivé des questions essentielles. Des banderoles déployées sur les grandes artères de la capitale présentant « Kabila » en candidat à l’élection présidentielle malgré son inéligibilité? Pas de réponse. Un parti de la « majorité » a promis de présenter la candidature de « Joseph Kabila » à l’élection présidentielle? « Je ne suis pas membre de ce parti. Posez la question à ce parti », répond Mende. Emmanuel Ramazani Shadary a déclaré que « Joseph Kabila » restera président de la République? « Je voudrais confirmer ce que Shadary a dit: avant, pendant et après les élections, Joseph Kabila sera le chef de la majorité parce que nous allons gagner les élections ».
Depuis le 29 décembre 2016, « Joseph Kabila » se cramponne au sommet de l’Etat congolais en violation de l’article 70 de la Constitution. Cette disposition stipule dans son premier alinéa que « le Président de la République est élu (…) pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ».
Depuis dix-sept mois, « Kabila » exerce un pouvoir illégitime. Inconstitutionnel. Peut-on commander un peuple sans avoir reçu mandat?
Lundi soir, la terre entière a suivi la conférence de presse co-animée par les présidents Emmanuel Macron et Joao Gonçalves Lourenço. Sans user de la langue de bois diplomatique, ce dernier a déclaré que « le président Kabila doit respecter l’accord de la saint sylvestre et ne pas se représenter aux élections en RD Congo (…)« . Le Français d’enfoncer le clou: « L’accord de la saint Sylvestre est le seul viable. J’apporte mon plein soutien à la position angolaise (…)« .
On espère que le ministre Mende, fidèle à son image d’homme sans convictions, va organiser, toutes affaires cessantes, un nouveau « show » pour relever le défi en annonçant les « conclusions » que le « raïs » a décidé de « tirer » à l’encontre de l’Angola…
Baudouin Amba Wetshi