Près d’une semaine après la publication de la liste des membres du gouvernement dirigé par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, la présence du général Gilbert Kabanda Kurhenga à la tête du ministère de la Défense et des anciens combattants est devenue l’objet d’une virulente controverse, sur les réseaux sociaux, tant au pays qu’au sein de la diaspora congolaise. A tort ou à raison, le nouveau titulaire de ce ministère régalien est présenté comme un citoyen rwandais, proche du président Paul Kagame. Nous avons fait appel à un « expert » afin d’y voir un peu plus clair. Dans une brève interview accordée, samedi 17 avril, à notre journal, le médecin-colonel en retraite Luc Mayolo Mokede Akaso réfute les « inepties » qui se racontent autour de son ancien « frère d’armes ». Natif de Basoko (province de la Tshopo), ancien officier des Forces armées zaïroises (FAZ) avant de rejoindre son « ami » Laurent-Désiré Kabila et l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) à l’étape de Goma, « Luc » assure que le général Kabanda est une « vieille connaissance ». Les deux hommes se seraient connus au milieu des années 70 dans les rangs des FAZ. Selon lui, le nouveau ministre n’a jamais appartenu à une quelconque rébellion. INTERVIEW.
Après deux mois d’attente, la composition du gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde est connue depuis lundi 14 avril. Que pensez-vous du « casting »?
Globalement, c’est une équipe très équilibrée. Toutes les sensibilités sont représentées. J’espère que ce sera un véritable gouvernement des « Warriors ». Nous le jugerons sur ses actes.
On imagine que les natifs de Basoko ont appris avec un brin de fierté la nomination de Madame Eve Bazaïba en qualité de vice-Premier ministre chargée de l’important secteur de l’Environnement…
Tout à fait! C’est une cousine. Je lui souhaite plein succès dans l’exercice de ses hautes fonctions.
La présence du général Gilbert Kabanda Kurhenga dans l’équipe « Sama Lukonde I » et singulièrement au ministère de la Défense et des anciens combattants est devenue l’objet d’une virulente controverse. Vous êtes un ancien médecin militaire. Avez-vous connu le nouveau ministre de la Défense?
Je connais « Gilbert » très bien.
A quand remonte votre premier contact?
J’ai rencontré le docteur Gilbert Kabanda Kurhenga en Italie. Il était accompagné de son épouse ainsi que d’une petite-fille. Il s’agissait de la petite-sœur de sa femme. C’était au mois de juillet 1975. Je terminais à l’époque mes études de médecine à Belgrade, dans l’ancienne Yougoslavie. Kabanda avait déjà terminé ses études en médecine. Il était venu en Italie pour accomplir une spécialisation en médecine aéronautique. A l’époque, il portait le grade de capitaine.
Capitaine des Forces armées zaïroises…
Absolument! Je me rappelle qu’il a été recruté en 1971 lorsque des étudiants de l’université de Kinshasa furent enrôlés comme miliciens. Sauf erreur de ma part, il doit avoir totalisé cinquante années de présence dans l’armée zaïro-congolaise.
Vous avez donc connu Gilbert Kabanda sous les régimes successifs…
Je l’ai connu d’abord sous le régime de Mobutu Sese Seko. Ensuite, sous Laurent-Désiré Kabila.
Quelle fonction assumait-il durant la IIème République?
Il était médecin-chef du service médical de la Force aérienne zaïroise. C’est une unité d’appui à l’armée. Les généraux Lotin Kikunda Ombala et Baruti Milengo, respectivement chef d’état-major et chef d’état-major adjoint de la Force aérienne, étaient ses chefs hiérarchiques. Je peux vous assurer que Gilbert Kabanda Kurhenga n’a évolué que dans le secteur de l’aéronautique militaire.
Que répondez-vous à ceux qui allèguent que le nouveau ministre de la Défense a fait partie de l’ex-Armée patriotique rwandaise (Apr) avant de rejoindre l’AFDL?
Je défie quiconque qui répand ce genre d’inepties à m’affronter dans un débat public à Kinshasa où j’arriverai très bientôt. Comme vous le savez, j’avais rejoint l’AFDL à l’étape de Goma. Je n’ai jamais vu Kabanda. Je suis certain qu’il n’a pris part à aucune rébellion. Aucune. Lorsque Kinshasa est tombée le 17 mai 1997, je l’ai retrouvé dans la capitale. Il a aussitôt repris le service à la direction médicale de la Force aérienne. Kabanda est un « loyaliste ». Durant la Présidence de Joseph Kabila, il sera promu chef de corps du service de santé de l’armée.
Avez-vous travaillé sous son autorité?
Non! J’ai travaillé sous la direction de Florent Mapumba et de Vangu. J’étais chaque fois le numéro 2. Le 27 avril 1997, j’ai été nommé médecin-chef de la police nationale à Goma, au Nord-Kivu. A mon arrivée à Kinshasa le 18 mai, j’ai été cherché Kabanda. Je vous confirme que c’est un « Mushi à 100% ». Je défie quiconque de démontrer le contraire.
Au début de cet entretien, vous avez dit qu’en Italie le couple Kabanda était accompagné d’une petite-fille. Pouvez-vous confirmer ce qui se dit ici et là que le nouveau ministre de la Défense aurait élevé l’actuelle « first lady » Denise Nyakeru?
Gilbert Kabanda avait épousé la grande-sœur de Madame Tshisekedi Tshilombo. Peu avant son décès, Madame Kabanda est venue à Bruxelles afin de recevoir des soins médicaux. Elle a tout fait pour rencontrer mon épouse et moi à notre domicile à Merchtem, en Brabant flamand.
Comment expliquez-vous la polémique que suscite la personne de Gilbert Kabanda?
Je m’interroge franchement si c’est ça qu’on appelle faire la politique. Je m’inscris en faux contre cette méthode où la vérité n’a pas de place. J’ai entendu dire que Gilbert Kabanda était médecin à la Gécamines. Rien n’est plus faux! Depuis qu’il a terminé ses études de médecine, Kabanda n’a servi que dans l’armée nationale. Je crois pouvoir vous dire que le nouveau ministre de la Défense est l’homme qu’il faut pour reformer et redresser notre armée. Il connait parfaitement les « maux » dont souffrent nos forces armées. Au risque de me répéter, Kabanda sait d’où nous venons, où nous sommes et où nous devons aller. Il connait tout le monde.
Il lui faudra beaucoup de moyens…
Effectivement! C’est un homme de bonne volonté. Il est très fier. On le dit, à tort, hautain. En fait, c’est un homme qui a des convictions fortes. Ouvert au débat, il aime la contradiction. Il faut le convaincre. A défaut, il reste intransigeant…
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi