Y a-t-il des « tueurs à gages » camouflés en prisonniers dans les pénitenciers congolais en général et à Makala en particulier? Dans son ouvrage « La mort de LD Kabila – Ne nie pas c’est bien toi », publié aux éditions Vérone, le lieutenant Georges Mirindi, ancien membre de la garde rapprochée de Mzee Kabila, assure qu’il y aurait quelques « faux taulards » à Makala. Ce lieu carcéral hébergerait, selon lui, quelques « empoisonneurs » au service de « Joseph Kabila ». Il semble que certains « condamnés » au procès sur l’assassinat de LD Kabila passent souvent le week-end en famille. Mardi 19 mai, Pascal Mukuna, embastillé à Makala depuis le 14 mai, assiste, non sans étonnement, au « déménagement » des autres pensionnaires de son pavillon. Il se retrouve seul dans sa cellule. Mercredi 20 mai. Il est environ 2 heures du matin lorsque des « inconnus » tentent, sans succès, de forcer la porte ainsi que la fenêtre de sa geôle. « Je suis en danger. Des gens veulent me faire du mal ». C’est le message audio envoyé par l’intéressé à quelques proches. Un gaz non identifié a aussitôt envahi sa cellule. Voulant se lever, Mukuna tombe et perd connaissance. Sa tension artérielle chute. Dans la journée, on entend dire ici et là que le leader de « l’éveil patriotique » a monté ce « scénario » afin de bénéficier de la liberté provisoire. Manipulation? Qui tirent les ficelles? Une certitude: l’opinion n’a pas oublié le tweet posté le jeudi 14 mai par Barnabé Kikaya bin Karubi. L’ancien conseiller diplomatique de « Joseph Kabila » y promettait à Mukuna un « châtiment sévère » en soulignant, au passage, l’incarcération à la prison de Makala ne serait qu’un « avant-goût ». Nous avons joint l’avocat Jean-Claude Katende pour recomposer le puzzle. Ce juriste qui est également vice-président de l’éveil patriotique est convaincu que la prolongation, le mardi 19 mai, de la détention de Pascal Mukuna, pour 15 jours, fait partie des actes préparatoires de l’agression dont il a été victime. Interview
L’opinion congolaise a suivi l’appel au secours lancé, le 20 mai à 2 heures du matin, par Pascal Mukuna depuis sa cellule de la prison de Makala. Est-ce une coïncidence ou le début d’exécution des menaces proférées, le jeudi 14 mai, dans un tweet, par Barnabé Kikaya bin Karubi, l’ancien conseiller diplomatique de « Joseph Kabila »?µ
Je ne pense pas qu’une menace puisse avoir une coïncidence avec ce qui s’est passé mercredi 20 mai à 2 heures du matin. Je pense que ce sont des actions planifiées. Au courant de la journée de mardi, pour une raison inconnue, certains prisonniers qui partageaient le même pavillon avec Pascal Mukuna ont été déménagés. Ils ont été installés dans un autre pavillon. Il était resté seul. C’est le premier acte qui démontre que ce n’est pas une coïncidence. Le deuxième acte est intervenu vers 2 heures du matin. Des inconnus ont tenté, sans succès, de forcer la porte ainsi que la fenêtre de la cellule où logeait l’Evêque. N’ayant pas atteint leur but, ces individus ont « pompé » un gaz dont on ne connait pas la composition chimique. Au réveil, l’évêque Mukuna est tombé. Il a perdu connaissance entraînant une chute de sa tension artérielle. La somme de tous ces faits – surtout que la menace proférée disait que le passage de Mukuna à Makala n’était qu’un « avant-goût » et qu’il allait être « châtié sévèrement » – incline à penser que tout a été mis en oeuvre pour arriver à cette situation.
Etes-vous en train de sous-entendre qu’il y aurait des « faux prisonniers » infiltrés à Makala pour accomplir des « sales besognes »? Devrait-on parler plutôt de la « complaisance » du directeur de ce lieu carcéral?
Je ne peux pas l’affirmer. Les avocats ont écrit aux autorités compétentes pour demander l’ouverture d’une enquête. Un prisonnier est à la disposition de la prison. Cela veut qu’on doit prendre des mesures nécessaires pour qu’il soit en sécurité. A fortiori une personne comme évêque Mukuna qui reçoit des menaces de partout. Le constat est là: l’administration de la prison de Makala n’a pas accompli sa mission. Si Mukuna a pu être agressé, un tel acte ne pourrait être commis que par d’autres pensionnaires de la prison ou par des personnes venues de l’extérieur. Cette dernière hypothèse ne peut se réaliser qu’avec la « bénédiction » des responsables de la prison. J’estime que ce qui est arrivé à Pascal Mukuna n’est ni un fait anodin ni un acte isolé.
Qu’en est-il de la plainte déposée contre Barnabé Kikaya, le vendredi 15 mai, par le conseil de Pascal Mukuna?
Jusqu’à ce jour, monsieur Kikaya n’a jamais été convoqué au parquet pour qu’il soit entendu en rapport avec cette plainte. Mercredi 20 mai, l’équipe de défense du Pasteur Mukuna a écrit aux autorités du pays afin non seulement de signaler ce qui est arrivé aujourd’hui mais aussi la « menace » émise par l’ancien conseiller diplomatique. La justice a agi avec beaucoup de célérité dans le dossier concernant l’évêque Mukuna. Dans d’autres, elle fait preuve de lenteur.
Avez-vous rencontré Pascal Mukuna ce mercredi 20 mai?
Non. Il ne m’a pas été possible du fait des charges que j’avais notamment de garder le contact avec les médias, tenir des réunions avec les avocats ainsi qu’avec des membres de l’église ACK (Assemblée chrétienne de Kinshasa). Nous avons des collègues qui ont été sur place ainsi que des membres de sa famille.
Comment se porte-t-il?
Les informations que nous avons reçues au cours de la journée de mercredi étaient alarmantes. A savoir qu’il était resté au dispensaire de la prison durant une grande partie de la journée. Ce n’est que dans la soirée que ceux qui s’étaient rendus à la prison nous ont assuré que sa tension artérielle s’était stabilisée. Nous avons appris qu’il a été installé dans une autre cellule. Quelqu’un qui lui est proche va passer la nuit à ses côtés.
Le conseil de Mukuna va-t-il intenté une action en justice contre la direction de la prison de Makala?
Il me semble que la lettre adressée aux autorités compétentes est assez complètes. L’enquête qui va être diligentée nous permettra de déterminer les responsabilités. Curieusement, on entend ici et là que l’événement survenu mercredi à 2 heures du matin « ne serait qu’un coup monté par le concerné lui-même » dans le but d’obtenir la liberté provisoire. C’est une insulte pour l’évêque Pascal Mukuna.
Devrait-on parler de manipulation?
Absolument, dans la mesure où depuis qu’il se trouve à Makala, Pascal Mukuna ne s’est jamais permis de m’appeler aussi tard la nuit. Je ne vois pas la raison qui le pousserait à monter un tel scénario. Il importe relever dans l’attitude du pasteur Mukuna le fait qu’il a demandé que le dossier soit fixé devant le tribunal pour lui permettre de se défendre devant son juge. Je ne vois pas un monsieur qui a une telle détermination agir comme il se raconte. Le médecin qui l’a consulté a pu constater qu’il avait un problème sérieux au niveau de la tension artérielle.
Quelle a été la motivation invoquée par le magistrat pour justifier le maintien de Mukuna en prison durant 15 jours supplémentaires?
Je ne perçois nullement la motivation qui serait fondée juridiquement. Je pense qu’on n’a pas voulu le laisser sortir de la prison avant que l’acte qui a eu lieu aujourd’hui ait pu se réaliser. C’est pour cette raison que nous estimons que la prison est véritablement un milieu dangereux pour lui. Le magistrat a demandé qu’on lui accorde encore des jours parce qu’il a encore des témoins à entendre et d’accomplir tel ou tel autre devoir. Une chose parait sûre : nous ne sentons pas de la célérité pour achever les devoirs impartis au magistrat. On semble souhaiter que l’homme reste en prison. J’espère que les pouvoirs publics prendront des dispositions pour éviter que quelque chose de mauvais ne puisse pas lui arriver.
Autre chose?
Je voudrais encourager les Congolais de la diaspora et ceux qui sont au pays en leur disant que « l’éveil patriotique » constitue un mouvement qui peut aider notre pays à aller de l’avant en dépit de tous ces « coups » portés contre son Président. Nous allons garder le flambeau allumé. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien de tout le monde. Je profite pour remercier tous les journalistes – de la presse tant écrite qu’audiovisuelle – qui font en sorte que les messages du mouvement soient diffusés et relayés à travers le monde. Nous allons poursuivre le « combat ».
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi