Mbungani: « L’annonce de Kinshasa de quitter la CPI est irresponsable »

Docteur en médecine, secrétaire national chargé des Relations extérieures du MLC (Mouvement de libération du Congo), 51 ans, Jean-Jacques Mbungani Mbanda se dit « choqué » par les allégations contenues dans le communiqué publié, samedi 15 septembre, par le ministre des Affaires étrangères Léonard She Okitundu. Le texte dénonce des « pressions » que certains Etats exerceraient sur les juges de la CPI dans le but d’influer sur « la politique intérieure congolaise ». Interview.

Quelle est votre réaction après lecture du communiqué du ministre congolais des Affaires étrangères?

Je suis très choqué. Il se dégage de ce communiqué une certaine légèreté de la part des gouvernants actuels. En ratifiant le Statut de Rome, j’imagine qu’ils étaient conscients de l’engagement pris. En dépit de certaines imperfections, la Cour pénale internationale est une institution qui a une utilité reconnue de tous. Prétendre que des Etats tiers exerceraient des « pressions » sur les juges afin d’influencer un verdict est totalement inimaginable. En lisant entre les lignes ce communiqué, on est tenté de dire que c’est plutôt le gouvernement congolais qui serait en contact avec ces magistrats. L’annonce du retrait éventuel de la RDC du Statut de Rome est tout simplement irresponsable.

Que répondez-vous à ceux qui suspectent le bureau du procureur d’avoir « tuyauté » le gouvernement congolais?

Vous le savez autant que moi que le bureau du procureur ne rend pas des jugements. Le rôle de celui-ci se limite à mener des enquêtes et à rassembler des indices susceptibles de confirmer la culpabilité. Il est question dans ce communiqué de « gouvernements étrangers » non autrement identifiés qui tenteraient de faire pencher la balance dans le processus de décision des juges par rapport à des personnes qui pourraient influencer la politique nationale en RDC. C’est assez étonnant_

D’aucuns diront qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Quel est, selon vous, le facteur qui pu inciter les autorités congolaises à diffuser ce communiqué?

Il y a visiblement des personnalités qui influent sur la politique nationale. L’accueil chaleureux que les Kinois ont réservé récemment à Jean-Pierre Bemba témoigne de la demande populaire d’un changement. Il y a des personnes qui incarnent ce changement. C’est le cas notamment du sénateur Bemba. Si une telle personne accédait au pouvoir, cela pourrait mettre à mal le pouvoir en place qui est rejeté par tout un peuple. On peut supposer que certains artifices utilisés par les gouvernants en place n’ont qu’un but. Celui d’empêcher d’autres prétendants à se lancer dans la compétition.

Le communiqué du ministère des Affaires étrangères fait état de « la propension à instrumentaliser cette juridiction internationale à des fins inavoués ». Et pourtant, il est de notoriété publique que le régime kabiliste semblait filer le « parfait amour » avec la CPI. Votre commentaire?

La Cour pénale internationale est indépendante dans le rendu de ses arrêts. A preuve, le sénateur Jean-Pierre Bemba a été condamné en première instance, dans la première affaire, à 18 ans de prison. Son conseil avait interjeté appel. La chambre d’appel a acquitté le sénateur Bemba après avoir constaté, dans ses attendus, que le Président du MLC  n’exerçait pas l’autorité hiérarchique sur les troupes du MLC déployées en Centrafrique. La Cour l’a lavé totalement du chef d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité mis à sa charge. Il va sans dire que la CPI a rendu sa décision en toute indépendance. Lorsqu’on parle d’instrumentalisation, cela voudrait-il dire qu’il y a des gouvernements qui prennent des contacts avec les juges de manière à ce que le verdict à rendre soit orienté? C’est impensable!

Le dernier mandat de « Joseph Kabila » a expiré le 19 décembre 2016. Que répondez-vous à certains juristes qui soutiennent que le Président en exercice – qui est depuis lors hors mandat – devrait se limiter à « expédier les affaires courantes » et n’est pas habilité à décider le retrait du Congo-Kinshasa d’une organisation internationale?

Cette question vaut son pesant d’or. Joseph Kabila n’a plus organisé les élections. Il est là comme le président de « rallonge » grâce à l’Accord de la Saint Sylvestre qui lui a accordé une pseudo-légitimité. Nous attendons qu’il « libère » le processus électoral par l’organisation des élections. En attendant, le gouvernement en place n’est plus qualifié pour prendre des décisions qui relèvent de la responsabilité d’un exécutif de plein exercice.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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