Marche du 25 février: « Kabila » et ses sbires pris en flagrant délit de mensonge

Après avoir ânonné tout au long de la journée de dimanche 25 février – et durant la matinée de lundi 26 – d’avoir atteint son objectif de « zéro mort », la police de « Joseph Kabila » a fini par reconnaître l’existence de deux tués rejoignant le clergé et la Monusco. Toute honte bue, le porte-parole de la police, Pierrot Mwanamputu a tenté sans convaincre de justifier l’assassinat de Rossy Mukendi Tshimanga en présentant cet activiste de la société civile comme un « fauteur de troubles ». Ce n’est que quelques heures plus tard que la ministre des « Droits humains » Marie-Ange Mushobekwa a reconnu à son tour des cas de décès. On imagine que les sbires de l’oligarchie en place n’ont pas pu emporter les cadavres pour effacer les traces.

L’édition de 13h30 du « JT » de la télévision d’Etat (RTNC) a commencé, lundi 26 février, par le compte-rendu soporifique de la réunion du conseil des ministres qui s’est tenue samedi 24 février sous la direction de « Joseph Kabila ». Le deuxième sujet portait sur le « renforcement » des relations entre le Congo-Kinshasa et le Venezuela. La marche organisée par le CLC (Comité laïc de coordination) a été reléguée au troisième point. Une hiérarchisation de l’information qui est loin d’être innocente.

Colonel Pierrot Mwanamputu

C’est ici qu’est apparu le colonel Rombaut-Pierrot Mwanamputu. En dépit de son rictus légendaire, le porte-parole de la police de « Kabila » semblait bien embarrassé de devoir se déjuger. Aussi a-t-il commencé par bredouiller que le « bilan des victimes a connu une évolution » en donnant le chiffre total de deux tués à Kinshasa et à Mbandaka. Il s’agit respectivement de l’activiste de la société civile Rossy Mukendi Tshimanga, 35 ans, et de l’étudiant Eric Bolokoloko, 21 ans.

MENSONGE

Décidé à sauver la « face » des forces dites de sécurité, Mwanamputu s’est cru en droit de débiter des histoires rocambolesques en guise de « cause de justification » à ces tueries. D’après lui, « Rossy » serait descendu dans les rues pour « semer le désordre ». C’est lors de « l’affrontement » avec les forces dites de l’ordre qu’un policier l’a « grièvement blessé » par… une « balle en caoutchouc ». « Faux! », rétorquent des fidèles présent qui assurent que le défunt a été tué au moment il tentait de fermer la grille de cette paroisse. « Le porte-parole de la police a menti », martèle un riverain joint à Kinshasa.

Le jeune habitant du chef-lieu de la province de l’Equateur, lui, serait victime tout simplement d’une « bavure ». Il aurait été tué par un « garde fluvial ». Sans rire, Mwanamputu de préciser que ce dernier n’était nullement impliqué dans les opérations de maintien de l’ordre.

On apprenait lundi, qu’un procès « en flagrance » se déroule devant la garnison de l’auditorat militaire à Mbandaka. Une célérité pour le moins surprenante dans ce « Congo libéré » où la justice est rendue au gré des intérêts et des fantaisies du « raïs ».

La mouvance kabiliste dite « majorité présidentielle » tente d’éluder la cause profonde de la crise politique qui secoue le pays en parlant de « manipulation » et « d’activisme politique » de l’église catholique. Et pourtant, la contestation ambiante procède de la volonté de « Joseph Kabila » de s’accrocher au pouvoir alors que son dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016.

RÉPULSION

Porte-parole de la mouvance kabiliste, André-Alain Atundu s’est « félicité » de la « faible mobilisation » de la population. Chacun se console comme il peut. Cet ancien mobutiste feint d’ignorer la répulsion que provoque l’évocation de « Kabila » au sein de la majorité de la population. En cause, l’échec socio-économique, l’échec sécuritaire et l’arbitraire.

Dans un communiqué publié dimanche 25 février, les huit animateurs du « CLC » – en l’occurrence Gertrude Ekombe, Léonie Kandolo, Julien Lukengo, Franklin Mbokolo, Isidore Ndaywel, Thierry Nlandu, Justin Okana et Jonas Tshiombela – ont écrit notamment que « nous avons marché, aujourd’hui, pour dire NON à la dictature, obstacle majeur aux élections libres, transparentes, démocratiques et apaisées, organisées dans de meilleures conditions d’égalité et d’équité ».

Pr Isidore Ndaywel

Pour ces ténors du « CLC », il est utopique d’espérer une concurrence pacifique – lors des consultations politiques – aussi longtemps que « Kabila » sera à la tête de l’Etat. Outre les mesures de décrispation de l’espace politique, les organisateurs de la marche invitent le Président sortant à prendre l’engagement solennel de ne pas briguer un nouveau mandat. « Nous avons marché pour dire NON à la barbarie, au cynisme et à l’aveuglement des dirigeants de ce pays qui refusent de prendre en considération les revendications de toute une nation et, qui n’hésitent pas à tuer, à assassiner ses propres citoyens dont le seul crime serait de réclamer ses droits les plus légitimes », notent-ils.

Dans une langue de bois diplomatique, la toute nouvelle chef de la Mission onusienne au Congo Leila Zerrougui a « regretté » qu’il y ait eu des morts. Elle demande aux autorités congolaises d’ouvrir une « enquête crédible et indépendante ». Sera-t-elle entendue? C’est à voir.

« ABATTOIRS »

Les réactions les plus vigoureuses sont venues du Botswana, pays qui abrite le Secrétariat des Etats membres de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) et du Comité des droits de l’Homme de l’ONU à Genève.

Dans un communiqué daté du 26 février, le ministère des Affaires étrangères botswanais soutient que le climat s’est politiquement dégradé au Congo-Kinshasa « parce que son chef a retardé avec persistance les élections et a perdu le contrôle de la sécurité de son pays ». Le Botswana demande à la communauté internationale d’accentuer les « pressions » sur la mouvance kabiliste « pour l’emmener à renoncer au pouvoir », souligne le texte.

Ce n’est pas la première fois que ce petit Etat démocratique de l’Afrique australe tienne un discours « diplomatiquement incorrect » au sujet des chefs d’Etat qui s’accrochent au pouvoir. Robert Mugabe en sait quelque chose. Fin novembre dernier, le président botswanais Seretse Khama Ian Khama déclarait que les dirigeants qui restaient longtemps au pouvoir le faisaient non pas pour servir la collectivité mais pour préserver leurs intérêts particuliers.

La position des autorités de Gaborone tranche avec les propos lénifiants contenus dans le communiqué commun publié le 14 février dernier lors de la rencontre tripartite à Kinshasa entre « Joseph Kabila » et les présidents de l’Angola Joao Gonçalves Lourenço et du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso. Les trois dirigeants ont lancé un « appel à la retenue » et « condamné toute tentative d’accession au pouvoir par des voies non constitutionnelles ». Ils sont restés muets vis-à-vis des leaders africains qui s’accrochent au pouvoir après l’expiration de leur mandat.

Haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein a créé lundi 26 février un petit événement en comparant la situation en Syrie, au Congo-Kinshasa, au Yémen et au Burundi à des « abattoirs ».

Dans leur communiqué publié dimanche, les huit animateurs du « CLC » ont pris la ferme résolution de n’accorder aucun « répit » à l’oligarchie au pouvoir. Et ce tant que le peuple congolais n’aura pas retrouvé la « dignité » et la « liberté ».

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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