Ça passe ou ça casse! C’est le moins qu’on puisse dire de la réunion des leaders de LAMUKA convoquée le 20 juillet prochain, à Lubumbashi, par Moïse Katumbi, le président en exercice du présidium de ce cartel. Depuis la transformation, le 27 avril dernier, de cette plateforme électorale en « coalition politique », beaucoup d’eau a coulé sous le pont. La cohésion interne n’est plus ce qu’elle était. Antipas Mbusa Nyamwisi a « suspendu » sa participation. Soutenu par Adolphe Muzito, Martin Fayulu joue à fond la carte de la « radicalité » frisant le populisme voire l’incohérence. Les relations entre LAMUKA et le proche entourage du nouveau chef de l’Etat sont empreintes d’une « méfiance cordiale ». On assiste à un durcissement. La répression de la manifestation pacifique du 30 juin en témoigne. Il en est de même de la coupure du signal de la chaîne RTVS1, accusée, à tort ou à raison, de faire l’éloge de la haine. On espère que le porte-parole de l’Opposition sera désigné à l’issue de cette rencontre. L’objectif est d' »unifier » enfin les « éléments de langage » pour mettre fin à la cacophonie ambiante.
Le 27 avril dernier, les leaders de LAMUKA publiaient la « Convention » transformant l’ancienne plateforme électorale en « plateforme politique ». Depuis lors, la cohésion interne ne cesse de se fissurer. Et pour cause?
Dans un courrier adressé au Coordonnateur du présidium de cette coalition, en date du 17 juin dernier, Antipas Mbusa Nyamwisi annonce sa « décision de suspendre » sa « participation aux activités » de cette organisation politique.
En parcourant le courrier précité, il apparaît que les autres leaders étaient au courant des « concertations » que leur camarade avaient avec le président Felix Tshisekedi Tshilombo. Ancien élu de Beni-Butembo, « Antipas » voudrait apporter aux pouvoirs publics sa « contribution à la lutte contre l’épidémie à virus Ebola et à l’insécurité ». C’est ce qu’il avoue.
KATUMBI ET L’ « OPPOSITION RÉPUBLICAINE »
Le 23 juin, Jean-Pierre Bemba a regagné le pays. Lors du meeting qu’il a animé le même jour à la Place Sainte-Thérèse, située dans la commune kinoise de Ndjili, l’évocation du nom de Moïse Katumbi provoqua des huées inexpliquées dans la foule. Le public semblait reprocher à l’ancien gouverneur du Katanga d’avoir « tourné le dos » à « la vérité des urnes » en optant pour une « opposition républicaine ». Le président du MLC faillit « subir le même sort » en clamant haut et fort sa volonté de privilégier l’intérêt du peuple.
Cette réaction de la foule a un début d’explication. Tout a commencé lors du meeting tenu par Fayulu le 28 avril au même endroit. De retour de sa tournée euro-américaine, « Martin » a fait preuve de populisme en disant ce que la foule venue l’écouter voulait bien entendre. A savoir que tout abandon de la vérité des urnes était assimilé à de la compromission avec le pouvoir tshisekediste. « Nous nous entendons pour dire à notre frère Felix de démissionner. Qu’il parte, qu’il arrête avec les bêtises », déclarait-il. Et d’ajouter: « Felix a fait notre honte. Felix a vendu le pays à Kabila ».
Ces propos n’avaient pas manqué un certain embarras auprès de certains leaders. On peut citer aujourd’hui Moïse Katumbi, Antipas Mbusa Nyamwisi et – dans une certaine mesure – Jean-Pierre Bemba. Des hommes réputés plutôt « pragmatiques ».
En fait, Fayulu a élevé la « vérité des urnes » au rang d’un « fond de commerce ». L’homme est conscient que sans cette revendication il perdrait le « titre » flatteur de « ‘Président élu » pour redevenir tout simplement le Président de l’ECIDé.
Fayulu n’a pas eu assez de cran pour signifier à ses partisans que la Convention signée le 27 avril par les six leaders, n’avait plus retenu le combat pour la « vérité des urnes » parmi les priorités qui étaient désormais au nombre de quatre. A savoir: la défense des articles intangibles de la Constitution; la mobilisation de la population à une alternance démocratique; la promotion d’un Etat de droit et d’une meilleure gouvernance et l’éradication des antivaleurs.
INCOHÉRENCE
En dissimulant à ses partisans les nouveaux principes arrêtés, de commun accord, avec les cinq autres leaders, Martin Fayulu a fait preuve d’incohérence et surtout de couardise. Il a eu peur d’être déjugé par des partisans fanatisés. Et pourtant, depuis le 27 avril, l’homme savait parfaitement que « la vérité des urnes » n’était plus à l’ordre du jour de LAMUKA. Ce « combat » était reporté aux prochaines consultations politiques.
La vérité parait implacable. Tout en revendiquant le titre de « Président élu » devant le grand public, Martin Fayulu était prêt à trouver un « compromis » avec le président Tshisekedi.
Le grand public et certains leaders de LAMUKA ont été, sans doute, atterrés d’apprendre que Fayulu avait conçu, à l’insu de ses camarades, une « proposition de sortie crise » qu’il tentait de « négocier » auprès de certaines chancelleries occidentales. Le document a été mis à jour en date du 12 mai 2019.
En un mot, le candidat malheureux à l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 propose la mise sur pied d’une institution taillée sur mesure dénommée « Haut Conseil National des Réformes institutionnelles ».
En évitant d’aborder ce sujet au grand jour, Fayulu s’est tiré une balle dans le pied. Il s’est discrédité. Et ce non seulement aux yeux d’une importante frange de l’opinion congolaise mais surtout de cette communauté internationale qui dissimulait à peine sa « lassitude » au discours outrancier qui a fini par mettre une partie de la population en transe. « Felix » a déjà réagi en balayant du revers de main l’idée d’une telle institution.
« MÉFIANCE CORDIALE »
Cinq mois après l’investiture de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat, le constat est là: une certaine crispation semble succéder à la « décrispation politique » saluée par les observateurs tout au long des premiers pas du nouveau chef de l’Etat.
C’est un secret de Polichinelle de révéler ici que certains « radicaux » de l’UDPS, le parti présidentiel, suspectent LAMUKA de vouloir « déstabiliser » – c’est un euphémisme – le pouvoir du successeur de « Joseph Kabila ». En dépit des apparences, entre LAMUKA et Felix Tshisekedi l’heure est à la « méfiance cordiale ». L’entourage présidentiel paraît truffé des adeptes du « complotisme ».
S’il est vrai que la période post-électorale doit être un moment d’apaisement et de vie collective harmonieuse, il n’en demeure pas moins vrai qu’en agissant en solitaire, Fayulu est tombé dans son propre piège.
A Lubumbashi, ça passe ou se casse! C’est le moins qu’on puisse dire de l’issue de la réunion prévue le 20 juillet. On imagine que les leaders « modérés » de LAMUKA ne manqueront pas de profiter de cette occasion pour se désolidariser de la démarche de leur camarade. Sans jeter le bébé et l’eau du bain.
On imagine également que cette rencontre sera l’occasion pour les cinq leaders de lancer un vrai débat en vue de la désignation d’un porte-parole de l’Opposition. Celle-ci ressemble aujourd’hui à une pétaudière…
Baudouin Amba Wetshi