Les sanctions ne ramèneront pas la paix à l’Est de la RDC

Wina Lokondo

La paix à l’Est de la RDC ne viendra pas de rencontres qu’on organise dans différentes villes du monde. Elle ne viendra pas non plus à la suite d’une victoire militaire d’un groupe sur un autre, d’un pays sur un autre; ni de sanctions sur le Rwanda ou sur tel ou tel autre individu.

La paix viendra le jour où la Haine que se vouent les populations bantoues et nilotiques – que l’on exprime par des stigmatisations et discriminations – sera « éradiquée »; le jour où les élites congolaises de toutes les ethnies, et en particulier celles des provinces de l’Est – les unes et les autres s’adressant aux frères et sœurs de leurs propres communautés – développeront le discours de l’amour du prochain, de cohabitation pacifique avec les « autres » et refuseront de s’acoquiner avec les groupes armés dits « d’autodéfense » qui pullulent au Nord et Sud-Kivu et en Ituri, et s’investiront à les dissoudre; le jour où elles diront courageusement à leurs jeunes frères combattants qu’une guerre ne peut être éternelle, sans fin; que la guerre, qu’elle soit de bonne cause ou pas, entraîne destructions d’infrastructures sociales et économiques, déplacement des populations, multiples souffrances et morts d’hommes.

La paix reviendra le jour où les racistes et extrémistes congolais – dont les propos haineux inondent les réseaux sociaux et qui, pour eux, tiennent lieu d’expression de patriotisme – comprendront que les Tutsi ou Banyamulenge, minorité « visible », ne pourront jamais tous quitter la RDC parce qu’ils y vivent depuis très longtemps – comme les milliers de Congolais qui ont choisi de vivre à l’étranger et qui ne regagneront pas tous le Congo, leur pays d’origine, contre leur propre volonté; le jour où l’on cessera de traiter indistinctement les Tutsi (mêmes loyaux citoyens) « d’infiltrés » au sein des institutions et services publics du simple fait de leur morphologie hamitique; le jour où l’on acceptera de vivre tranquillement avec eux comme nous vivons avec les Libanais, les Indiens, les Pakistanais et les Chinois, eux qui tiennent entièrement l’économie du pays, qui achètent et rachètent mines, terres, fermes, immeubles et parcelles sans qu’on fasse débat sur leurs origines « étrangères », sur leur non appartenance au nombre d’ethnies congolaises « répertoriées » par le colonisateur belge ni sur leur mode de vie isolé (ils ne partagent pas leur intimité – anniversaires, mariages, deuils – avec les Congolais); le jour où les populations de l’Est commenceront à entendre et à voir les politiques Justin Bitakwira, Mohindo Nzangi, Julien Paluku et autres leaders bantous tenir des propos apaisés et fraternels à l’égard des politiques tutsi Azarias Ruberwa, Moïse Nyarugabo et autres, à les voir se tenir côte-à-côte, les mains dans les mains, se réunissant ensemble pour parler des problèmes de leurs provinces communes. C’est en rassurant les Tutsi congolais, en les acceptant fraternellement dans la communauté nationale que l’on retirera à Paul Kagame l’argument, la mission qu’il se donne d’être le protecteur de ses « frères » Tutsi discriminés, violentés en RDC, mission qui justifie ses incessantes incursions dans le territoire congolais et à l’occasion desquelles il se sert en diverses ressources naturelles du pays. Du butin de guerre…

Pour que la paix soit réelle et durable dans la partie Est du territoire congolais, il faut développer des dispositions d’esprit positives entre populations qui sont contraintes, par la géographie et l’histoire, à cohabiter. Tout état d’esprit et attitudes contraires seraient irresponsables et suicidaires. Car les guerres continueront, les armes seront dans toutes les mains comme aujourd’hui, l’insécurité fera ainsi et davantage partie du quotidien, l’activité économique se ralentira ou s’arrêtera ici et là, les enfants seront déscolarisés avec l’illettrisme et la délinquance juvénile comme conséquences, les morts continueront à se compter en millions, les camps de déplacés internes se multiplieront et où les gens vivoteront, comme dans ceux qui existent aujourd’hui, en promiscuité indécente et en toutes sortes de violences sur les plus faibles, les femmes et les enfants mineurs. Personne – ni Nande, ni Vira, ni Fuliiro, ni Bembe, ni Tutsi, ni Lendu, ni Hema – ne vivra en paix. Personne ne gagnera.

C’est ce qui devra être notamment dit et redit à Luanda dès ce mardi 18 mars et lors d’autres futures rencontres pour le « retour » de la paix à l’Est de la RDC.

Wina Lokondo

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