Les élections de la honte

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

L’alternance hypothétique du pouvoir en RDC renvoyée aux calendes grecques!

Les élections qui étaient renvoyées à plusieurs reprises par la CENI sous les ordres du pouvoir finissant de Kabila ont eu finalement lieu le dimanche 30 décembre 2018. Tout le monde savait que toutes les conditions matérielles et logistiques n’étaient pas réunies pour organiser de bonnes élections. Nangaa, le président de la CENI, et à travers lui, tout le pouvoir en place, a eu peur d’un soulèvement populaire dont le spectre était brandi par de nombreuses ONG. Il n’a donc pas daigné prendre le risque de les renvoyer, une fois de plus.

La conséquence indéniable de cette décision a été le chaos total sur tous les plans. Jamais les élections n’auront été mal organisées comme celles que les Congolais venaient de vivre. C’est une honte terrible que le pays a essuyée. C’est l’image de la défaillance totale au niveau organisationnel qui marquera les esprits pour longtemps. Et dire que la CENI a bénéficié du temps extrêmement long pour mieux préparer ces scrutins.

L’exclusion du droit légitime de voter aux citoyens de trois grandes villes, Beni, Butembo et Yumbi, est une bavure outrancière de la CENI. Cette mesure ne trouve pas de fondement dans les explications données. Pour preuve, les habitants de Beni ont défié les autorités en organisant des élections symboliques le même jour. Celles-ci ont connu une grande participation des masses démentant ainsi les fausses allégations avancées à ce propos. C’est donc un véritable pied de nez aux organisateurs et un camouflet au processus électoral, biaisé et politisé.

La responsabilité de l’échec patent des élections du déshonneur incombe, en réalité, à divers secteurs du pouvoir, sans épargner les partis de l’opposition. Le président sortant est le premier responsable de l’horrible machination orchestrée par la CENI. Il a conditionné principalement tous les mécanismes normatifs pouvant conduire aux bonnes élections. Sa soif injustifiée de demeurer au pouvoir en dépit de son bilan très sombre est à la base de multiples renvois du scrutin afin d’allonger ses deux mandats expirés constitutionnellement. Quant au gouvernement, il est tombé dans le jeu de l’orgueil mal placé. En alléguant avoir les moyens financiers et logistiques pour financer à 100% ces scrutins, sans recourir à l’aide extérieure, il devrait prouver son autonomie et son indépendance en pourvoyant les fonds à l’avance. Cela fut fait, mais à compte-goutte, occasionnant le retard dans la livraison du matériel électoral et dans le paiement des agents de la CENI. L’ingérence dans les affaires internes de la République tant redoutée, motivée plus par le souci d’échapper à tout contrôle de la communauté internationale, a provoqué le chaos généralisé et indescriptible des scrutins.

Nangaa, rongé par la mégalomanie, ne voulait écouter personne. Il se croyait une sommité en matière d’organisation électorale. Entêté, il a imposé illégalement la machine à voter (MAV). Celle-ci s’est révélée non seulement comme un traquenard, mais un véritable drame lors du scrutin, sur toute l’étendue de la République. Tout ce dont on disait d’elle en mal s’est vérifié sur le terrain: dysfonctionnement, nombre insuffisant des MAV à disposition, batteries déchargées, usage difficile, ralentissement des procédures pour les personnes non familières à la technologie moderne, et patati patata. Ce fut un véritable cauchemar. Mais le vrai mal dont tout le monde craignait, avec raison finalement, c’est la fraude programmée. Des MAV ont été trouvées chez des privés avec des bulletins déjà votés. Quant à l’organisation, elle fut néfaste; bureaux de vote inexistants, listes d’électeurs non affichées, matériels non disponibles, bureaux de vote supprimés, etc.

Devant ce chaos qui fait la honte de tout le pays, fallait-il vraiment aller aux élections dans ces conditions? Nous nous sommes demandé, avec raison, vers quelles élections le peuple congolais était convié à participer. Les élections où les droits de certains candidats sont bannis à l’avance. Les élections où un seul parti monopolise tous les moyens de l’État, fonctionnaires y compris, à son service. Des élections où les vainqueurs étaient déjà connus d’avance.

Tout le processus démontrait que ça serait une parodie d’élections. Les pièges étaient tendus pour décourager l’opposition à y participer ou soit pour les pousser à déclarer un boycott. Le choix n’était donc pas facile à faire. Toutefois, en prenant part à ce processus vicié par de nombreuses irrégularités, on l’a directement ou indirectement crédibilisé. Car, l’on savait très bien que le FCC était engagé dans le processus électoral non pas pour le perdre.

Par ailleurs, vu le contexte, les partis de l’opposition auraient mieux fait de se trouver un candidat unique. Ce geste d’une haute responsabilité patriotique aurait enlevé l’alibi de la division des voix aux organisateurs des élections évitant ainsi ouvertement la tricherie à leurs dépens.

Maintenant que les élections ont eu lieu avec toutes ces carences, on ne peut s’attendre à mieux de la part de ceux qui sont habitués à tricher. La Cour constitutionnelle inféodée et soumise au pouvoir n’y fera rien. En définitive, il y a eu perte du temps, gaspillage de l’argent et surtout une grande déception de la population de vivre l’alternance politique.

À vouloir aller aux élections à tout prix, le peuple congolais se retrouve au point de départ, sans alternative viable, avec le même régime qui change seulement de pion. Dès lors, une question fondamentale se pose: quoi faire pour changer la donne sur le terrain?

Mwamba Tshibangu

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