Au cours de la réunion du conseil des ministres qu’il a présidée, vendredi 14 août, Felix Tshisekedi Tshilombo, a instruit le ministre des Affaires étrangères, Marie Tumba Nzeza, de « lui faire rapport » sur la situation que traversent les missions diplomatiques congolaises aux quatre coins de la planète. A l’heure de la téléconférence, le chef de l’Etat devrait organiser une conférence diplomatique – censée avoir lieu chaque année – afin d’écouter les principaux intéressés.
La situation des missions diplomatiques congolaises n’est plus grave. Elle est quasi-désespérée. Alarmisme? Assurément pas! Il ne se passe plus une semaine sans que l’on apprenne via les réseaux sociaux le « déguerpissement » d’un diplomate congolais et sa famille. Pire, la chancellerie, autrement dit les bureaux de la représentation diplomatique, n’échappe pas à cette infamie. En cause, l’impécuniosité.
Politique de prestige oblige, l’Etat zaïro-congolais avait vu trop grand. Il compte à l’étranger près de soixante-dix postes diplomatiques (ambassades et consulats généraux) sans mandat clair sur les objectifs à atteindre. Inutile de parler d’un personnel pléthorique que l’Etat est incapable d’entretenir. Or la diplomatie, c’est l’apparat. Du tape à l’œil!
Lors de la 44ème réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, vendredi 14 août, « Felix » a été informé de la « misère » ambiante au sein du monde diplomatique congolais. Après avoir fait remarquer que cette situation était de nature à « ternir » l’image du pays, le chef de l’Etat a demandé au ministre Marie Tumba Nzeza, en charge des Affaires étrangères, de le tenir pleinement informé sur la question lors la toute prochaine réunion du Conseil des ministres.
RÉFORMER LA DIPLOMATIE CONGOLAISE
Au cours de ce week-end du 15 août, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. Il s’agit de l’expulsion d’un diplomate congolais de son logement. La scène se passe à Harare, au Zimbabwe où trône l’ambassadeur Mawampanga Mwanananga. Un « intouchable ».
A Berlin, Paris, Londres, Buenos Aires et ailleurs, les diplomates congolais rasent les murs. Fauchés comme du blé, ils croulent sous les dettes. Les passeports et autres actes d’état civil sont « vendus » comme des vulgaires produits commerciaux. Le chef de mission veuille au grain.
Au-delà de l’irrégularité – c’est un euphémisme – du transfert des frais de fonctionnement et des salaires du personnel, la diplomatie congolaise doit être reformée.
Depuis la fin de la Guerre froide en 1989, la majorité des Etats du globe ont réajusté leur politique étrangère en mettant un accent particulier sur l’intérêt national. Le Congo-Zaïre, lui, continue à fonctionner comme si de rien n’était avec un nombre inflationniste de postes diplomatiques dont l’action se limite à une « représentation contemplative ». Et pourtant, outre la mission classique de représenter, le diplomate doit observer, informer, négocier et défendre les intérêts des nationaux. Comment pourrait-on observer, informer et défendre les intérêts du pays d’envoi sans moyens?
LES RÈGLES FOULÉE AUX PIEDS
Durant la transition de 1990-1997, pas moins de dix ministres ont défilé à la tête de ce département régalien. A quelques rares exceptions près, chaque ministre a profité pour envoyer en poste des parents et amis. Sans tenir compte d’un quelconque organigramme. Cette situation s’est poursuivie après la « libération » du 17 mai 1997 jusqu’au 24 janvier 2019. Conséquence: un personnel pléthorique.
Là où le bât blesse est que la diplomatie congolaise est devenue une sorte de jungle où les règles les plus élémentaires sont foulées aux pieds. A titre d’exemple, les fonctionnaires arrivés à la fin de leur mandat sont abandonnés à leur triste sort dans le pays d’accueil. Sans carte de séjour, sans logement ni ressources financières. Au lieu d’assurer leur rapatriement, l’Administration centrale fait la sourde oreille. Et pourtant, des règlements d’administration en vigueur sont clairs: le diplomate arrivé à la fin de son mandat reste à la charge du poste diplomatique concerné jusqu’au moment où il prend son avion.
LA DIPLOMATIE MALADE DES PROMESSES NON-TENUES
Qu’il s’agisse de l’Administration centrale ou des postes diplomatiques, le constat est là: la diplomatie congolaise est malade. Malade essentiellement des promesses non-tenues au point que le personnel est blasé.
Dans son discours d’investiture, en décembre 2006, « Joseph Kabila » avait pris l’engagement de faire de la diplomatie congolaise, « une diplomatie de paix et de développement ».
Lors de la première conférence diplomatique organisée en février 2008, sous le premier quinquennat du successeur de Mzee, les recommandations n’ont jamais été publiées. Et ce sous le fallacieux prétexte que la primeur était réservée au chef de l’Etat. Aucune réforme n’a été entreprise. On entendait ici et là, la nécessité de « dégraisser » le personnel et la fermeture d’une trentaine de postes diplomatiques. Sans omettre le rapatriement des « anciens diplomates ». Des vœux pieux.
RÉHABILITER L’ADMINISTRATION DU DÉPARTEMENT
Dans son allocution d’investiture en décembre 2011, « Kabila » déclarait que « notre diplomatie sera réorganisée et modernisée, de manière à en faire la vitrine d’un Congo qui rassure et qui gagne, source de fierté légitime de notre peuple et pour l’Afrique ». Ce n’était que de la rhétorique.
Nommé ministre des Affaires étrangères, en avril 2012, Raymond Tshibanda, a cru réinventer la roue en promettant une « thérapie de choc » pour « guérir » la diplomatie congolaise. Le problème, le ministre était constamment entre deux avions. Quand il sortait de sa voiture officielle, il avait le téléphone collé à l’oreille. Autre problème: il avait concentré toutes les activités du ministère à son cabinet. Et ce y compris les tâches relevant de l’Administration du département. On verra le ministre Tshibanda s’adresser personnellement à un transporteur belge chargé d’assurer le rapatriement des effets personnels de quelques agents. Il s’agissait sans doute d’une affaire de « gros sous ». Il faut réhabiliter l’Administration centrale en sa qualité de service technique.
On imagine que les fonctionnaires intéressés ont les oreilles tendues vers Kinshasa. Rendez-vous est pris pour la réunion du Conseil des ministres du vendredi 21. En attendant, les diplomates congolais « broient du noir ». Sans jeu de mots.
B.A.W.