Pour ceux qui avaient encore des doutes sur la responsabilité personnelle de nos médiocres dans le désastre que connait notre pays, le virus va cette fois nous ouvrir les yeux de manière brutale.
Nous connaissions déjà leur responsabilité dans la disparition de l’Etat de droit et de l’émergence de la violence comme seul mode de gestion de la cité et de règlement de conflits. En effet, ils sont responsables de la majorité des cas de détournement et autres crimes économiques. Ils parasitent et paralysent toutes les institutions qu’ils animent et dirigent y compris celles qui sont censées assurer sécurité et justice. Ils s’assurent ainsi une impunité totale dont bénéficient aussi les militaires et leurs supplétifs aussi appelés « bandes armés » ou « présumés ADF ». Ces violences ont fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et des millions de déplacés. On est désormais dans le domaine des crimes contre l’humanité et un tribunal de type Tribunal international spécial RDC les enverrait en prison à vie.
La pandémie qui est en train de se développer en RDC va jeter une lumière crue sur la responsabilité de nos médiocres dans la situation difficile que traverse notre pays.
Leur désintérêt pour la santé des populations a créé une situation sanitaire désastreuse pour la majorité de nos concitoyens. L’espérance de vie inférieure à 50 ans en est un triste témoignage. La résurgence mortelle de plusieurs maladies infectieuses: choléra, tuberculose, peste bubonique et même la rougeole qui a fait plus de 7.000 victimes déclarées en un an touchant les enfants en bas âge qui n’y survivent pas.
Malgré les leçons apprises avec l’épidémie Ebola et le lourd tribut payé par la population, nous sommes au niveau zéro de la préparation pour une nouvelle épidémie. Aucun budget n’a été accordé pour faire face à une possible résurgence de l’épidémie qui nécessiterait des moyens considérables. La plupart de nos hôpitaux sont dépourvus de fournitures élémentaires et de matériel de protection pour les soignants (le malade doit apporter le nécessaire). Ne parlons pas des postes de réanimation, de respirateurs ou de scanners ni même de bonbonnes d’oxygène qui sont une denrée rare.
Comment en est-on arrivé là?
Une fois de plus, la même explication: la cupidité, l’égoïsme et l’incompétence de nos dirigeants/politiciens ainsi que les dysfonctionnements des institutions qu’ils animent et dirigent.
Par leur cupidité et leur incompétence ils sont responsables de la gestion prédatrice de nos ressources et d’une forme de « privatisation partielle » – à leur profit – de nombreux services publiques. Ils interceptent ainsi une grande partie des montants dus à l’état qui lui ne dispose plus que d’un budget insignifiant dont ils accaparent également une grande part.
Année après année, les budgets de la présidence et de quelques autres institutions sont gonflés et dépassés au détriment des secteurs sociaux. Priorité est donnée au partage de la marmite et plus particulièrement des « postes-accès-à-la-marmite ». Une fois les postes distribués on assiste à la course effrénée et scandaleuse aux avantages et retraites plantureuses des ministres et autres dignitaires du régime.
Non contents de détourner une bonne partie des budgets de la nation, ils font des dépenses de centaines de millions de USD non budgétisés pour des éléphants blancs comme Bukanga Lonzo ($200 millions), programme 100 jours (plusieurs centaines de millions de $) etc. Dans ces conditions il ne reste que des miettes pour les autres secteurs dont celui de la santé.
Le banditisme, la corruption et l’impunité qui règnent dans le gouvernement et dans l’administration des villes ont mené à la bidonvilisation et l’insalubrité totale de la plus grande partie des villes dont seule une minorité a accès à l’eau potable et l’électricité. Dans les énormes cités dortoir à la périphérie de Kinshasa, les familles vivent dans une promiscuité totale. Les grands marchés urbains censés approvisionner la population en denrées alimentaires de base, les marchandises y sont vendues à même le sol et souvent dans la boue. Dans ces conditions toute mesure d’hygiène est quasiment impossible.
L’agriculture a été scandaleusement négligée au profit d’importations permettant un enrichissement rapide de nos criminels en cols blanc mais entraînant un exode rural sans précédent. La petite réserve de sécurité que représentaient les cultures vivrières est en voie de tarissement, faute d’entretien des routes de desserte agricole et du racket des militaires sur ces transports.
Jusqu’à présent seul les démunis, ceux qui vivent avec 1 ou 2$ par jour, c’est-à-dire la majorité de la population sont les victimes de nos criminels en cols blancs.
Comme nous le répétons depuis plusieurs années, la responsabilité des médiocres est sans appel et cette fois, cette crise pourrait être le départ d’une mise en cause radicale des fossoyeurs de l’Etat.
Les initiatives de la plateforme « Le Congo n’est pas à vendre « (CNPAV) composées d’un grand nombre d’ONG nationales et internationales sont peut être les prémices d’une poursuite à terme des prédateurs de tout bord.
Le CNPAV a diffusé ces jours-ci un communiqué de presse qui a évoqué une série d’affaires dont Bukanga Lonzo, la Rawbank et les affaires judiciaires pour lesquelles Vital Kamerhe a été mis en détention provisoire avec quelques autres personnalités du monde des entreprises publiques, de la politique et des affaires.
Pour l’instant, ce à quoi nous assistons, c’est juste un règlement de comptes entre « corrompus ». La justice est encore loin d’y trouver son compte, néanmoins les affaires y sont cette fois-ci citées nommément dans les documents du CNPAV, il y manque encore le nom des responsables, pourtant connus de tous, j’y reviendrai très vite dès que les fils de ces affaires auront été tirées dans les prochains jours…
Par Jean-Marie Lelo Diakese