Une étrange fébrilité règne au sein de la « majorité présidentielle » (MP) dont l’avenir parait incertain du fait de l’inéligibilité de sa « tête d’affiche » en l’occurrence le Président sortant. Contre toute attente, il n’est plus rare d’entendre les fameux « communicateurs » de la « MP » clamer, avec une pointe d’insolence, ces sept mots: « Joseph Kabila est prêt pour les élections ». Qu’est ce qui se dissimule derrière cette bravade à quelques neuf mois de la date fixée? Le Président hors mandat se voit-il déjà en haut de l’affiche en tant que chef de la majorité parlementaire?
Info ou intox? Sur papier à en-tête du « Centre de coordination des élections » de la « majorité présidentielle », on peut lire notamment les patronymes et les coordonnées téléphoniques de 170 prétendants aux élections législatives.
Le destinataire de ce document en circulation sur les réseaux sociaux n’est autre que la « Cellule informatique et vérification de la CENI ». Tiens! Tiens! Le « motif » est clairement stipulé: « Scanner les noms sur le serveur central avant le traitement des dossiers des candidatures aux députés nationaux (sic!)« .
En scrutant cette liste qui requiert – pour le moment – le conditionnel, on est surpris d’y découvrir les noms de quelques ténors du « G7 » et de l’UNC. Diversion? Ce document explique-t-il l’assurance tranquille qu’affiche la « MP » à la veille des consultations politiques majeures à venir?
Si l’authenticité de cet écrit était établie, on se trouverait face à un gigantesque scandale. La CENI aurait été complice d’une tentative de fraude massive pour permettre à la majorité sortante de se succéder à elle-même. Alors que l’ « humeur du moment » de la grande majorité des Congolais est à l’avènement non pas d’une alternance mais bien d’une alternative. Histoire de tourner le chapitre du « système » incarné par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) et ses avatars.
La Chambre basse du Parlement compte 500 députés. Si cette « piraterie électorale » avait réussi, il n’aura manqué à la mouvance kabiliste que 81 « élus » pour s’adjuger la majorité absolue soit 251députés sur 500.
A Kinshasa, la CENI se livre à une course contre la montre. Lundi 26 mars, la Centrale électorale a inauguré la session de formation de ses secrétaires exécutifs provinciaux en prévision desdites élections du 23 décembre prochain. Durée: cinq jours.
Le président de la CENI Corneille Nangaa a annoncé que les secrétaires exécutifs provinciaux vont acheminer, « dans les tout prochains jours », les lots des machines à voter et d’autres matériels électoraux dans leurs provinces respectives. L’objectif, selon lui, est de « rassurer la population de la tenue des élections ».
Selon une source bien informée, il semble que la MP se préparerait à affronter une vaste contestation de la machine à voter que des contempteurs de l’oligarchie en place qualifient de « machine à frauder ». Ce n’est pas tout.
LE BILAN DE LA « MP »
Il n’est pas exclu qu’on assiste à d’autres frondes. Le rapporteur de la CENI, Jean-Pierre Kalamba – dont le remplacement est réclamé à cor et à cri par l’UDPS du duo Tshilombo/Kabund – a annoncé la clôture lundi 26 mars à minuit des listes des partis et regroupements politiques devant participer aux consultations politiques. « Si on a deux regroupements, ce sont ceux-là qui vont aller à la compétition. Ce n’est pas un jeu d’enfants où on va aller supplier les gens », a conclu Kalamba qui semble envoyer un « message subliminal » à ses « camarades » de l’UDPS tiraillés entre « Limete » et « Kasa Vubu ».
Aucun dénouement n’était intervenu, en ce qui concerne l’UDPS, au moment de boucler ces lignes. Il en est de même pour le « MSR » (Mouvement social du renouveau) de l’ex-conseiller spécial en matière de Sécurité Pierre Lumbi Okongo. Un certain Rubota serait le détenteur du titre.
Dans la soirée de lundi, le ministre de l’Intérieur Henri Mova Sakanyi s’est rendu au siège de la CENI pour déposer les listes. Selon lui, on compterait 600 partis politiques et une centaine de coalition politique. Représentant d’un pouvoir politique partial qui est loin de servir l’intérêt général, Mova a invité les responsables des formations politiques dont les cas n’ont pas été résolus à s’adresser aux juridictions.
Dans un communiqué daté du 26 mars, l’association de défense des droits de l’Homme « La Voix des Sans Voix » note que « la politique de traitement discriminatoire du dossier relative au dédoublement des partis politiques n’est pas susceptible de contribuer à la décrispation totale du climat politique tant attendu par la population congolaise à quelques mois de la tenue des élections (…) ».
Pour la VSV, les membres du Conseil national du suivi de l’Accord (CNSA) n’ont pas fait preuve d’ « indépendance », encore moins de « neutralité » dans le traitement dans l’examen de ces cas litigieux.
La situation en Ituri, le dossier de dédoublement des partis et la machine à voter ne manqueront pas d’empoisonner l’ambiance électorale dans les semaines et mois à venir. Sans omettre la controverse suscitée autour de la citoyenneté congolaise de l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi. Celui-ci n’a sans doute pas dit son dernier mot. Certains observateurs ne croient plus à la tenue des élections à la date du 23 décembre.
En attendant, tous ces sujets risquent de détourner l’attention des futurs électeurs du véritable débat, à savoir le bilan de douze années d’exercice du pouvoir d’Etat par une « MP » qui tente de faire une O.P.A. sur les législatives à venir.
Baudouin Amba Wetshi
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