Le vent du changement qui a soufflé sur l’Assemblée nationale est en passe d’atteindre le Sénat où des pétitions sont initiées contre les membres du Bureau. Le président Alexis Thambwe Mwamba, en tête. Dans une déclaration lue, jeudi 4 février, par le sénateur Pprd Ghislain Chikez Diemu, un groupe de sénateurs non-autrement identifié de cette mouvance se dit « révolté » par le « coup de grâce infligé aux institutions » et demande au Président de la République « d’arrêter cette dérive dictatoriale ».
Près de deux mois après la destitution des membres du Bureau de l’Assemblée nationale dirigé par le FCC-PPRD Jeanine Mabunda, le nouveau Bureau définitif a été installé mercredi 3 février 2021. Les nouveaux membres sont connus: Christophe Mboso Nkodia Pwanga (Président/ex-FCC), Jean-Marc Kabund-A-Kabund (1er vice-Président, UDPS), Vital Banywesize Mukuza Muhini (2ème vice-Président, AFDC-A), Joseph Lembi Libula (Rapporteur, MLC), Colette Tchomba Tundu (Rapporteur adjoint, PPRD), Angèle Tabu Makusi (Questeur, MS/Eensemble) et Jean-Pierre Kanefu Munjiwa (Questeur adjoint, ex-FCC). La clôture de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale a eu lieu tard dans la soirée.
Des observateurs n’ont pu s’empêcher de réprouver l’absence de « concurrence » entre tous les prétendants aux différents postes. Plusieurs candidatures furent invalidées. En dehors de Colette Tchomba Tundu qui a dû batailler face à Hyacinte Shisso Nkongolo au seul poste réservé à l’Opposition, les autres membres du Bureau de la chambre basse ont été, en fait, « plébiscités ».
Le mot « élection » dérive du verbe latin « eligere » qui signifie « choisir ». Il est difficile de choisir face à un seul postulant. N’empêche, les 481 députés présents à la « plénière » ont voté. Le nouveau Bureau définitif de la Chambre basse est là. Osons espérer que Christophe Mboso sera l’antithèse de Mabunda, son ex-camarade du FCC. Et que l’Assemblée nationale, à majorité Union Sacrée de la Nation (USN), fera triompher la démocratie en jouant pleinement son double rôle de « législateur » et de « contrôleur ».
PETITION CONTRE LE « BUREAU THAMBWE »
Au Sénat, on assiste à une sorte d’accélération quelque peu chaotique de l’Histoire. Dès la journée de mardi 2 février, on apprenait, via les réseaux sociaux, qu’un groupe de sénateurs, manifestement « acquis à l’Union Sacrée de la Nation », a initié une pétition « en vue de la déchéance » du président Alexis Thambwe Mwamba. Sans omettre les autres membres du Bureau.
Seulement voilà, ce même mardi, le président du Sénat avait, à la demande du Président de la République, convoqué une session extraordinaire. Un seul objet à l’ordre du jour: l’examen et le vote du projet de loi autorisant la ratification par la RDC de l’Accord de la Zone de libre-échange continentale africaine. La matière étant épuisée le même jour, les sénateurs sont rentrés en « vacances parlementaires ».
Par un hasard de calendrier, mercredi 3, une nouvelle information est tombée. Il s’agit d’une correspondance, datée du 3 février 2021, adressée au Président du Sénat par l’Inspecteur général des Finances, chef de Service, le très médiatique Jules Alingete Key. Celui-ci invite notamment Alexis Thambwe Mwamba « à fournir les justifications sur l’utilisation d’un montant en Franc congolais de 107.393.869.128,82 mis à la disposition du Sénat » qui n’est pas justifié pour la période de janvier 2019 à fin 2020.
UNE « PLÉNIÈRE ILLEGALE »
Dans une dépêche datée de jeudi 4 février, l’Agence congolaise de presse (ACP) rapporte que le « Sénat », a tenu, ce même jour, sa plénière. Celle-ci était présidée par… le doyen d’âge, Léon Mamboleo Muguba, entouré des sénateurs moins âgés. A savoir: Regan Ilunga Bakonga et Victorine Lwese Bakwamoyo.
Cette réunion devrait se poursuivre vendredi 5. A l’ordre du jour, l’examen des « motions » adressées aux sept membres du Bureau. « Chaque membre du bureau présentera, à cette occasion, ses moyens de défense devant la plénière (…) », souligne la dépêche. Et de rappeler que la séance plénière du jour a été auparavant présidée par le secrétaire général du Sénat, Gilbert Kikudi Kongolo Ndjibu.
Selon l’ACP, 64 sénateurs étaient présents à cette réunion. Bien que le quorum était atteint, nombreux sont les juristes qui – tout en clamant leur antipathie à l’égard d’Alexis Thambwe – qualifient cette plénière « d’illégale ». Le secrétaire général du Sénat, lui, invoque, à l’appui de sa démarche, l’alinéa premier tiret un de l’article 28 du Règlement intérieur de la Chambre haute.
CHIKEZ DEMANDE A FATSHI D’ARRETER LA « DERIVE DICTATORIALE »
Dans la soirée de jeudi, un groupe de sénateurs FCC non-autrement identifié ont décidé de réagir. Ghislain Chikez Diemu, un des apparatchiks de la mouvance kabiliste, en est le porte-parole. « Le Sénat traverse un moment critique de son existence en tant que troisième institution de la République démocratique du Congo et haute instance de la représentation du peuple congolais en général et de nos provinces en particulier », dit-il en liminaire.
L’orateur commence par rappeler tous les événements qui fâchent survenus au cours des deux dernières années. C’est le cas notamment de la suspension de l’installation du Sénat, la proclamation de l’état d’urgence et la nomination des juges constitutionnels. Et de poursuivre: « Les Bureaux des chambres s’abstinrent de cautionner l’illégalité et ne participèrent point à la cérémonie de prestation de serment ».
Chikez Diemu de fustiger, dans la foulée, « la mise au pas de la Cour constitutionnelle », la « destitution irrégulière » du Bureau de l’Assemblée nationale, la « modification arbitraire de la majorité parlementaire sur fond d’intimidation des députés et d’instrumentalisation de la justice » ainsi que la « déchéance irrégulière du gouvernement de la République ».
Pour ce co-fondateur du Pprd et ancien ministre de la Défense (2007-2008), les pétitions initiées contre les membres du Bureau du Sénat ont pour but « de parachever la mise à mort de l’ordre constitutionnel (…) consacré par la Constitution promulguée le 18 février 2006 ».
Natif du Katanga (Kapanga), le sénateur Chikez Diemu de dénoncer à nouveau la convocation de la « plénière illégale » du Sénat. Il n’exclut pas de voir les « populations de nos provinces respectives » se prendre en charge « conformément aux dispositions de l’article 64 de la Constitution ». Selon lui, la convocation de cette réunion par le secrétaire général du Sénat constitue « l’implantation sans masque d’une dictature monolithique et l’exacerbation des tensions intercommunautaires ».
Sur un ton menaçant, ce sénateur natif de Kapanga termine la lecture laborieuse de cette « déclaration » – attribuée à un Groupe de sénateurs FCC – en demandant au Président de la République « d’arrêter cette dérive dictatoriale susceptible de plonger le pays dans l’instabilité institutionnelle et sociale ». Il dit prendre « à témoin » l’Union Africaine et toutes les organisations régionales.
Baudouin Amba Wetshi