Arrivé à Bruxelles la veille au début de soirée, le président congolais Felix Tshisekedi Tshilombo a reçu l’ « accueil officiel », mardi 17 septembre, dans la cour d’honneur du Palais d’Egmont, par le Premier ministre Charles Michel. A l’issue d’une séance de travail entre les parties congolaise et belges, le chef de la diplomatie belge Didier Reynders et son homologue congolais Marie Tumba Nzeza ont signé un « Mémorandum d’entente » qui met fin à la crise politico-diplomatique entre les deux pays. Relance de la coopération d’Etat à Etat, nomination de l’ambassadeur du Congo-Kinshasa à Bruxelles, relance de grande commission mixte et réouverture des consulats respectifs à Lubumbashi et Anvers. Ce sont là les principaux hauts faits de cette visite. Mardi, les anti-Fatshi ont manifesté à Bruxelles contre la venue de Felix Tshisekedi.
« Nous accordons le bénéfice du doute au nouveau Président [congolais], mais nous attendons des actes palpables dans le sens de la lutte contre la corruption et l’insécurité ». L’homme qui parle s’appelle Alexander De Croo. Libéral néerlandophone (VLD), il assume les fonctions de vice-Premier ministre, ministre de la Coopération au développement du gouvernement en affaires courantes.
Il n’est pas sans intérêt de préciser que les « affaires courantes » est la situation d’un gouvernement démissionnaire qui ne dispose plus de ses pouvoirs constitutionnels. Ce gouvernement reste en place dans l’attente de son remplacement par une équipe issue de la nouvelle majorité. En vertu du principe de « continuité de l’Etat », le gouvernement expédiant les affaires courantes peut prendre des décisions nécessitées par l’ « administration quotidienne ». Il peut prendre également des « décisions immédiates » nécessitées par l’urgence. Il est erroné de penser qu’un gouvernement en affaires courantes est un gouvernement sans pouvoir.
Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a terminé ce mardi 17 septembre la partie de sa visite officielle consacrée au gouvernement fédéral belge. L’agenda du jour était bien chargé.
Après l’accueil officiel par le chef du gouvernement belge – ponctué des hymnes nationaux et honneurs militaires -, le Président congolais et sa délégation ont été conviés à une séance de travail. Celle-ci a abouti à la signature de plusieurs accords et protocoles qui portent notamment sur la réouverture des consulats respectifs à Anvers et Lubumbashi. La partie belge s’est, par ailleurs, engagée non seulement à appuyer l’Ecole nationale d’administration à Kinshasa mais aussi à assurer la formation des diplomates congolais. L’audience avec le Roi Philippe et la Reine Mathilde a été, sans jeu de mots, le « couronnement » de cette visite.
COOPÉRER POUR L’INTÉRÊT DE NOS POPULATIONS
Une parenthèse. Sur son compte Twitter le « Premier » Charles Michel a écrit ces mots: « Nous voulons renforcer notre coopération dans l’intérêt de nos populations ». Ce tweet résume à lui seul la conception occidentale du pouvoir d’Etat. Celui-ci a pour but de promouvoir le « mieux-être » de la population. Depuis la nuit de temps, le « partenaire » belge n’a cessé de reprocher aux dirigeants zaïro-congolais de consacrer l’essentiel du budget de l’Etat aux dépenses n’ayant aucun impact direct au plan social. C’est ainsi que la coopération belge a toujours des secteurs vitaux: agriculture, enseignement, santé , formation. Sans oublier le développement des zones rurales. Fermons la parenthèse.
Vers la fin de l’après-midi de ce mardi, le chef de l’Etat congolais a été reçu par le patronat belge (FEB). A en croire une commentatrice de la Radio publique belge francophone (RTBF), la Fédération des Entreprises Belges a dû refuser du monde. Les entrepreneurs du royaume seraient venus très nombreux écouter Felix Tshisekedi « en dépit de la pauvreté du pays ». Comme pour dire que les potentialités dont regorge le Congo-Kinshasa ne laissent personne indifférent.
« ACCOMPAGNEMENT DE LA BELGIQUE »
Dans son speech, « Fatshi » a commencé par rappeler les « liens particuliers » qu’il entretient avec la Belgique. Un pays où il a passé « plus de la moitié de sa vie ». « Je peux dire que je me sentirai toujours chez moi ici », a-t-il glissé.
Le « hic » est que depuis novembre 1973, la confiance n’est plus ce qu’elle était entre le Congo-Zaïre et le monde belge des affaires. En cause, les mesures de nationalisation de l’économie. Les deux nations qui entretenaient des « relations privilégiées » n’ont plus que des « relations normales ». « Le Congo d’aujourd’hui est un Congo nouveau. C’est un pays qui se veut performant et surtout émergent », a martelé Felix Tshisekedi avant d’ajouter que « ce Congo attend de la Belgique un accompagnement. Maintenant! ».
Échaudés par les « années Mobutu « , les investisseurs potentiels pensent sans doute qu’il est urgent d’attendre. Et ce en dépit du « bénéfice du doute » qu’ils semblent accorder au successeur de l’ex-président « Joseph Kabila ».
POLÉMIQUE
Tshisekedi Tshilombo qui avoue connaitre la Belgique « dans toutes ses facettes » est conscient de la complexité institutionnelle de ce pays devenu un Etat fédéral depuis 1993. Ce mercredi 18 septembre, le chef d’Etat congolais entame la seconde et dernière partie de son séjour consacrée aux Régions fédérées (Bruxelles-Capitale, la Flandre et la Wallonie). La Flandre occupe la première place en tant que puissance économique.
Ce même mercredi, la rencontre tant attendue entre « Fatshi » et les Congolais de la diaspora va se tenir. Lieu: Brussels Expo (Heysel). Heures: de 16h00 à 21h00. Il n’est pas exclu que des questions fusent sur l’affaire relative aux 15 millions USD « disparus ».
Notons que des « anti-Fatshi » ont organisé mardi une manifestation contre la visite du chef d’Etat congolais. Les protestataires brandissaient des banderoles de l’ECIDé (Engagement citoyen pour le développement) de Martin Fayulu Madidi.
Notons également la polémique née sur un passage contenu dans la récente interview accordée au « Soir » par Felix Tshisekedi. Dans cet entretien, ce dernier ne s’est pas empêché de plaider « en faveur d’une sorte d’assouplissement » des sanctions internationales infligées à certains bonzes de l’ex-oligarchie kabiliste. Cette mansuétude a suscité un tollé d’indignation.
A titre d’illustration, sur son compte Twitter, Jean-Jacques Lumumba @lumumbaJj a réagi: « L’alternance a été obtenue au prix du sang des Congolais. Tant que la Justice n’a pas été faite, nous estimons que cette demande du Président@fatshi13 est inopportune. Les proches de @drcJK méritent d’être maintenus sous sanctions d’autant plus que ça ne leur fait aucun mal ».
L’avenir dira si les entrepreneurs belges ont reçu cinq sur cinq l’appel du Président Fatshi les exhortant à se libérer de la peur. « L’accompagnement de la Belgique », lui, semble acquis.
Baudouin Amba Wetshi